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Conférence sur le cadre légal et réglementaire de la finance islamique : Par Abdoulaye Guédé


Lire ci-dessous l'intégralité de la conférence animée par M. Abdoulaye Guédé.  


Règlementation :

Définition : action de réglementer, ensemble des règles. Qui dit règles, dit anticipation dans l’exercice d’une activité, d’une catégorie de transactions ou d’opérations ou d’actes de manière à permettre aux pouvoirs publics de surveiller, superviser, contrôler, arbitrer, censurer ou sévir.

La règlementation bancaire est celle qui s’applique au système bancaire

Pourquoi une réglementation :

Nous venons d’énumérer un certain nombre d’objectifs que vise la réglementation.

Mais pour tout dire, la finalité d’une réglementation c’est de répondre au souci de justice, d’équité, d’équilibre socio-économique, de paix sociale, en un mot du bien être communautaire.

Qui règlemente ?

Les pouvoirs publics règlementent.

Ils peuvent déléguer le pouvoir de réglementation à un organe de l’État pour un domaine spécifique.

Pour en venir au domaine qui nous intéresse aujourd’hui, à savoir celui bancaire et financier, ce rôle est dévolu au Ministère des Finances, ses démembrements ou des organes communautaires spécialisés bénéficiant d’un privilège que leur donnent les États qui renoncent ainsi à une parcelle de leur souveraineté.

Par rapport au cas présent, il s’agit de la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) pour les banques et les microfinances et de la CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances) pour les services d’assurance.

Objectifs visés par la réglementation bancaire et financière islamique : 

Cas de la réglementation bancaire et financière classique

La réglementation doit pouvoir concilier

  • L’intérêt des actionnaires ;
  • L’intérêt de l’État qui se confond avec l’intérêt général ;
  • Permettre de mener les activités dans la transparence de manière à permettre à l’État de rentrer dans ses droits (l’acquittement de l’impôt qui est un revenu pour l’État) ;
  • Permettre l’exercice des activités dans le respect des équilibres socioéconomiques ;
  • Permettre l’exercice des activités sans abus de la part des acteurs ;
  • Permettre l’exercice de l’activité tout en garantissant la disponibilité de cette catégorie de services à l’ensemble des populations.

Cas de la réglementation bancaire et financière islamique

En plus des aspects précités dans le cas du système bancaire et financier classique en matière d’objectifs visés, il faut ajouter le respect des principes et règles de la finance islamique qui émanent de la charia

Cela s’entend,

  • De la justice ;
  • De l’équité ;
  • De la solidarité ;
  • De la transparence ;
  • Du partage de risques et de responsabilités ;
  • Du partage des gains et des pertes ;
  • De l’interdiction de l’usure, de la spéculation et de l’excès de risques ;
  • De l’interdiction de mener les activités illicites ou en relation avec les domaines prohibés par l’Islam.

Le respect des principes et règles de la charia renferme :

  • L’intérêt des parties prenantes aux contrats de différentes natures ;
  • L’éthique et la morale ;
  • L’arbitrage divin dans la répartition des richesses (penser à la Zakat) ;
  • La préservation de l’environnement et du bien commun (penser à l’environnement naturel à savoir forêt et faune, à celui sanitaire, etc…).

Les acquis en matière de réglementation bancaire et financière islamique

A partir de Mars 2018 déjà, la BCEAO a publié les instructions relatives :

  • Aux dispositions particulières applicables aux établissements de crédit exerçant une activité de finance islamique ;
  • Aux dispositions particulières applicables aux SFD exerçant une activité de finance islamique ;
  • Aux caractéristiques techniques des opérations de finance islamique exercées par les établissements de crédit ;
  • Aux caractéristiques techniques des opérations de finance islamique exercées par les SFD.

Ces instructions ont permis à bon nombre d’acteurs de la finance islamique de prendre des initiatives dans le sens de créer :

  • Des micros-finances islamiques ;
  • Des fenêtres de banque islamique.

