Accéder au contenu principal

Le dilemme monétaire de l’Alliance des Etats du Sahel : Par le Professeur Boubacar Baïdari et le Professeur Daniel Gouadain

monnaie de lalliance des etats du sahel Introduction
Trois Etats sahéliens, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont récemment annoncé leur retrait de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La question de leur appartenance à l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), qui regroupe huit Etats, également membres de la CEDEAO, est maintenant posée.

Ce qu’il faut bien voir, c’est qu’un retrait de l’UEMOA serait beaucoup plus lourd de conséquences que le départ de la CEDEAO : non seulement parce que l’Union est le cadre d’une intégration monétaire et économique poussée et ancienne[3], mais également en raison de l’étroitesse des liens humains tissés au fil du temps, dont témoigne notamment l’importance des communautés burkinabé, malienne et nigérienne en Côte d’Ivoire.

Sans entrer dans les arguments politiques avancés par les Autorités de l’AES, ni dans des considérations théoriques complexes sur le fonctionnement des unions économiques et monétaires, on essaiera de caractériser la situation des trois pays du fait de leur appartenance à l’UEMOA :

- d’abord en rappelant les contraintes qui pèsent sur eux et les facilités dont ils bénéficient ;

- ensuite en s’interrogeant sur les résultats concrets qu’ils enregistrent en termes de croissance économique et d’inflation, ainsi que sur les raisons qui pourraient motiver le maintien du statu quo.

1. Une situation atypique, porteuse de contraintes et d’opportunités

Aux contraintes liées à l’appartenance à une union économique et monétaire s’ajoutent celles tenant au fait que l’union fait elle-même partie d’un ensemble plus vaste, la zone franc.

1.1. Des contraintes liées à l’appartenance à une union économique et monétaire

L’appartenance à l’UEMOA limite évidemment les marges de manœuvre des gouvernements nationaux, chacun pris isolément, et cela à plusieurs titres.

a) Les pays concernés font partie d’une union économique : ils n’ont pas la possibilité d’instituer à leurs frontières nationales des entraves à la libre circulation des produits et services à l’intérieur de celle-ci (contingentements, droits de douane), et les protections vis-à-vis de l’extérieur doivent être fixées d’un commun accord (tarif extérieur commun, TEC).

b) Ils appartiennent aussi à une union monétaire : leur coopération ne se cantonne pas au domaine économique, comme ce pourrait bien sûr être le cas, mais s’étend aux questions monétaires : ils partagent une même monnaie, le franc CFA, émis par une banque centrale unique, la Banque Centrale de Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ce qui a plusieurs implications :

- aucun pays n’a isolément la maîtrise de sa politique monétaire, c’est-à-dire la possibilité de faire évoluer taux de change et taux d’intérêt en fonction des besoins particuliers de son économie, comme le font les pays dotés d’une monnaie nationale, par exemple le Nigéria ou la Suisse ; or, ce qui est bon pour la Côte d’Ivoire ne l’est pas nécessairement pour le Burkina Faso, pas plus que ce qui convient à l’Allemagne ne fait l’affaire de la Grèce ;

- au sein de l’Union, les transferts de fonds sont libres, qu’ils soient liés au paiement de biens et services ou à des mouvements de capitaux.

c) De plus, cette union monétaire se révèle très atypique : l’observateur (non averti) pourrait a priori s’attendre à ce que la monnaie commune soit cotée sur le marché des changes et donc fluctue vis-à-vis des autres monnaies, comme le fait, par exemple, l’euro par rapport au dollar ou au yen ; en fait, elle est liée par un taux fixe à une autre monnaie, l’euro[4] (qui a pris la relève du franc français lorsque celui-ci a disparu) : le franc CFA s’apprécie ou se déprécie au même rythme que la monnaie européenne, sans que les Autorités monétaires de l’UEMOA puissent intervenir ; il peut donc se trouver surévalué ou sous-évalué au regard de la situation économique des pays concernés, avec les conséquences que l’on sait pour leurs importations et exportations ; on fait donc comme si ce qui est bon pour l’Allemagne l’était également pour le Burkina Faso, en dépit de la dissemblance des structures et conjonctures économiques. Une situation a priori surprenante qui ne peut se comprendre sans faire référence aux évolutions historiques, à la création et aux adaptations successives de la zone franc.

