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5ème édition du Festival des Civilisations du Fleuve Niger à Boubon : Immersion dans le patrimoine culturel des Sorkos et des Dho Soninkés

Hommes, femmes et enfants, convergent vers le site du festival au bord du fleuve. Les vendeurs de cigarettes, de pure-water, de mets traditionnels ainsi que les artisans, personne ne veut rater l’événement. « C’est un jour pas comme les autres, j’espère pouvoir vendre mes produits », affirme Mariama, une potière de Boubon.

 

Moussa Ali, un pêcheur, dit attendre impatiemment cet événement car c’est une occasion de montrer la richesse culturelle de leur village mais également pour concourir et gagner des prix lors de la course de pirogues.

Au bord du fleuve, le public s’est mobilisé massivement pour le spectacle de danse et de musique traditionnelles. Des jeunes du village assurent la sécurité tout autour du lieu. Idi Hama, président des jeunes de Boubon se réjouit de la tenue du festival qui, dit-il, offre des opportunités. « Certains arrivent à avoir des petits contrats, d’autres arrivent à vendre leurs produits. C’est vraiment une aubaine pour nous », explique-t-il.

« C’est gratuitement que nous assurons l’ordre et la sécurité. C’est une façon pour nous de contribuer à la réussite de ce festival qui met en valeur notre village », ajoute le jeune homme.

Les festivités ont débuté par une grande parade, mettant en valeur les costumes traditionnels des différentes ethnies présentes dans la région. Les tambours résonnaient, les danseurs tournoyaient et les chants traditionnels emplissaient l’atmosphère d’une énergie contagieuse.

Valorisation de la culture et l’artisanat

« Ce festival est bien plus qu’une simple célébration culturelle. Il incarne l’esprit d’unité et de partage qui règne au sein de la communauté du fleuve Niger. Les habitants de Boubon sont fiers d’accueillir les visiteurs et de leur faire découvrir leur patrimoine culturel unique », a lancé un des organisateurs de l’événement.

Pour l’édition de cette année, le village de Boubon a vu affluer de nombreux visiteurs. « Tous les 13 départements de la région de Tillabery sont représentés, des visiteurs sont venus d’autres pays également », a déclaré M. Abass Yacouba, maire de la commune rurale de Karma, exprimant également la joie de la population d’accueillir les membres du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP).

Au-delà de l’aspect festif, le festival permet de mettre aussi en lumière des enjeux importants, tels que l’insécurité, la protection de l’environnement et la préservation du patrimoine culturel.

Dès l’ouverture de cette 5ème édition du Festival des Civilisations du Fleuve Niger l’ambiance était joyeuse dans le village, avec des danses et des chants au rythme du Goumbé, Biti, etc. Les habitants de Boubon ont fait preuve d’hospitalité, accueillant les visiteurs avec des sourires chaleureux et une grande générosité. Des milliers de personnes, hommes et femmes, enfants et vieux ont pris d’assaut la plage où se déroulent les festivités. Parés de leurs plus beaux habits, ils ne voulaient pas rater l’événement. Les spectacles de sketch et danses traditionnelles, des expositions de produits de l’artisanat local, des courses de pirogue, de compétitions de lancer de filets ainsi que des défilés de mode mettant en valeur les tenues traditionnelles étaient au programme du grand événement annuel.

Initié en 2008, ce festival qui se tient au mois de février attire un nombre important de visiteurs, en grande majorité des Nigériens qui viennent découvrir la culture et les traditions locales Sonrhaï, la beauté de la vallée du fleuve Niger, le savoir-faire local et vivre des moments festifs aux rythmes des musiques traditionnelles.

L’artisanat est le secteur le plus lié à celui de tourisme. Et la poterie est une des références du village de Boubon. Les divers produits de poterie sont fabriqués par les femmes avec une argile spéciale. Il s’agit des pots destinés à embellir des chambres ou des canaris servant de «réfrigérateur» dans beaucoup de foyers. Les artisanes qui les fabriquent continuent de résister pour garder une clientèle utilisant de plus en plus des ustensiles ou récipients en plastique. Le visiteur peut s’offrir le plaisir de voir ces artisanes en plein travail et découvrir leur savoir-faire.

Dans ce village la culture s’incarne dans le quotidien, les fêtes, les rituels ou simplement les habitudes de tous les jours. Le rituel de possession, à l’origine songhay, puis soninké, est une vieille tradition du terroir. Les Sorko ou maîtres du fleuve sont une population de pêcheurs qui vivent principalement de la pêche et possèdent de pouvoirs mystiques, communiquant avec les hippopotames. Ils sont très puissants et maîtrisent tout ce qui est en rapport avec l’eau. « L’eau c’est notre affaire, nous avons nos propres techniques pour communiquer avec les génies de l’eau mais aussi tout ce qui s’y trouve. Nous sommes aussi souvent sollicités pour sauver des vies en cas de noyade. Nous communiquons d’abord avec les génies avant d’agir ; s’il est possible d’intervenir rapidement nous le faisons ou alors nous demandons aux parents de la victime de patienter, et nous leur donnons l’heure à laquelle ils peuvent revenir pour soit récupérer leur enfant soit son corps quand on y peut rien », explique Hamadou, un des Sorko rencontré au bord du fleuve, à Boubon.

Quant aux Dho Soninké, ils sont dit-on, les descendants de Sy qui étaient d’abord installé à Gao plus précisément à Foussou. Avec le temps, ils ont remarqué que Foussou n’est pas habitable et se sont déplacés vers l’île (Goungou). Les Dho Soninké détiennent aussi un puissant pouvoir mystique qui leur permet de communiquer avec les hippopotames, le ciel, le vent, bref,la nature. Ces derniers ont leur façon propre à eux de s’habiller, habituellement en boubous noirs avec des turbans noirs ou un chapeau en forme de grenier confectionné soigneusement avec la paille, décoré d’objets en argent dont eux seuls connaissent le secret. Ils tiennent toujours dans leurs mains un bâton en fer très fin qui symbolise leur notoriété.

Des pêcheurs Sorkos

Le clou de cette 5ème édition du festival des Civilisations du Fleuve Niger, est le rituel de possession auquel le public a assisté. Au rythme de la musique spéciale dédiée à ce rituel, des paroles des griots qui chantent leurs louanges, celles de leurs ancêtres, les détenteurs du pouvoir Soninké, sont entrés en transe, vomissant des chaînes en or ou argent. Un spectacle époustouflant, souvent à donner de la chair de poule, que les gestes et pas de danse de ces hommes transportés dans un autre « monde ».

En dehors de son côté festif, cette rencontre crée des opportunités économiques dans le village. Les potières, les vendeurs de fruits et légumes, les pêcheurs, ceux qui tiennent des restaurants et des commerces ont tous vu leur chiffre d’affaire accroître considérablement pendant la durée de l’événement, contribuant ainsi au développement économique de la région.

Ce que confirme Aicha Ibrahim, une potière pour laquelle le festival représente une véritable aubaine. « A l’occasion de ce genre d’événement, on accueille beaucoup de visiteurs et on arrive à écouler une grande quantité de nos produits. J’ai déjà vendue 13 enfumoirs d’encens », confie-t-elle sourire aux lèvres.

Cette 5e édition du festival des civilisations du fleuve Niger a laissé de bons souvenirs dans les esprits des festivaliers et des habitants de Boubon. Cet événement a mis une fois encore en lumière la richesse culturelle et artistique de la région, renforçant ainsi le sentiment de fierté de la population. Rendez-vous est pris pour la prochaine édition.

Aïchatou Hamma Wakasso et Nazir Ousmane (stagiaire)