A la date d’aujourd’hui, l’UMOA a vu naître :

  • Trois (3) micro-finances islamiques et une fenêtre de banque islamique. Ces institutions viennent s’ajouter aux deux qui existaient depuis 1983, à savoir la BIS (Banque Islamique du Sénégal) et la BIN (Banque Islamique du Niger).

Plusieurs projets de micro-finances islamiques et de fenêtres de banque islamique sont à l’étude au niveau des Autorités de Régulation et il faut s’attendre à l’émergence d’un nombre important d’institutions de cette nature dans les années à venir.

Il faut noter que la BIN et la BIS qui existent depuis 1983 n’ont entrepris de se conformer rigoureusement aux principes et règles du système financier islamique qu’à compter de mars 2018, date à partir de laquelle le nouveau cadre règlementaire et institutionnel a été mis en œuvre.

Les acquis en matière de règlementation des assurances islamiques 


A partir d’octobre 2019, la CIMA a publié l’instruction n°03/CIMA/PCMA/PCE/2019 portant règlementation des opérations d’assurance Takaful dans les États membres de la CIMA. Mais à ce jour, nous ne voyons pas encore ouvrir une seule compagnie d’assurance Takafoul. En effet, la création de sociétés takafoul permettrait de compléter le socle règlementaire de la finance islamique qui en a tant besoin. Au Sénégal existe, avant même la parution de l’instruction 03 d’octobre 2019 de la CIMA et les instructions de mars 2018 de la BCEAO citées plus haut. La SenTakaful (du Sénégal) a été créée par dérogation pour le besoin d’instrument d’assurance islamique et pour accompagner la seule institution de micro finance à vocation à la fois conventionnelle et islamique appelée UM-PAMECAS.

Éléments qui résument la réglementation spécifique au système financier islamique

Il ne s’agira pas ici de vous énumérer des titres, articles et rubriques mais plutôt des aspects caractéristiques de la finance islamique.

Le Comité de Conformité Charia

Il est en charge, dans l’organigramme d’une IFI, de surveiller de manière autonome le respect des principes et règles cardinaux qui confèrent à l’activité bancaire ou financière islamique son caractère de conformité par rapport à la charia.

La création de ce CCC s’impose à toutes les structures qui se réclament d’effectuer des activités de finance islamique.
L’autonomie du CCC : pour remplir son rôle en toute indépendance, le CCC ne doit pas avoir des relations de subordination avec les organes en charge de la gestion.

Les insuffisances du cadre réglementaire dédié à la finance islamique

Pour être complet, le cadre réglementaire en cours de mise en œuvre a besoin d’être complété par :

  • Un instrument de refinancement au sein de la Banque Centrale ;
  • Un référentiel comptable applicable au système financier islamique ;
  • Des mesures d’ordre fiscal adaptées à l’exercice de l’activité bancaire et financière islamique ;
  • D’autres mesures incitatives émanant de l’UEMOA en vue de favoriser l’insertion du système financier islamique dans l’environnement commercial, industriel et économique de la Zone.

La Règlementation et l’Inclusion Financière

La BCEAO est à l’origine de la création des projets de Stratégies Nationale et Régionale de Finance Inclusive. Elle a en charge de conduire la politique monétaire des états membres qui elle-même (politique monétaire) est assise sur la politique socio-économique de chaque pays membre de la Zone.

D’où est née cette question d’inclusion financière ?

Pour qu’on en parle, il faut admettre qu’en amont il y ait eu exclusion financière ou insuffisance d’inclusion financière.

En effet, la BCEAO étant un démembrement de l’État ou des États, elle n’a pas pour objectif premier de réaliser des bénéfices, mais plutôt d’assurer des objectifs de développement économique et social, de bien-être social, de défendre l’intérêt général à travers la mission à elle confiée pour gérer la monnaie et assurer le fonctionnement sain et stable du système financier en place.

A l’expérience, les banques et établissements financiers qui ont vocation à distribuer du crédit, c’est-à-dire offrir à la population des services financiers institutionnels, n’ont pas réussi le pari. C’est alors que la Banque Centrale a entrepris de favoriser et promouvoir la création de micro-finances parce que celles-ci sont reconnues comme étant structurellement plus proches des communautés.