1.2. Des contraintes et opportunités en rapport avec l’appartenance à la zone franc

Sans entrer dans le détail de l’histoire de la zone franc[5], rappelons que celle-ci, créée en1939[6], rassemblait à l’origine la France et un certain nombre de pays (principalement en Afrique) qu’elle administrait alors. La Zone a survécu, sur la base du volontariat, aux indépendances[7] : quelques pays ont choisi de la quitter et de créer leur propre monnaie, d’autres l’ont rejointe et ont adopté le franc CFA[8].

La Zone était traditionnellement régie par plusieurs principes :

- parité fixe entre le franc CFA et le franc français (puis l’euro), garantie par le Trésor français[9] ;

- convertibilité illimitée du franc CFA en franc français (puis en euro) et transférabilité des fonds ; par suite, à l’origine, totale liberté des changes au sein de la Zone[10], réglementation des changes identique à l’égard de l’extérieur[11].

La mise en œuvre de ces principes emportait plusieurs conséquences.

– Pour assurer la fixité du change et la convertibilité, les réserves monétaires étaient « mises en commun », centralisées, les pays africains devant détenir les leurs en francs.

- Concrètement, un « compte d’opérations » était ouvert par le Trésor français à chaque banque centrale, qui y déposait ses réserves[12], compte qui pouvait en principe devenir débiteur de façon illimitée.

- La France était représentée dans les organes décisionnels des banques centrales[13] et participait donc à la définition des politiques monétaires.

- Des dispositions étaient prises pour éviter le gonflement de la masse monétaire qui, combiné au taux de change fixe, aurait pu permettre de tirer sans restriction sur les réserves communes, d’ouvrir la voie à l’inflation, et finalement de compromettre l’objectif de stabilité monétaire : les avances des banques centrales aux Trésors nationaux étaient strictement encadrées et les crédits à l’économie eux-mêmes limités[14].

Les institutions de la Zone ont évolué progressivement, en particulier :

- les possibilités d’avances aux Etats[15] et de crédit aux entreprises ont été élargies,

- la règle de centralisation des réserves extérieures et de dépôt sur les comptes d’opérations a été assouplie,

- le nombre de représentants français dans les organes décisionnels des banques centrales a été réduit.

Cette évolution a abouti, en ce qui concerne l’UEMOA, à l’accord de coopération monétaire du 21 décembre 2019[16]:

- la BCEAO n'est plus tenue de déposer ses réserves de change auprès du Trésor français et ne dispose plus de compte d’opérations depuis janvier 2020 ; elle peut donc gérer ses réserves de changes comme bon lui semble ;

- les représentants de la France ne siègent plus dans les organes décisionnels communs (Conseil d’administration de la BCEAO, Commission bancaire de l’UMOA) ;

- le nom de la devise a vocation à changer, les Autorités de l’UEMOA souhaitant substituer l’« éco » au « franc CFA ».

Des mécanismes de dialogue étant appelés à remplacer les dispositifs institutionnels et les obligations formelles, le régime de change dans l'UEMOA reste inchangé et deux paramètres jugés essentiels à la stabilité macroéconomique de l’Union sont conservés, sous réserve de l’engagement de la BCEAO et des États de mener une gestion monétaire en adéquation avec la parité de la monnaie :

- le taux de change fixe est maintenu ;  

- la France continue de garantir la convertibilité illimitée des francs CFA en euros, à ce taux fixe.

Ainsi, les aménagements successifs n’ont pas fait obstacle à la permanence de ce qui constitue le « noyau dur » de la Zone ; sans doute parce que, tout compte fait, la plupart des responsables africains voient en elle un prudent « pis-aller ».

