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60ème anniversaire de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest à Dakar (Sénégal) : Assurer la stabilité monétaire et l’émergence économique dans un monde en mutations

La Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a célébré, hier à Dakar au Sénégal, son 60ème anniversaire à travers un symposium sur le thème ‘’les banques centrales dans un contexte en mutation’’. L’événement était à la hauteur des défis qui attendent cette institution et ses semblables dans le contexte actuel marqué par des défis à la fois complexes et nouveaux. Pour ce faire la BCEAO a mobilisé la grosse artillerie pour débattre de ce thème et des thématiques connexes. C’est le Premier ministre du Sénégal, M. Amadou Bâ, représentant le président Macky Sall qui a donné le coup d’envoi des activités au Centre International de Conférences Abdou Diouf (CICAD) en présence notamment du Vice-président de la Côte d’Ivoire, M. Tiemoko Miyelet Koné (ancien gouverneur de la BCEAO), de Dr Yayi Boni, ancien président de la République du Bénin ancien président de la BOAD, du nouveau gouverneur, M. Jean Claude Kassi-Brou, des membres du gouvernement sénégalais, du Directeur du Département Afrique au FMI, du Directeur exécutif de l’Alliance pour l’inclusion financière et de plusieurs invités.

Ce symposium du soixantenaire de la BCEAO a regroupé plus de 150 participants comprenant des gouverneurs ou représentants des Banques centrales de plusieurs pays (Algérie, Comores, France, Haïti, Guinée, Ghana, Maroc, Maurice, Mauritanie, Nigeria, Sierra Leone, Rwanda, Tanzanie, etc.) et surtout des représentants de la crème du secteur financier et économique de la sous-région et à l’international, ceux des institutions régionales d’intégration ainsi que de nombreux anciens responsables de la BCEAO, des chercheurs et même des jeunes scolaires (une fille et un garçon) issus des huit pays membres.

L’ouverture des travaux de ce symposium a commencé par la projection d’un film documentaire sur l’histoire de la BCEAO qui, rappelle la vision et les objectifs qui ont poussé les pays à mettre en place une union monétaire (UMOA) ; il y a aussi les défis et les crises auxquels à fait faire l’institution. L’on retient notamment que la création de cette institution était un pari osé pour les dirigeants d’alors dans le contexte d’après les indépendances. Mais leur vision étant plus forte que les défis, la BCEAO (institut d’émission commun aux Etats membres de l’UMOA) a, au fil des années, adressé tous les défis et su s’imposer comme un exemple de réussite à travers le continent et le monde, en matière de garantie de la stabilité des prix, de la stabilité financière et monétaire, de solidarité, de promotion de l’inclusion financière et de l’intégration économique.

A titre illustratif, l’on retient qu’au 31 mars 2022, quelque 17.284.110 personnes ont bénéficié des services financiers fournis par les institutions de microfinance et le nombre de comptes ouverts a atteint 86 millions dans une région où le taux de bancarisation reste encore faible comparé à d’autres régions.

Dans leurs discours respectifs, le gouverneur de la BCEAO, M. Jean Claude Kassi-Brou ; le Vice-président Ivoirien M. Tiémoko Miyelet Koné et le Premier ministre sénégalais, M. Amadou  Bâ ont tous souligné et salué les progrès enregistrés par la BCEAO ainsi que la contribution de cette institution à la stabilité monétaire et à l’intégration économique dans la région. Cependant, ils ont surtout insisté sur les défis actuels qui se posent à la zone UMOA et à ses Etats membres.

Soulignant que la BCEAO a su toujours relever les différents défis auxquels elle a fait face à différentes époques, le Gouverneur de la BCEAO a rappelé que le symposium du cinquantenaire célébré en 2012, a porté sur des thématiques importantes comme l’intégration monétaire, le système financier internationale, la stabilité macro-économique et le financement des économies. «Les leçons tirées lors de ce symposium de 2012 ont inspiré des réformes entreprises dans le domaine monétaire et financier au cours de la dernière décennie», a déclaré M. Kassi-Brou.

Cependant, le gouverneur de la BCEAO a insisté sur les défis de l’heure et surtout sur l’imprévisibilité de certains événements qui impactent négativement les économies. C’est le cas notamment de la pandémie de la Covid 19, le conflit russo-ukrainien et la situation sécuritaire dans la région du Sahel qui ont des répercussions sur l’économie mondiale dont la vague inflationniste qui s’en est suivie. A cela, il faut ajouter les mutations technologiques qui appellent à toujours plus de créativité. M. Kassi-Brou a exhorté les participants au symposium à s’interroger sur l’implication des nouveaux modes de paiement, la coordination entre les politiques monétaires et budgétaires, le financement sain des économies pour tous les acteurs et la promotion de l’inclusion financière, etc.