Après deux décennies d’expérience, (1996- 2016 approximativement), le tissu des SFD (Systèmes Financiers

Décentralisés ou micro-finances) s’est d’abord développé de manière fulgurante puisque leur nombre s’était hissé à 150, avant de se rétrécir de manière drastique pour retomber aujourd’hui à 37 environ. Dès lors, il est permis de croire que la réglementation en est pour quelque chose. L’exigence en matière de professionnalisme dans la gestion des SFD qui est le fait du Régulateur ne semble pas assez suffisante pour assurer la survie de ces structures. Avant d’en arriver à identifier la place à réserver à la finance islamique dans la finance inclusive, passons en revue ce qu’on entend par finance et banque.

Finance

On parle de finance conventionnelle ou classique en comparaison avec la finance islamique.

Qui dit finance parle de banque et autres institutions financières. Par institutions financières il faut entendre les banques, les microfinances, les assurances et toutes les institutions qui font de la gestion de l’argent une profession.

Banque

La banque tout court est un terme vague parce que pouvant désigner plusieurs choses : on parle de banque de données, banque de sang, banque céréalière, etc…

La banque qui nous intéresse ici, c’est celle qui fait de l’argent une matière première de son activité.

La banque est un établissement de crédit qui reçoit du public des dépôts dont celui-ci peut disposer par chèque ou virement.

Elle tient à la disposition de sa clientèle d’autres services que sont les cartes bancaires, les virements et transferts de fonds, le placement de fonds, l’investissement ou la prise de participations, fournir des garanties ou des cautions, etc.

Suivant le domaine d’activité privilégié par la banque, on distingue souvent les banques de dépôts, les banques d’affaires, les banques d’investissements, etc.

La banque conventionnelle est le type de banque que nous connaissions jusqu’ici pour la plupart et qui est essentiellement identifiable par sa pratique du taux d’intérêt dont elle tire l’essentiel de ses revenus.

La banque centrale

  • Émet la monnaie fiduciaire et est un démembrement de l’Etat ;
  • Supervise et contrôle l’activité bancaire et financière, les marchés financiers ;
  • Prêteur en dernier ressort ;
  • Participe à l’élaboration de la politique monétaire de l’État ou des États et se charge de sa mise en œuvre.

Créer la monnaie est un aspect important parmi les privilèges dont jouissent la Banque Centrale et les banques dans leur rôle au sein d’une économie 

Les rapports entre la Banque Centrale et les banques

La Banque Centrale

C’est la banque des banques en ce sens qu’elle représente pour les banques primaires ce que celles-ci représentent pour leur clientèle que sont les particuliers, les opérateurs économiques et les entreprises.


Le rôle additionnel et particulier que joue la Banque Centrale, c’est qu’elle constitue une autorité de régulation du système bancaire et financier. A ce titre :

  • Elle instruit les dossiers de demande d’agrément des banques, des micro-finances et autres activités financières connexes d’intermédiation financière ;
  • Elle élabore les textes et règlements devant régir le système bancaire et financier et se charge de leur application ;
  • Elle a compétence de représenter l’autorité monétaire qui est le Ministère des finances et de lui servir de conseil dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques monétaires ;
  • Elle émet la monnaie fiduciaire et gère le pool des devises à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace économique concerné.
  1. La banque centrale instruit les dossiers de demande d’agrément des banques et autres institutions financières.

En effet, en tant que mandataire du Ministre des finances, elle  a en charge d’examiner et donner son avis motivé pour l’obtention de l’autorisation d’exercer l’activité bancaire et financière.