2. Une situation en forme de prudent pis-aller

Deux générations après les indépendances et alors même que la coopération économique, qui accompagnait et justifiait la coopération monétaire, n’est plus qu’un lointain souvenir, puisque la France ne constitue plus désormais qu’un partenaire commercial mineur des pays de l’UEMOA[17], il faut s’interroger sur les raisons de la survivance de cette sorte d’OVNI financier, certaines positives, en rapport avec les résultats économiques enregistrés, d’autres plutôt « négatives », motivées par la crainte du « pire ».

2.1. Les raisons positives : des résultats économiques « honorables »

Les pays de l’UEMOA, et en particulier les trois pays sahéliens, affichent des résultats plutôt satisfaisants en termes non seulement de taux d’inflation, ce à quoi on pouvait s’attendre compte tenu de la priorité accordée à la stabilité monétaire, mais aussi de croissance économique, ce qui était moins prévisible, eu égard aux craintes qu’inspirent les mécanismes de la Zone en ce qui concerne l’octroi des crédits à l’économie.

Les taux de croissance et les prix à la consommation, des pays d’Afrique subsaharienne dans leur ensemble, de ceux de l’UEMOA (et des trois pays sahéliens) ont évolué en effet comme suit[18] :

Croissance du PIB réel (variation annuelle en pourcentage)

Région ou pays              Années

2011-19

2020

2021

2022

2023*

2024*

Afrique subsaharienne

3,8

–1,6

4,7

4,0

3,3

4,0

UEMOA

5,7

1,7

6,0

5,6

5,2

7,0

Burkina Faso

5,7

1,9

6,9

1,5

4,4

6,4

Mali

4,3

–1,2

3,1

3,7

4,5

4,8

Niger

5,9

3,5

1,4

11,9

4,1

11,1

* Prévisions

Prix à la consommation (variation annuelle en pourcentage)

Région ou pays              Années

2011-19

2020

2021

2022

2023*

2024*

Afrique subsaharienne

8,3

10,1

11,0

14,5

15,8

13,1

UEMOA

1,2

2,2

3,5

7,0

4,5

3,0

Burkina Faso

1,0

1,9

3,9

14,1

1,4

3,0

Mali

1,1

0,5

3,8

9,7

5,0

2,8

Niger

0,7

2,9

3,8

4,2

4,6

6,6

* Prévisions

Si les taux de croissance des pays de l’UEMOA, et des trois pays sahéliens en particulier, se comparent avantageusement à ceux des pays subsahariens dans leur ensemble, c’est évidemment en termes d’inflation que, conformément aux objectifs de stabilité de la Zone, le différentiel est le plus manifeste[19].

2.2. Les raisons « négatives » : la crainte du « pire »

Les trois pays sahéliens ne seraient pas les premiers à abandonner le franc CFA ; c’est pourquoi, même si les conditions économiques ne sont plus ce qu’elles étaient il y a plusieurs décennies, il n’est pas inutile de rappeler comment ont évolué les choses pour les pays ayant pris avant eux l’initiative de « sauter le pas ». Pour autant, ces trois pays conduiraient une expérience originale puisqu’il ne s’agirait pas pour eux de créer trois monnaies nationales, mais une monnaie qui leur serait commune.

2.2.1. Des expériences peu encourageantes au regard de la stabilité monétaire

On rappellera les faits avant de s’interroger sur les causes des évolutions constatées.

a) Quelques faits

Le franc guinéen a été créé en mars 1960, à parité avec le franc CFA (1 pour 1) ; en octobre 1972 a été institué le syli, au taux de 1 sily pour 10 francs ; en janvier 1986, le syli a été démonétisé et remplacé, au taux 1 pour 1, par le franc guinéen (GNF). En dépit de la multiplication par 10 intervenue en 1972, début 2024, l’euro correspond à 655,957 FCFA et le franc guinéen à 9000 à 10 000 GNF.