Pour sa part, le Vice-président de la Côte d’Ivoire, a souligné l’attachement de son pays à l’institut d’émission commun qu’est la BCEAO. Pour M. Tiémoko Miyelet Koné, ce symposium est aussi synonyme de retrouvailles avec ces anciens collègues. M. Koné a ensuite souligné que cette célébration intervient à un moment crucial où les Etats membres éprouvent le besoin de donner une impulsion aux réformes économiques et financières en vue de maintenir, sur le long terme, la dynamique d’une croissance soutenue, ce dans un contexte international et régional difficile. Le Vice-président de la Cote d’ivoire a ensuite souligné les impacts négatifs des différentes crises sur la croissance soutenue amorcée par les Etats membres. Il a aussi souligné les efforts déployés par le gouverneur de la BCEAO pour maintenir un taux de croissance compatible avec les exigences d’un développement inclusif. «Comme pour la Côte d’Ivoire, l’objectif de parvenir à une transformation structurelle de l’économie est un enjeu stratégique de promotion de développement qui demeure une constante préoccupation pour tous les pays membres», a précisé M. Miyelet Koné.

C’est pourquoi, il est attendu, dit-il, des mutations du système bancaire et financier de l’UMOA afin d’accompagner les évolutions escomptées de nos économies dans un contexte international défavorable à la mobilisation des ressources. D’où la pertinence de ce symposium qui doit s’intéresser aux mutations en cours dont les évolutions technologiques et l’apparition des Fintech, les tensions géostratégiques, les changements climatiques, etc.

Procédant, à l’ouverture du symposium, le Premier ministre du Sénégal a d’abord transmis les salutations du président sénégalais, Macky Sall aux dirigeants de la BCEAO et aux participants. M. Amadou Bâ a souligné la pertinence d’un tel événement qui, dit-il, associe ‘’devoir de mémoire à une réflexion sur l’évolution du rôle et de l’action des banques centrales dans un monde en mutation’’. Il a ensuite rappelé les trois objectifs poursuivis par les Etats membres à travers la création de la BCEAO. Il s’agit d’abord de la monnaie unique émise par une banque centrale et une politique monétaire avec des objectifs partagés. Il y a ensuite la solidarité entre les Etats membres à travers la mise en commun d’une réserve de change et enfin la libre circulation des signes monétaires et le libre transfert entre les Etats membres. Ainsi après avoir rendu un hommage soutenu aux pères fondateurs, le Premier ministre sénégalais a insisté sur l’une des forces de l’UMOA qui est l’application d’un principe cardinal à savoir la solidarité qui, permet d’assister un Etat membre confronté à des difficultés passagères ou à des faiblesses structurelles. Cette démarche a contribué à la résilience commune des économies de la sous-région et à créer les conditions d’une stabilité monétaire.

Toutefois, a ajouté M. Amadou Bâ, la crédibilité et la pérennité d’une union monétaire ne saurait se limiter exclusivement à la stabilité monétaire. «Elle doit aussi favoriser l’émergence d’un espace économique durable», a -t-il précisé avant de souligner les performances économiques de la zone UMOA au cours de ces dernières décennies avec un taux de croissance moyenne d’environ 6% supérieur au taux de 3% pour le reste des pays au sud du Sahara. A cela s’ajoute la maîtrise du taux d’inflation en moyenne à 1% au cours de la même période contre 7% pour le reste de l’Afrique au Sud du Sahara.

Cependant, le Premier ministre sénégalais a souligné l’impact des crises actuelles qui, se traduit par une inflation galopante érodant les pouvoirs d’achat des ménages. «Ces défis doivent être relevés par les banques centrales dont l’une des missions fondamentales est de maintenir la stabilité des prix», a-t-il estimé. A cela, il faut ajouter le financement des économies, la gestion des risques inhérents aux développements technologiques, la mobilisation des financements innovants, l’inclusion financière, etc. «Nos ambitions d’émergence ne pourront être réalisées si une frange encore importante de notre population reste en dehors du circuit financier», a estimé M. Amadou Bâ qui se félicite de constater que l’inclusion financière constitue un axe stratégique de la BCEAO. En effet, le taux d’inclusion a atteint 61% en fin 2021. M. Amadou Bâ a encouragé la banque centrale à poursuivre les innovations financières en tirant profitant des évolutions technologiques. 

Pour rappel, il faut noter que la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) est l’Institut d’émission commun aux Etats membres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA). Elle a son siège à Dakar au Sénégal. Créée le 12 mai 1962, la BCEAO regroupe aujourd’hui les huit Etats membres de l’UEMOA à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.

Par Siradji Sanda(onep), Envoyé spécial à Dakar

Source : http://www.lesahel.org