  1. La banque centrale élabore les textes et règlements devant régir le système bancaire et financier.

Il s’agit pour elle d’établir le cadre légal et institutionnel qui décrit le fonctionnement du système dans son intégralité et d’instruire l’observance des règles sous peine de sanctions allant jusqu’au retrait de l’agrément. Pour cela, elle est dotée des compétences et prérogatives nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

  1. La banque Centrale représente l’autorité monétaire

La monnaie joue un rôle important dans la politique économique que mène les États et c’est pourquoi elle sert d’instrument dans l’orientation et le dynamisme que l’on veut imprimer à l’activité par secteur, domaine socio-professionnel ou à l’économie nationale dans son ensemble. Ainsi, la Banque Centrale, dans l’objectif de présenter les règlements de façon détaillée, formule des instructions qu’elle adresse aux institutions bancaires et financières qui doivent s’y conformer. Celles-ci ont notamment l’obligation quotidienne, décadaire, mensuelle, trimestrielle ou annuelle de lui fournir des informations et des rapports lui permettant d’avoir un contrôle sur elles.

En cas de nécessité, la banque centrale diligente des missions d’inspection et d’audit auprès des institutions assujetties.

La commission bancaire

C’est un organe de la Banque Centrale qui a en charge d’accomplir les missions relatives à la surveillance, au contrôle et à l’audit des institutions bancaires et financières.

En cas de mauvaise gestion ou d’insuffisance dans l’observance de la règlementation, les sanctions peuvent aller à la mise sous

administration provisoire ou au retrait pur et simple de l’agrément qui autorise en amont l’exercice de l’activité.

L’Agence de Régulation du Secteur de la Microfinance (ARSM)

C’est un démembrement du Ministère des Finances qui a pour mission de surveiller, contrôler et auditer les SFD. En étroite collaboration avec la Banque Centrale, elle instruit les dossiers de demande d’agrément et dans ses attributions rend compte aux Autorités ministérielles et de la BCEAO.

Parlant de l’instruction des dossiers de demande d’agrément, l’ARSM reçoit le dossier comprenant toutes les pièces prévues par la règlementation et dans le cas des SFD devant exercer exclusivement des activités du domaine de la finance islamique, des documents spécifiques au nouveau système sont requis. C’est notamment ceux se rapportant :

  • Au Comité de Conformité Chari’a ;
  • À la qualité des membres qui le composent ;
  • Aux pièces-témoins qui engagent les promoteurs à se conformer aux principes et règles de la finance islamique ;
  • Aux documents attestant de l’engagement des promoteurs à réunir les meilleures conditions d’exercice de la profession ;
  • Aux documents se rapportant au mode de gouvernance ;
  • Aux documents se rapportant à la gestion administrative et de conformité de l’activité ;
  • L’ARSM vérifie en la forme le contenu du dossier de demande puis le transmet à la Banque Centrale. Il faut préciser que l’ARSM, la Direction Nationale de la BCEAO et la BCEAO siège se font toutes le devoir d’examiner et analyser en profondeur le dossier avant qu’une suite favorable ne soit notifiée au Ministre des finances pour signature de l’agrément d’exercice de l’activité financière islamique.

La banque Centrale émet la monnaie fiduciaire

En finance conventionnelle, la monnaie est un moyen d’échange et une réserve de valeur en comparaison avec l’or et les autres métaux précieux. Son importance et son rôle ont été perçus quand sa découverte a permis de s’affranchir du système de troc jadis connu comme moyen d’échanges de marchandises. Aujourd’hui, non seulement la monnaie a plus que facilité l’acquisition des biens sur le marché, mais elle sert, à travers les instruments modernes qui s’y rattachent (monnaie électronique par exemple) à des règlements rapides et à distance des transactions qui ont lieu entre des partenaires commerciaux et financiers.

En finance islamique, la monnaie ne remplit pas la fonction de réserve de valeur.

La monnaie fiduciaire

C’est le papier monnaie qui bénéficie de la confiance du public et qui de ce fait permet d’effectuer des achats, d’éteindre une dette, d’effectuer un dépôt dans une institution financière. On dit qu’elle a cours légal et pouvoir libératoire.

La monnaie fiduciaire doit ses pouvoirs à l’autorité de l’Etat qui est le mandant de la Banque Centrale dans son rôle et ses prérogatives. L’émission de la monnaie s’effectue suivant une procédure de la Banque Centrale qui met en avant une cohérence des politiques économique et monétaire.

