Skip to main content

Interview de Amadou Ousmane, auteur du livre ‘’ Propos d’Arbi’’ : ‘’Changeons les habitudes pour changer de comportement’’ (2)

Vous pouvez nous en résumer le contenu ?

Oui, bien sûr !...C’est un chapelet de ‘’choses de la vie’’ dans le registre du bon ou du mauvais comportement des Nigériens.

Observateur averti de la société, Arbi ne laissait rien échapper. Ainsi s’étalent sous nos yeux, au fil des pages, le tableau et les parfums d’une époque où le Chef de l’Etat pouvait réunir dans une même salle et cela pendant des heures, des centaines de Cadres nationaux pour débattre des problèmes qui se posent à la Nation. En toute transparence !

C’était une époque où, à la fin de chaque hivernage, les éleveurs d’une même région organisaient des fêtes grandioses pour se réconcilier et fraterniser avec les agriculteurs. Une époque où chacun des 9.000 villages du pays disposait au moins d’un poste ‘’de télévision communautaire’’ afin que les villageois aussi soient bien informés sur ce qui se passe ici et ailleurs dans le monde.

C’était l’époque où des commerçants nigériens, devant l’état de délabrement avancé du Centre psychiatrique de l’Hôpital de Niamey, pouvaient organiser une collecte volontaire pour aider l’Etat à améliorer les conditions de vie des malades mentaux. Ledit Centre psychiatrique ne disposait alors que de 75 lits pour 400 malades. Pour convaincre les potentiels donateurs, il avait suffi qu’Arbi batte le tam-tam sur le thème : ‘’De tous les malades, les malades mentaux sont les plus à plaindre… Il ne suffit pas de les envoyer au cabanon et les y parquer comme des bêtes. Il faut aussi les suivre, les soigner comme tous les autres malades. Et peut-être bien plus encore, puisqu’ils sont les plus à plaindre…’’. C’était aussi une époque où, à l’approche de la période de froid, lycéens et collégiens des grandes villes collectaient des pullovers pour distribuer aux malades dans les hôpitaux. Une époque où, sur simple appel de la Samaria, les jeunes se portaient volontaires pour aider à construire des pistes rurales, des classes ou des dispensaires. Pour simplement soulager l’Etat !

Une époque où un chef d’entreprise nigérien alerté par Arbi, décida de prendre en charge, séance tenante, les frais de réparation d’une motopompe tombée en panne depuis des mois, dans le village de Doguel-Kaina… qui n’est même pas le sien. Ce qu’il fit le jour même. Les villageois, privés d’eau depuis des mois, en étaient réduits à boire l’eau du fleuve qu’il fallait aller chercher à 3 kilomètres de là. C’était encore l’époque où un dirigeant de société ayant appris par la lecture des ‘’Propos d’Arbi’’ du jour, que de petits serpents venimeux avaient envahi la ville de Tabelot, faisant des dizaines de morts, s’était dépêché d’expédier gratuitement depuis Niamey, au dispensaire de cette ville, un grand frigo à pétrole, permettant ainsi la conservation de vaccins antivenimeux qui ont contribué à sauver des vies, en attendant l’intervention tardive des services officiels. C’est là, un petit éventail des multiples petits problèmes que la rubrique ‘’Propos qu’Arbi’’ avait aidé à résoudre et que l’auteur se plaisait à relater et qu’Arbi se plaisait à relater, dans un style qui avait le don de redonner espoir, même aux plus démunis. Preuve que la Presse a un immense pouvoir si l’on sait s’en servir…Mais, comme on le sait, chaque médaille à son revers. Arbi ne pouvait donc effacer de ce tableau les cas flagrants de mauvais comportements. Sa croisade devait le conduire nécessairement à dénoncer les gros et les petits péchés commis par les uns contre les autres, ou contre la société tout entière. Sur ce registre, on trouve notamment les cas de ces comptables qui disparaissent avec la caisse ; des responsables qui abusent de leurs pouvoirs, ou qui multiplient les obstacles pour empêcher l’émergence autour d’eux de jeunes Cadres aptes à les remplacer.D’autres fois, Arbi s’intéressait aux cas tout aussi condamnables de ces plantons qui profitent des heures de pause pour s’enfermer sous climatiseurs et faire la sieste, dans des salles de réunions ou bureaux inoccupés ; celui aussi de ces gardiens d’immeubles de ministères qui, sous prétexte de s’initier à la pratique toute nouvelle des cultures de contre saison, se livraient carrément à l’agro-business en produisant des tomates, choux et carottes arrosés à grande eau, dans les jardins même des ministères ou sous les fenêtres de nos bureaux. Arbi évoquait aussi les cas de ces directeurs qui   refusent d’aller en mission de terrain, au prétexte que les routes rurales sont impraticables et l’eau pas toujours potable. Il n’oubliait pas également de revenir assez souvent sur ces petits commis qui utilisent abusivement le téléphone du bureau ou les véhicules de service pour des courses qui n’ont rien à voir avec les nécessités de service. A côté de tous ceux-là, il y avait encore des exemples de ces grands commis qui, eux, font préparer les dossiers par leurs subalternes, mais qui sont toujours les seuls ‘’compétents’’ pour aller déposer une simple requête de financement à Bruxelles, Paris ou Washington. Je m’en voudrais de ne pas citer le cas de ces fonctionnaires en mission ou de passage dans les sous-préfectures, qui débarquent à 13 heures à la résidence, s’installent au salon et font comme si l’on n’attendait qu’eux pourservir le déjeuner.

