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Au plus loin dans le noir : Quand un acteur porte un film par son talent

Mais un film c’est, avant tout, une histoire. Et, comme c’est souvent le cas dans les films du réalisateur nigérien, c’est l’infidélité qui enfante le meurtre dans Au plus loin dans le noir. Cette fois encore dira-t-on mais surtout pas cette fois c’est trop. Nom ! Plutôt cette fois c’est même mieux car c’est aujourd’hui qu’il y a besoin de parler de ces maux, de les dénoncer. De nos jours où le plus sérieux des hommes est celui qui n’a qu’un seul bureau en plus de sa femme. De nos jours où même les dames de feu entretiennent des petits pompiers pour paraphraser le groupe de musique ivoirien, Magic système.

Le thème et la portée sont donc, en plus de la technique, un autre ‘‘A’’ du film du vieux. Une peinture des maux qui accablent le plus la société nigérienne actuellement et qui fait de Djingarey Maïga, un père qui a compris tous ce dont souffrent ses enfants sur le plan professionnel, sur le plan des valeurs morales, et jusque dans leurs foyers. En fait, drogue, sexe et pouvoir ont toujours fait « support à trois ». Et quand on a la pauvreté comme facteur favorisant, la corruption finit de faire de l’ensemble un cocktail dont l’explosion n’épargne personne. Un cocktail dont on vient à peine d’allumer la mèche dans notre pays, si l’on en prend garde.

En fait la corruption à elle seule peut constituer le noir dans lequel avance les choses au Niger, au plus loin. Avec des personnages comme La Gandjo qui, fort du soutien dont jouit son organisation au plus haut sommet de l’Etat, dans la police, dans la douane, jusque dans la gendarmerie présente un sang, pas que froid, mais complètement glacé. Ou encore un chien comme Jean Traoré, qui, une fois lâché par son patron, le tout puissant homme politique Gorel, n’hésite à mordre personne avec les dents de la corruption, jusqu’au juge qu’il trouve dans son bureau, en plein tribunal. Un juge dont l’éthique, trop insolente devant les puissants, aura pour récompense une retraite anticipée. Un bien meilleur sort par rapport au douanier qui sera muté à un poste où il n’y a que poussière et chameau. Ici le cinéaste nous rappelle un homme de théâtre Français, Marivaux qui dans une de ses pièces phare, s’insurge contre la justice qu’il trouve dure avec les pauvres et indulgente avec les grands. Doit-on même parler de justice ?

Une autre réussite de ce film est le casting, c’est peut-être même le plus grand défi relevé par Djingarey Maïga. Un casting des plus grands standings : Hassan Sididé, un vieux de la vieille dans les films du vieux. Il n’a manqué aucun rendez-vous du réalisateur, le conteur Mahaman Ado qui depuis un certain temps fait son bout chemin, aussi, devant l’écran, mais surtout Beidari, pas le griot de la célèbre épopée de Diado Sékou, mais l’acteur, celui qui dans le retour au pays, un autre film nigérien, joue le médecin. Avec sa silhouette ‘‘d’athlète’’, son accent de ‘‘jeunes citadin très branché’’ et son grand naturel sur les plateaux de tournage, Beidari Yacouba Hamani est, ces derniers, l’un des acteurs les plus sollicités pour les grands rôles au Niger.

C’est cet acteur digne des grands films hollywoodien qui a incarné l’inspecteur Iba dans cette réalisation qu’il a rendu digne des grands films d’enquête hollywoodiens. Iba, ce nom, n’est sans rappeler un certain Iba N’diaye, artiste plasticien Sénégalais de renom, comme pour dire que le comédien est aussi bon que le célèbre peintre qui a prêté son nom au personnage. Grace au jeu d’acteur de Beidari, ce film qui aurait pu tomber dans le lot des nombreuses réalisations qui ne retiennent pas beaucoup d’attentions a fini par se hisser au rang des films cultes ou au moins des réalisations nigérienne qui méritent d’être vus.

Au plus loin dans le noir, un film à voir pour tous ceux qui veulent comprendre le lien entre le vice, le crime et le pouvoir. Entre la drogue, le sexe et la politique.

12 janvier 2018
Source :  http://nigerdiaspora.net