La monnaie Scripturale

A côté de la monnaie fiduciaire, il y a la monnaie scripturale. Celle-ci peut-être définie comme étant le moyen de paiement que représente une simple écriture au crédit d’un compte bancaire. En effet, du fait d’un crédit bancaire, votre compte peut être crédité du montant accordé. Par chèque ou virement, vous pouvez disposer d’une somme d’argent équivalente et qui est comparable à une provision que vous auriez constituée auparavant par un versement en espèce.

Tout se traduit par une simple écriture comptable au crédit de votre compte et vous possédez de la monnaie dont vous pouvez disposer à votre guise. C’est la monnaie scripturale.

Les banques créent de la monnaie scripturale

Comme nous venons de l’expliquer, les banques créent de la monnaie scripturale mais avant elles, seule la Banque Centrale avait ce privilège. Ce qui demeure aujourd’hui encore le privilège exclusif de la Banque Centrale, c’est l’émission de la monnaie fiduciaire.

La banque centrale gère le pool des devises

L’ensemble des devises acquises par une économie se retrouvent concentrées sous la garde de la Banque Centrale qui a les prérogatives exclusives de les gérer pour la bonne marche de l’économie et au nom de l’État. L’ensemble des devises que possède une économie constituent ses “réserves en devises” ou “avoirs extérieurs”

La tenue de comptes

Toutes les banques disposent d’un compte dans les livres de la Banque Centrale. Elles y effectuent des versements et des retraits et y domicilient des virements émis et reçus. Ces comptes ne peuvent être débiteurs.

L’information de la Banque Centrale par les banques

Les banques et établissements financiers, suivant une périodicité établie par les instructions de la banque Centrale, produisent à celle-ci des informations quotidiennes, décadaires et mensuelles lui permettant d’exercer son contrôle et sa surveillance.

Nous venons de voir les rapports qui existent entre la Banque Centrale et les banques en général ainsi que les prérogatives qu’elle exerce pour expliquer son rôle de contrôleur, superviseur, censeur et émetteur de règlements devant régir les activités bancaires et financières, en un mot sa fonction de Régulateur du système. Le système financier islamique qui vient de voir le jour en mars 2018 a pour autorité suprême la même Banque Centrale. C’est dire que la BCEAO est l’alpha et l’oméga dans la réussite de l’inclusion financière.

A observer de près la situation nationale dans le contexte sous régional, la Stratégie Nationale de Finance Inclusive a fait l’objet de révision pour tenir compte à la fois des acquis et des défis tirés de la longue expérience de la Banque Centrale ainsi que des insuffisances relevées dans la mise en œuvre de ladite stratégie. La période de référence est 2019-2023.

Comme indicateurs de la situation, on relève :

  • Un taux de bancarisation des populations demeuré faible ;
  • Un taux d’accès des PME au financement bancaire resté très faible ;
  • Un faible nombre des points de services bancaires pour 10 000 habitants ;
  • Un nombre relativement élevé de SFD en faillite au cours des 15 dernières années ;
  • Une évolution timide des ressources bancaires par rapport aux crédits bancaires ;
  • Une évolution moins rapide de l’offre par rapport à la demande des produits bancaires et financiers.

Ces indicateurs montrent à suffisance l’impérieuse nécessité pour le Régulateur d’entreprendre des mesures hardies de nature à relever les défis de prise en charge des besoins de financement des populations nigériennes en particulier, ainsi que préserver le tissu bancaire et financier qui lui est assujetti. 

La finance islamique, une opportunité pour le développement économique et social

Conception islamique du développement économique et social

Du point de vue de l’Islam, Il n’y a pas, à ma connaissance, de définition à proprement parler, du « développement économique et social ».

Ce que l’on appelle couramment, dans le jargon contemporain, niveau de vie, développement économique, ou encore développement économique et social n’a pas de signification profonde. Pour s’en apercevoir, examinons un peu la philosophie que renferme le mot économie en Islam.