Le franc malien a été créé en juillet 1962, avec une valeur initiale égale à celle du franc CFA ; pour tirer les conséquences d’une forte inflation, il fut dévalué de 50 % en 1967, de sorte que lorsque le Mali réintégra l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA), en 1984, l’échange se fit sur la base de deux francs maliens pour un franc CFA.

La monnaie mauritanienne, l’ouguiya, a été créée en 1973, au taux 5 francs CFA pour une ouguiya ; en janvier 2018 a été instituée une nouvelle ouguiya (MRU), valant 10 anciennes ouguiyas (MRO). Début 2024, un euro correspond à 43 à 44 MRU, et inversement une MRU à 0,023 euro, alors que, compte tenu des multiplications successives par 5, puis 10, si elle n’avait pas perdu de valeur par rapport à la monnaie de l’UEMOA, la nouvelle ouguiya aurait dû correspondre à 50 francs CFA, soit 0,076 euro.

On mesure, dans les trois cas, l’importance de la perte de valeurs des monnaies nationales[20].

b) Des causes comparables

Comment expliquer ces dépréciations ? Aucune « fatalité » n’est évidemment à l’œuvre ; ce qui est en cause, ce n’est nullement le principe d’une monnaie nationale mais bien les modalités de sa gestion ; l’insolente solidité du franc suisse en fait foi !

Il y a d’abord une politique budgétaire et monétaire trop laxiste qui, par suite d’avances trop généreuses à l’Etat et/ou de crédits trop libéralement accordés aux opérateurs économiques, entraîne un gonflement de la masse monétaire sans rapport avec l’évolution de l’offre de biens et services, et par suite, une hausse des prix[21].

Interviennent aussi des raisons plus subjectives, à savoir la confiance que les agents économiques, intérieurs et extérieurs, accordent à la monnaie : s’ils craignent sa dépréciation, ils la fuiront, ce qui accélèrera sa chute et sera à l’origine de processus cumulatifs bien connus : hausse des prix des produits importés, augmentation de l’inflation, poursuite de la chute du taux de change… A cet égard, on touche clairement aux limites du volontarisme politique en matière économique, dont témoigne l’expérience du Mali de 1962 à 1984 : les opérateurs économiques, craignant des dévaluations de la nouvelle monnaie, préféraient garder les francs CFA obtenus lors des échanges avec les pays voisins (restés dans l’UMOA), au point que le gouvernement dut prendre des mesures coercitives vis-à-vis des détenteurs de cette monnaie, avant de se résoudre à dévaluer le franc malien et à réintégrer l’UMOA.

2.2.2. Une expérience inédite

La création d’une monnaie commune à trois pays se pose en des termes différents de l’institution de trois monnaies nationales.

D’abord, il faudrait mettre en place des institutions communes, du genre de celles de l’UEMOA, et également, pour éviter que les trois pays ne mènent des politiques budgétaires et monétaires divergentes, des règles visant à encadrer celles-ci[22].

Ensuite, il faut bien voir que la création est envisagée par des gouvernements de transition, qui ont, en principe, vocation à passer la main à des gouvernements civils à plus ou moins brève échéance ; il se peut donc :

- que les évolutions politiques ne se fassent pas au même rythme dans les trois pays, et que le consensus initial se transforme en pomme de discorde ;

- que les gouvernements à venir remettent en cause le changement et préfèrent revenir au statu quo ante.

Ce pourrait être le cas si, faute de politiques budgétaires et monétaires suffisamment rigoureuses, les mêmes causes produisant les mêmes effets, c’est-à-dire si l’on assistait à un regain d’inflation et à une dépréciation de la monnaie commune. Mais, même dans l’hypothèse où la rigueur ne ferait pas défaut, on peut craindre que la confiance des opérateurs économiques et des nationaux travaillant dans les pays de l’UEMOA (la Côte d’Ivoire en particulier) ne soit pas, elle, au rendez-vous : les trois pays étant « immergés » dans l’Union, il sera difficile de convaincre les uns et les autres de renoncer à l’usage du franc CFA, alors même que, dans une sorte de « dollarisation » de leurs économies, il est désormais largement employé dans des pays ouest-africains dotés de monnaies nationales [23].

