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Affaire de cimenterie à Badaguirichi : À qui appartient ce projet ?

S’agirait-il d’un projet illégal et clandestin dont on a affaire à Badaguichiri ? Selon des sources concordantes, un projet de construction d’une gigantesque cimenterie est en cours à Badaguichiri, près d’Illéla. Une cimenterie qui est en train de germer sur plus de 4000 hectares et qui serait capable de produire 3000 tonnes par jour, soit 1 080 000 tonnes par an. Selon les mêmes sources, le projet est l’émanation d’une société chinoise et d’un privé nigérien dont on ne connaît pas grand-chose. Seul un prénom est connu dans cette histoire. Un certain Kano qui fait officie de porteur mais que nos sources disent être un simple écran qui sert à cacher la véritable identité du promoteur. Outre que l’identité du promoteur et de ses associés n’est pas encore connue, on indique que le projet, à ce jour, n’a pas le bénéfice du code des investissements.

Aucune communication n’a été faite en conseil des ministres à ce sujet. Pas plus, d’ailleurs, que le visa du BEEEI (Bureau d’études environnementale et d’évaluation des impacts). Tout est opaque. Même si le profil du promoteur privé nigérien est nettement perceptible. Les engins lourds utilisés, importés de l’extérieur, n’ont fait l’objet d’aucune taxe selon des sources crédibles.

Les travaux, débutés sans que les propriétaires aient été dédommagés, s’accélèrent. Mais les interrogations fusent. Il s’agit manifestement d’un ponte du régime ou au moins du groupe de ceux qui sont exonérés du respect de la légalité. Un nom circule dans les milieux de Badaguirichi. Selon des rumeurs persistantes qui circulent dans la localité, le promoteur est un ponte du régime qui bénéficie de privilèges énormes. Selon toute vraisemblance, et au regard du contexte de corruption et d’impunité, ni la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (Halcia), ni aucune autre structure ne peut visiblement fouiner et mettre les choses au point. Pourtant, Badaguichiri, ce n’est pas le bout du monde. Et une enquête pour clarifier les choses et éventuellement remettre l’Etat et les propriétaires terriens dans ses droits n’est pas si difficile.

Un détournement du projet de l’Etat à Kao pour le compte d’intérêts privés

Selon les techniciens de la chose, on peut s’étonner de la rapidité et de la discrétion qui ont entouré ce projet. De nombreuses étapes, complexes, n’ont pas pu être sautées. De toute évidence, elles ont été discrètement faites, sans tambour ni trompette. Outre la faisabilité commerciale et administrative, avec notamment l’obtention de l’agrément, le dédommagement de la population, le déclassement pour cause d’utilité publique, il y a également la faisabilité technique, avec, entre autres, un rapport d’étude d’impact environnemental et social.

Selon des sources politiques crédibles, la cimenterie de Badaguichiri, clandestin et certainement exécuté en violation des normes et règles en vigueur, n’est qu’un détournement de projet. Selon eux, c’est un détournement du projet de l’Etat à Kao. Un projet vieux de plusieurs années qui visait à doter l’Etat du Niger d’une nouvelle cimenterie capable de produire à la hauteur des besoins du marché national un ciment de grande qualité. Des privés nigériens qui ont un laisserpasser pour tout entreprendre, sous le couvert de l’Etat mais pour leurs profits personnels, se sont manifestement substitués à la puissance publique. La preuve, ils ont tout monté dans la clandestinité et exproprié les propriétaires terriens sans se préoccuper de la légalité. Ni le ministre de tutelle, ni Bazoum Mohamed, le président de la République, ne peuvent ignorer l’existence de ce projet. En attendant de connaître l’identité du promoteur, les techniciens chinois, eux, travaillent en toute sérénité, convaincus qu’ils ne risquent pas d’être entravés dans leurs travaux. De l’avis d’un technicien qui a requis l’anonymat, des parlementaires nigériens ont été informés sur ce projet, véritable effacement de l’Etat par des privés nigériens qui utilisent néanmoins les attributs et les pouvoirs de l’Etat pour agir et se servir. C’est, selon la même source, un autre dossier qui met le Président au pied du mur. Même si nombre de Nigériens ne se font plus d’illusion quant à sa capacité à lutter efficacement contre la corruption et les délits assimilés, Bazoum Mohamed, estime-t-il, se fera peut-être, le devoir de sauver les apparences en tapant fort.

Hamani Bouda