L’économie islamique, en réalité, met en avant l’intérêt général. Et toutes les mesures à caractère économique ou règlementaire qu’un État viendrait à prendre ou élaborer sont vouées à l’inefficacité si elles ne tiennent pas compte de l’intérêt général. Qui dit intérêt général dit partage des bienfaits de la richesse commune, du patrimoine environnemental commun ou de la fortune personnelle parce qu’en Islam, Allah SWT est le Seul propriétaire réel. Les autres que sont les humains ne sont que des dépositaires de la propriété qu’ils ont en charge de gérer ici-bas et selon la Chari’a, dans l’intérêt de la communauté. Pour preuve, quand vous quittez ce monde, vous laissez tout aux héritiers, y compris l’État qui n’est rien d’autre qu’un représentant de la nation tout entière.  

La finance islamique est dérivée de l’économie islamique qui elle-même est une émanation de la Chari’a. L’on comprend alors aisément que les maîtres-mots soient, équité, solidarité, justice, transparence, partage de responsabilité et des risques, interdiction de l’usure, du risque excessif, de la spéculation et de la thésaurisation.

Ainsi, dans son ouverture à servir les agents économiques, le système financier islamique n’exclut personne des couches socioprofessionnelles. Les particuliers et ménages, les PME, les Grandes entreprises et l’État ont tous accès aux services bancaires et financiers islamiques, sans exclusive.

Diversité des produits financiers islamiques

2-1- les produits financiers à but lucratif participatifs

Nous nous limiterons à dire qu’ils offrent l’opportunité au client le plus démuni d’initier un projet et se faire accompagner par l’institution bancaire ou financière, et ce à travers la participation de l’institution au capital de l’entreprise. 

2-2- les produits financiers à but lucratif non participatifs

Il s’agit de financements par le bailleur où celui-ci vend ou loue les services moyennant une marge bénéficiaire convenue à l’avance.

2.3- les produits financiers à but non lucratif 

Ils sont définis par des services dont la source de financement est sans contrepartie de gains. 

L’ensemble de ces produits financiers islamiques ne demandent que d’être règlementés et encadrés, tous étant accessibles aux différentes catégories socioprofessionnelles de la communauté. C’est l’une des conditions primordiales de nature à favoriser la contribution du financement institutionnel au développement d’une économie.

La Finance islamique : Une alternative de financement à caractère inclusif

L’inclusion financière doit tendre à l’intégration d’une part significative des populations dans l’utilisation des services bancaires et financiers ; il y va de l’intérêt à la fois du système bancaire pour sa croissance, de l’État pour l’élargissement de son assiette fiscale et du développement de nos économies tout court. L’expérience amère des dernières décennies montre que l’exploitation du système financier classique a transformé en ligne de mire, les perspectives de bien-être social dans les pays de par le monde. En effet, dans l’adoption et l’application du système financier capitaliste en particulier, l’économie mondiale globalisée depuis des décennies maintenant n’a récolté que crises économiques et sociales cycliques, creusement des inégalités sociales, paupérisation, guerres, etc…, en lieu et place de la paix, la sécurité, la liberté et la satisfaction des besoins courants. 

La place de la finance islamique dans l’inclusion financière

 A la création de la BID en 1975 par les 44 États membres, l’objectif visé était double :

  • Contribuer à développer les économies des pays membres où se recensait une bonne part des pays pauvres de la planète ;
  • Faire retour à un système financier qui tire ses vertus des principes et règles de l’Islam ;

Des avantages comparatifs indéniables sont à inscrire au compte du système financier islamique, en dehors des limites qui caractérisent aujourd’hui celui conventionnel :