Vous le voyez, la gamme est très étendue et ce sont des choses qui se passent encore dans le secret de nos Administrations. Et qu’il convient de combattre à tous prix, si nous voulons construire une nation et une société juste. Le mérite d’Arbi, c’est d’avoir pu aider quelquefois les décideurs à redresser les torts ou à sévir carrément lorsque nécessaire…Et je vous assure que dans bien des cas, des torts ont pu être redressés ; des responsabilités situées et des sanctions prises avec toute la rigueur requise. Tout simplement parce que celui qui tenait le gouvernail avait assez d’autorité et de volonté pour intervenir et pour inspirer la peur à ceux qui s’avisaient de violer ou contourner les lois.

C’était donc cela qui faisait la force d’Arbi ?... Comment cela était-il rendu possible quand on connait l’entêtement des Nigériens à faire ce que bon leur semble ?

A mon avis, du fait que nous étions alors sous les bottes d’un régime militaire assez sévère … une période où les notions de Démocratie, de Droits de l’homme et de Liberté de presse n’étaient pas encore de mode. De ce fait, ‘’les Propos d’Arbi’’ représentaient une petite fenêtre de liberté dans un environnement où tout ou presque, était verrouillé.

On a pu dire que le Président de l’époque, Seyni Kountché aimait beaucoup cette rubrique…

Je le confirme ! Et j’ajouterai même qu’à un moment donné, il ne m’appelait plus que par ce sobriquet : ‘’Arbi’’. Il n’était d’ailleurs pas le seul, et c’est ainsi que ce surnom m’est resté.

Selon vous, qu’est-ce qui le motivait ?

Vous le savez, le Général Seyni Kountché était un ancien Officier de Renseignements devenu Chef d’Etat, avec toutes les charges de gestion d’un pays en crise. C’était de surcroît un patriote sincère qui, à sa manière, combattait l’injustice, les passe-droits et les abus de toutes sortes. Il avait fait le serment de mettre tous les Nigériens sous la même loi. Et il mettait un point d’honneur à respecter son serment. Peut-être alors, trouvait-il par la lecture des ‘’Propos d’Arbi’’ chaque matin, des choses qui l’aidaient à compléter son ‘’menu quotidien’’. La tonalité, l’élan patriotique, la simplicité et la clarté avec lesquels Arbi abordait les problèmes avaient fini par lui plaire, je crois. Au point où il lui était arrivé de faire passer à l’auteur, des messages sur ‘’certaines petites choses qui mériteraient qu’Arbi en parle’’.

Votre livre ne s’inscrit-il pas dans la Politique de Renaissance culturelle qui prône, entre autres, une reconversion des mentalités ?

Il y a un proverbe bien de chez nous qui dit  que le miel ne vante pas sa douceur…Mais j’ai la faiblesse de croire que les éléments contenus dans ce livre pourraient apporter du grain à moudre à ceux qui sont chargés de la mise en œuvre de notre Politique de Renaissance culturelle. Mais comme on dit aussi chez nous ‘’On peut amener un cheval au marigot, mais on ne peut le forcer à boire’’.

En tout cas, il y a dans ce livre, matière à réfléchir pour tous les Nigériens, sur nos habitudes, nos attitudes, notre comportement qui est, parfois, l’une des principales raisons de notre retard….

Propos recueillis par Siradji Sanda

24 juillet 2018
Source : http://lesahel.org/