Conclusion

Les Autorités du Burkina Faso, du Mali et du Niger sont tentées d’emprunter le chemin suivi, un demi-siècle plus tôt, par leurs devanciers de la Guinée, du Mali et de la Mauritanie, pour des raisons tout à fait compréhensibles. Le malheur veut que la raison politique ne fasse pas nécessairement bon ménage avec les nécessités économiques et financières.

L’appartenance à l’UEMOA et à la Zone franc est source de contraintes mais aussi d’opportunités, et chacun apprécie à sa manière avantages et inconvénients. Cinq pays membres considèrent que, compte tenu des évolutions récemment enregistrées, la balance penche plutôt du côté des avantages, trois autres sont d’avis contraire et envisagent de faire sécession. Et, paradoxe, ils pourraient le faire à un moment où l’usage du franc CFA se répand hors de la Zone franc !

En tout état de cause, avant de décider de « franchir le Rubicon », il serait souhaitable de peser attentivement le pour et le contre, en se posant notamment les deux questions suivantes.

- La rupture du lien fixe avec l’euro, qui fait indiscutablement partie des futurs possibles pour l’UEMOA dans son ensemble, a-t-elle le même sens pour trois pays seulement, alors même qu’elle les conduirait à s’isoler de voisins avec lesquels ils entretiennent des relations étroites, mais aussi à tourner le dos à l’union monétaire projetée dans le cadre de la CEDEAO ?

- De quel garde-fou devrait être assortie la sortie de l’UEMOA pour éviter que l’histoire ne se répète, pour gagner la confiance des agents économiques, et pour empêcher que l’inflation et la fuite devant la nouvelle monnaie ne viennent empirer la situation des plus pauvres[24] ?

En bref, faut-il prendre le risque de « jeter le bébé avec l’eau du bain » ?

Mars 2024.

[1] Professeur à l’Université Abdou Moumouni, Niamey, Niger.

[2] Professeur des universités (françaises), honoraire.

[3] L’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA, qui a précédé l’UEMOA, a été créée en 1963, l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) en 1994, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en 1975.

[4] 1 euro = 655,957 FCFA.

[5] Voir par exemple à ce sujet : Patrick Guillaumont et Sylvine Guillaumont Jeanneney, La Zone franc en perspective, Revue d’économie du développement, 2017/2 (Vol. 25), pp. 5-40, https://www.cairn.info/revue-d-economie-du-developpement-2017-2-page-5.htm?contenu=article

[6] C’est-à-dire lorsque la France, qui allait entrer en guerre, a institué un contrôle des changes.

[7] En 2024, elle regroupe 15 Etats indépendants : 8 Etats de l’UEMOA (BCEAO, franc de la Communauté financière africaine), 6 Etats de la Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC, Banque des États de l'Afrique Centrale – BEAC, franc de la Coopération financière en Afrique), et l’Union des Comores (Banque Centrale des Comores, BCC, franc comorien).

[8] A s‘en tenir à l’Afrique de l’Ouest, la Guinée a quitté la zone en 1960 pour créer le franc guinéen (appelé un moment syli), la Mauritanie en 1973 pour créer l’ouguiya. Le Mali a abandonné en 1962 le franc CFA pour créer le franc malien (sans sortir formellement de la zone franc, dans la mesure où le franc malien gardait officiellement des liens avec le Trésor français) mais a adopté à nouveau le franc CFA en 1984. La Guinée Bissau a rejoint la Zone (et l’UEMOA) en 1997.

[9] Parité pouvant être modifiée par accord entre les pays africains et la France, comme ce fut le cas en 1994.

[10] Mais des dérogations étaient possibles, particulièrement pour limiter les transferts des pays africains vers la France.

[11] Lorsque la France, en adhérant au traité de Maastricht (1992), s’est engagée à établir une complète liberté des changes, les pays africains de la zone franc n’ont pas souhaité la suivre en ce sens et ont établi leur propre réglementation des changes, limitant les sorties de capitaux vers tous les pays n’appartenant pas à leur union monétaire.

