Le port du turban : Une identité culturelle, pleine de significations chez les nomades
Dans les pays subsahariens, particulièrement au Niger, surtout dans sa partie septentrionale, les adultes et les hommes âgés couvrent leurs têtes et leurs visages avec une étoffe. Cette étoffe appelée communément turban mesure au maximum six mètres de long et un mètre de large. Il existe plusieurs sortes de couleurs, mais la couleur blanche est la plus utilisée. C’est un signe, une identité culturelle qui les distingue des autres ethnies.
Le port du turban est singulièrement fondamental chez les nomades Touaregs, Arabes, Toubous, Peulhs. Il est plein de significations et de symboles chez ces différentes communautés.
Tout comme les accoutrements, les parures sont distinctifs d’une ethnie à une autre, c’est une culture chez les nomades, qui se transmet de génération en génération. Les femmes ont plusieurs façons de se coiffer, les hommesportent le turban avec des techniques et des détails différents. Dans les zones nomades du Niger, il est indispensable de porter le turban à cause du climat caractérisé notamment par le soleil, le froid, la poussière. Mais pour ces communautés, d’autres raisons sont régulièrement invoquées.
«Un jeune touareg commence à porter officiellement à l’âge de 18 ans, une pratique ancestrale qui requiert une cérémonie rituelle souvent modeste organisée parfois à son insu. Elle est célébrée pour faire comprendre à toute la communauté qu’un tel a franchi le cap de l’adolescence et qu’il a droit au respect et à la considération. Elle est organisée par un grand marabout de campement au nom de l’initiation d’un nouveau sage du campement. On prodigue des sages conseils, des orientations au nouveau porteur du turban. Et l’ultime conseil, c’est de ne plus sortir la tête nue hors de sa maison, le port du turban est dorénavant devenu une obligation pour lui. Ces conseils sont symbolisés par des parties du turban qui parlent d’elles-mêmes» raconte M, Ahaman Ahmed Tarka, promoteur culturel, président de l’ONG Educaf Niger.
Les différentes sortes de turban et leur signification
Pour ces communautés conservatrices, qui sont les gardiennes de nos us et coutumes ainsi que des valeurs culturelles traditionnelles rester tête nue n’est pas digne d’un adulte. «Le touareg doit se recouvrer la tête, les oreilles, la bouche et souvent même le nez s’il le désire. Il ne doit pas entendre, ou sentir l’odeur et ou dire du n’importe quoi», commente ce fin connaisseur de la culture touarègue.
De par ses explications, on a deux (2) sortes de turbans, le turban tissu simple de toutes les couleurs et le turban de qualité ou Alachâ à couches de couleur bleue et qui laisse des tâches bleues sur le corps et tout ce qu’il touche.
Les différentes parties du turban et leur signification sont entre autres entre : Inawal ou l’éleveur qui le porte doit se couvrir la bouche et se dire à partir de l’initiation on ne doit et on ne peut plus manger n’importe où, n’importe comment.
Tikrakit ou honte, c’est la partie du turban juste au-dessus des yeux pour symboliser la honte, une vertu que l’on doit avoir après l’initiation.
Achak ou abstention à tout ou restriction volontaire, c’est la partie du turban pour couvrir les oreilles et qui symbolise la restriction à toute chose pour ne pas entendre les gens parler mal de vous.
Abuz ou le nœud situé derrière la nuque. Il sert à attraper le turban, il symbolise la lucidité et la solidité du nouveau porteur.
Selon M. Ahaman Ahmed Tarka, le port du turban revêt un caractère particulier, qui au-delà de son utilité pratique est un élément, un trait culturel identique chez les touaregs commun à toute la communauté. Une cérémonie qui met en exergue la maturité, une façon de dire que le nouveau porteur a grandi. Et pour être dans le cercle des adultes, il faut faire face à des adversités, des hostilités de la nature et à ses intempéries.
Une journée mémorable chez les communautés touarègues
Au cours de cette cérémonie des évènements festifs comme le Tendé, la course de chameaux, la danse sont organisés et les marabouts prient pour avoir les bénédictions et la gloire de l’initié. Des signes, des valeurs tout autant partagés par les communautés toubous, arabes, et dans la moindre mesure par les peulhs, les kanuri, les songhaï au Niger.
Sidi Ali Mahmoud, un jeune arabe et ressortissant de Bankilaré précise que le turban ne peut pas être au Sahel uniquement la propriété exclusive des Touaregs. «Chez nous les arabes (et d’ailleurs tous les nomades le portent fièrement), nous le considérons comme un héritage à sauvegarder et même à transmettre avec fidélité aux générations suivantes. C’est un signe de maturité, de grandeur. Chez nous on ne le porte que quand on a ses 18 ans. Il est comme le bonnet, le chapeau, les gants, le cache-cou pour les occidentaux qui se trouvent dans les pays où il fait excessivement froid. Il nous permet de nous camoufler aux yeux des personnes extérieures et d’avoir froid aux yeux face aux beaux parents. Malgré cette ère de modernité, nous essayons au Niger de garder nos coutumes. Il est fréquent de voir dans plusieurs zones nomades des cérémonies de port de turban parallèlement au jour du mariage pour qu’économiquement on ne fasse pas de dépenses ostentatoires. Des leaders religieux récitent quelques versets du Coran sur le turban avant de le mettre sur la tête du jeune homme, qui accède de ce fait au cercle des adultes», explique le jeune Sidi Ali Mahmoud.
Au niveau de la communauté Peulhe, notamment les bergers qui parcourent souvent kilomètres les troupeaux à la recherche du pâturage, le turban leur sert de protection contre les intempéries. «Pour bon nombre de personnes, chez nous un homme sans turban est un homme incomplet dans l’habillement», précise Sidi Mahmoud. Chez les peulhs, contrairement aux touaregs, Il n’y a pas un âge approprié pour le turban, les jeunes bergers commencent à porter le turban dès l’âge de 15 ans. Et lors des ‘’Walima’’, une cérémonie organisée pour la fin de l’apprentissage du noble Coran, le jeune peulh en fin de formation est enturbanné et appelé ‘’Malam’’ et ou ‘’Alpha’’», ajoute-t-il.
D’origine mauritanienne M. Traoré vit à Niamey plus de trente ans de cela. Il est vendeur de tissus, de bazins, d’étoffes, et de turbans au Grand marché. Il explique les tissus sont d’origine malienne. Le chèche est un tissu de couleur blanche et d’indigo une couleur brune et ou noire qui colle à la peau. Les largeurs et les longueurs varient. Ce sont les turbans les plus prisés car ils sont portés en signe de respect, de valeur culturelle. Selon lui, les inconditionnels du turban, le portent lors des grandes cérémonies d’intronisation, de réjouissances sociales, des fêtes religieuses, et ou évènements culturels.
Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)
Source : http://www.lesahel.org