  • Les produits financiers islamiques qualifiés de participatifs comme de non participatifs sont, dans leur Intégralité, accessibles aux couches socio-professionnelles sans exclusive ;
  • Il existe des comptes-clientèle sans frais de tenue de compte ;
  • Sans capital minimum un client peut bénéficier d’un accompagnement de la part de l’institution Financière islamique ;
  • En étant client d’une banque l’on peut bénéficier d’un concours financier sans coût (qard hassan);
  • En étant client d’une banque l’on peut bénéficier d’un financement sans contrepartie ( Zakat). Il s’agit des cas de domiciliation de fonds Zakat à distribuer et où l’institution bancaire ou financière est agréée par qui de droit pour répartir lesdits fonds entre des personnes éligibles, notamment celles possédant un compte ou régulièrement recensé comme étant éligible ;
  • Suivant le mode de financement, les particuliers et les PME peuvent bénéficier de ressources longues (entendez ressources de financement à moyen et long terme) ;
  • Les banques conventionnelles ont failli à leur mission, du moins du point de vue de la Banque Centrale ;
  • Les micro-finances conventionnelles sur lesquelles reposait tant d’espoirs quant à leur capacité de couvrir les zones les plus reculées sont en décadence et ce malgré l’appui et l’encadrement dont elles ont bénéficié de la part du Régulateur ;
  • Le taux d’usure au sens de la finance conventionnelle est encore à 24% pour les SFD et 15% pour les Banques, ce qui est unanimement reconnu comme étant un frein sérieux à la rentabilisation des projets financés par leurs ressources ;
  • Les ressources financières conventionnelles se raréfient même à l’échelle internationale et ce à l’inverse de celles islamiques ;
  • Le système financier conventionnel connaît une instabilité systémique depuis la crise de 2008 à nos jours ;
  • La finance islamique, à travers le fonctionnement de ses produits, permet aux petites bourses d’épargner et contribuer ainsi à l’essor des investissements (ex : …);
  • Des produits financiers islamiques comme la Zakat et le Waqf permettent aux populations démunies d’accéder à des ressources financières qui feront d’eux des acteurs dans le développement de la finance islamique ;
  • L’assurance Takafoul est un instrument de nature à faire de l’ensemble des consommateurs du produit des copropriétaires d’une mutuelle d’assurance ;

Au regard des éléments précités qui montrent à suffisance le potentiel d’empiètement du système financier islamique sur celui conventionnel, nous pensons que l’implantation et le développement progressifs de la finance islamique viennent à point nommé. Un rôle majeur reviendrait aux Autorités financière et de Régulation qui auront à prendre en charge notamment :

  • La mise en place d’instruments de refinancement des microfinances islamiques pour leur viabilité ;
  • La mise en place d’un référentiel comptable approprié ;
  • La mise en place de mesures fiscales en rapport avec la spécificité du nouveau système ;
  • La mise en place de mesures incitatives en faveur des initiatives à créer ou développer les institutions et structures connexes pouvant contribuer à l’implication effective d’acteurs potentiels ;
  • La sensibilisation de la population sur l’utilité et les vertus du système financier islamique ;
  • La formation des acteurs et bénéficiaires cibles ;
  • La vulgarisation de la finance islamique afin que ses tenants et aboutissants soient compris de tous ;
  • La prise en compte effective des spécificités de la finance islamique pour mieux élaborer les ratios prudentiels applicables aux institutions assujetties afin de leur éviter que la règlementation ne vienne plomber leur élan de développement ;
  • L’implication de l’État dans le recours aux produits et services financiers islamiques en vue de tirer avantage des énormes potentialités en matière de financement de grands projets d’intérêt national et par ailleurs donner une image réelle et grande nature de la finance islamique.

La prise en compte, par l’État et le Régulateur, des préoccupations ici exprimées donnerait au système financier islamique devenu un passage obligé, toutes les chances de s’affirmer comme alternative à la finance conventionnelle qui visiblement bat de l’aile depuis la crise financière de 2008 qui a conduit aujourd’hui un nombre important de pays occidentaux à recourir aux fonds islamiques en adaptant leur règlementation. Étant entendu que, l’extension de l’usage de la finance institutionnelle à l’ensemble des couches socio-professionnelles est une condition sine qua non pour réussir à assurer le bien-être commun.

Je vous remercie

M. Abdoulaye Guédé