[12] A l’origine, les banques centrales devaient déposer 100 %de leurs réserves extérieures ; cette part a diminué progressivement et avait été ramenée à 50 % en 2005 pour la BCEAO.

[13] A l’origine, la France détenait un tiers des sièges à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), mais certaines décisions devaient être prises à une majorité qualifiée impliquant en fait son accord.

[14] sous forme de limites apportées au réescompte des crédits, ce qui a suscité de nombreuses critiques, beaucoup d’observateurs y voyant un frein à la croissance économique.

[15] Avances limitées successivement à 10 %, puis 15 % puis 20 % des recettes fiscales, ce qui explique les difficultés de trésorerie rencontrées par certains Etats, avec leurs conséquences bien connues : arriérés de paiement vis-vis des fournisseurs et retards dans le versement des salaires des fonctionnaires. Actuellement, la BCEAO n’a plus le droit de faire d’avances directes aux Etats, mais elle peut refinancer les banques commerciales par achat de titres publics, étant entendu que les créances de la Banque sur les Trésors, collectivités et organismes publics nationaux ne peuvent dépasser un pourcentage des recettes fiscales, fixé par le Comité de Politique Monétaire (article 18 des statuts de la BCEAO).

[16] qui remplace l'ancien accord datant de 1973.

[17] En 2022, la zone euro absorbe 18 % des exportations de biens de l’UEMOA (la France, 4,1%), l’Asie 20,8 % ; la même année, 26,1 % des importations de biens de l’Union proviennent de la zone euro (de la France, 9,7 %), contre 37,5 % de l’Asie. Source : Banque Centrale de Etats de l’Afrique de l’Ouest, Direction Générale de l'Economie et de la Monnaie, Rapport sur le commerce extérieur de l'UEMOA au titre de l'année 2021, BCEAO, Dakar, août 2023, p. 15, 25, 36, 37.

[18] Fonds monétaire international, Perspectives économiques régionales. Afrique subsaharienne. Une éclaircie à l’horizon ?, FMI, Washington, DC, octobre 2023, p. 20, tableau AS1.

[19] C’est particulièrement vrai si la comparaison est faite avec deux grands pays de la CEDEAO :

Années

2011-19

2020

2021

2022

2023*

2024*

Ghana, PIB réel

6,5

0,5

5,1

3,1

1,2

2,7

Ghana, prix à la consommation

11,8

9,9

10,0

31,9

42,2

23,2

Nigéria, PIB réel

-

–1,8

3,6

3,3

2,9

3,1

Nigeria, prix à la consommation

11,6

13,2

17,0

18,8

25,1

23,0

* Prévisions

[20] Hors Afrique de l’Ouest, des observations analogues pourraient être faites concernant le franc malgache.

[21] Les pays européens ont connu le même phénomène au cours et à l’issue des deux guerres mondiales.

[22] Sans doute, plus ou moins sur le modèle des règles et critères de convergence de l’UEMOA et de la zone euro.

[23] Au Nigéria et au Ghana en particulier, en raison de la dépréciation du naira et du cedi. Agence EcoFin, 2 janvier 2024, Le franc CFA devient une devise courue au Nigéria et au Ghana, https://www.agenceecofin.com/investissement/0201-114954-le-franc-cfa-devient-une-devise-courue-au-nigeria-et-au-ghana.

[24] Sur les liens entre appartenance à la zone franc et réduction de la pauvreté, voir notamment : Sosso Feindouno, Samuel Guérineau, Patrick Guillaumont, Sylviane Guillaumont Jeanneney, Patrick Plane. Zone franc, croissance économique et pauvreté. FERDI Notes brèves / Policy briefs, 2019, B195. ffhal-02535105f, https://ferdi.fr/publications/zone-franc-croissance-economique-et-reduction-de-la-pauvrete

Boubacar Baïdari[1]

Daniel Gouadain[2]