Un marché de construction d'infrastructures universitaires à Niamey, Maradi, Tahoua et Zinder attribué à Builders SA révèle un cas d'antipatriotisme économique associé à un affairisme débridé !
D’entrée de jeu, nous tenons à souligner que le but du présent article n’est pas de porter un coup mortel à l’idéal panafricaniste auquel aspirent beaucoup d’Africains de tous les pays et de toutes les époques. L’angle sous lequel l’attribution de ce méga marché public à l’Entreprise Builders SA, une société appartenant à un ressortissant d’un pays voisin, va concerner la procédure de passation même de ce marché d’un montant de plus de trente milliards de francs CFA. Comme vous le savez sans doute, ce marché de construction d’infrastructures pour les universités publiques de Niamey, Maradi, Tahoua et Zinder avait fait l’objet d’un marché par entente directe sans mise en concurrence. Or, chacun le sait, ce type de mode de passation de marchés publics ou de délégation de services publics obéit à de règles et principes stricts liés souvent à la nature particulière de l’objet sur lequel porte ledit marché. C’est souvent le cas, lorsqu’il est question de la détention d’un brevet, d’une licence ou de tous autres droits acquis dans un domaine donné par le bénéficiaire du marché. En l’occurrence, dans le cas de ce marché public de construction d’infrastructures universitaires, on ne voyait pas trop cet aspect particulier de l’objet du marché, au point de vouloir procéder par entente directe et sans mise à concurrence, s’il vous plait ! D’ailleurs, même passé sous ce mode, ce marché avait, dans un premier temps, été invalidé par la Haute Autorité de régulation des marchés publics pour certains vices de forme et de fond commis dans la passation dudit marché. Mais, curieusement, le Gouvernement de Mohamed Bazoum l’a réattribué à Builders SA. Pourquoi cette insistance, cette focalisation sur Builders SA, serait-on tenté de se poser légitimement la question ? N’existe-il pas d’entreprises nigériennes, immatriculées au Niger, employant de la main d’oeuvre locale et payant régulièrement leurs impôts, capables d’exécuter ce genre de marchés ? Sans trop verser dans un chauvinisme désuet, on peut estimer qu’en matière de BTB, le Niger n’est pas mal logé à une meilleure enseigne, car de tous les temps, il a existé de grandes entreprises nationales dans le domaine ayant laissé de traces indélébiles dans le pays, parfois hors de nos frontières. Aujourd’hui encore, il existe de grands groupes de BTP capables de tenir la dragée haute à certains géants mondiaux du secteur. C’est au mépris total de l’expertise nationale que le dévolu a été jeté sur la Société Builders du jeune homme d’affaires malien, Ibrahim Diawara, dont nous saluons au passage l’esprit d’entreprise, en lieu et place des entreprises locales du secteur. Pour se justifier, la Société Builders évoquerait un simple montagne financier avec certaines banques privées, assorti d’un taux de remboursement de 6% qui débutera dans quatre (4) ans pour le Niger. Est-là la raison suffisante pouvant justifier le mode par entente directe de ce marché ? Nous ne le pensons pas, puisque l’Etat du Niger est une garantie financière assez crédible susceptible d’emporter la confiance des banques prêteuses dans cette affaire. Du reste, n’importe quelle entreprise du BTP nigérienne pourrait être sollicitée dans cette affaire, si l’Etat du Niger acceptait de se porter garant de la bonne exécution des engagements contractuels souscrits de part et d’autre des parties à la convention !
En réalité, les raisons de l’attribution de ce marché à la société Builders seraient à rechercher hors du pertinent Code des Marchés Publics et de Délégation de Services Publics du Niger, mais bien dans le clientélisme politique assaisonné à l’affairisme politique au plus haut sommet de l’Etat. Il est paradoxal de constater que pendant que les plus hautes autorités politiques du Niger entretiennent de relations diplomatiques contrastées avec leurs homologues maliennes, l’on note cette connivence dans les affaires entre le régime politique nigérien actuel et cet homme d’affaires malien. A la vérité, dans les bonnes affaires, il n’y a pas bagarre, comme disent nos amis ivoiriens, les bons comptes faisant toujours les bons amis, diton souvent ! On raconte qu’Ibrahim Diawara, qui n’est pas tout à fait sans attaches avec le Niger (une partie de sa famille y a vécu longtemps), est un ami des autorités politiques actuelles du Niger, plus précisément du président Mohamed Bazoum, dont il se susurre qu’il aurait financé une partie de la campagne de ce dernier, en 2021. Il semblerait que le président Bazoum aurait pesé de toute son influence pour que ce gigantesque chantier de constructions d’ouvrages universitaires soit attribué à ‘’l’ami personnel’’. Une façon de renvoyer l’ascenseur à l’africaine, sans doute !
Voilà ce qui expliquerait, peut-être, le choix porté sur Builders SA pour ce marché ! Quid alors du patriotisme économique qui fait la force des grandes nations de la planète ? Sous l’ère de la renaissance, ce concept peut sonner creux chez des gouvernants qui auront érigé l’affairisme au statut de religion d’Etat et qui n’hésitent pas, un seul instant, à sacrifier les intérêts supérieurs de la nation nigérienne pour ceux de leur clan politique. Le Niger contemporain se caractérise justement par l’abandon volontaire par les premiers responsables de l’obligation fondamentale de privilégier, en tous lieux et en toutes circonstances, la cause patriotique. Hélas, sur ce terrain, le régime de la renaissance, en ces Actes I, II et III, détient sans doute le triste record de buts marqués (CSC) contre son camp, du moins contre le camp du Niger. Et au finish, c’est toujours le Niger qui perd et eux qui gagnent ! C’est tout simplement triste de la part d’un régime politique qui prétendait incarner la ‘’renaissance du Niger’’, mais bien au contraire, d’un régime qui oeuvre à son ensevelissement !
Aliou Badara