L’art culinaire traditionnel au Niger : Un patrimoine culturel à sauvegarder et valoriser
Le ‘’Tchoukoubouss’’, le ‘’Brabuskou’’ ; le ‘’Kurbakurba’’, la pâte de mil ; le ‘’Mottolbali’’ ; le Surundu-Karasu ; le ‘’sori’’ ; le ‘’tukudi’’ ; le ‘’fankkasu’’ ; le ‘’kopto’’ ; la ‘’sauce fakou’’ ; le ‘’malkou’’ ; le ‘’Taguilguilé’’ le ‘’Touyo’’ ; l’Alkaki, ; le Kilichi, etc. sont des mets locaux qui caractérisent l’identité culinaire nigérienne. Ces éléments traditionnels issus d’une gamme importante de l’art culinaire nigérien prouvent à suffisance combien le patrimoine culturel immatériel nigérien est riche. Malgré la modernisation et les mutations socio-culturelles, des nigériens utilisent les connaissances et pratiques, les savoir-faire liés à la tradition pour se nourrir quotidiennement avec une alimentation 100% nigérienne. Ainsi, il appartient au nigériens de créer les conditions nécessaires dans un esprit patriotique de sauvegarder et valoriser les arts culinaires qui constituent en partie intégrante notre identité.
A Niamey, certains restaurants privilégient les mets traditionnels. C’est le cas aux restaurants Karasu, Foyer Aliya, Seret Africain, etc. Dans ces restaurants, la gastronomie nigérienne constitue le menu quotidien. Au-delà de la création de l’emploi pour la jeunesse et la participation au développement économique du pays, ces restaurants font la fierté du Niger en termes de sauvegarde du patrimoine culturel.
Situé en plein centre-ville (en face du Stade Général Seyni Kountché) de Niamey, le restaurant ‘‘Karasu’’, créé en 2020 par Hadjia Halima Mamane, propose des mets nigériens à toutes les heures de la journée. Selon M. Abdouramane Assoumane, travailleur à Karasu, leur restaurant est typiquement nigérien avec une vision qui consiste à promouvoir la culture nigérienne. « Nous voulons ce restaurant comme une identité pour l’art culinaire nigérien. Nous avons fait en sorte que ce restaurant puisse refléter toutes les régions du Niger. Nous avons fait en sorte qu’on puisse refléter l’identité culinaire de toutes les communautés du pays, avec des mets de toutes les localités du Niger », explique M. Abdouramane Assoumane. « Nous présentons ainsi toutes les spécialités nigériennes aux clients. Nous essayons de valoriser la gastronomie nigérienne. Tout celui qui a envie de manger des plats nigériens peut en trouver celui qui lui convient », assure-t-il.
L’art culinaire, une identité
Mme Rakiyatou Boubacar prépare régulièrement des mets traditionnels. Chez elle, la pâte de farine du mille, kourba-kourba occupe une place importante. « J’aime beaucoup les plats traditionnels. Surtout ceux qui se préparent à base du mil. Nous avons beaucoup de facilité pour la préparation de ce genre de plat. Nous avons besoin juste d’une quarantaine de minute pour le processus de préparation. C’est un plat très prisé pour son caractère typique et moins coûteux », soutient Mme Rakiyatou Boubacar. « Quand c’est bien préparé, ce plat n’envie rien aux autres mets, surtout quand il est accompagné d’une bonne sauce traditionnelle. De nos jours, beaucoup de femmes ont de la peine à préparer ces genres de plat à cause de leurs exigences. Mais les gens aiment ces plats traditionnels», témoigne Mme Boubacar.
Pour la promotrice du restaurant Secret Africain, situé au quartier Dangao, les plats traditionnels dans leur originalité sont peu présents dans les restaurants à Niamey, d’où son choix de faire la cuisine nigérienne à base des produits locaux. Ces plats sont faits à base de céréales mil, maïs, riz, salades et sauces colorées avec des légumes de saison. Sans oublier le couscous mélangé avec des feuilles de Moringa, appelé communément« dembou ». Cette dame a le secret de la cuisine nigérienne. « Pour la préparation de ces bons mets, il me faut tout un ensemble de techniques de préparation d’aliments en vue de garder leur originalité », explique la promotrice du restaurant Secret Africain.
Elle regrette le manque de soutien voir l’abandon de la part des autorités pour ce secteur. Selon elle, les autorités doivent soutenir le secteur de la culture en général et l’art culinaire en particulier afin de favoriser la transmission de génération en génération. Si l’art culinaire traditionnel est valorisé, précise-t-elle, c’est la population qui en bénéficie.
Abdoul-Aziz Ibrahim(onep)
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Les jeunes nigériens découvrent de plus en plus avec bonheur une amélioration significative dans leurs assiettes. Et pour cause, avec la valorisation des produits locaux par les femmes, les plus jeunes se délectent enfin de saveurs authentiques qui appartiennent au riche patrimoine culinaire du Niger. La transformation des aliments et condiments entrant dans la préparation de ces mets de grand-mère a certes joué un rôle dans cette promotion surprise, mais c’est surtout l’engouement des classes les plus nanties de la société et l’ouverture de plusieurs restaurants de haut standing qui a encouragé le développement et à la modernisation du registre culinaire traditionnel au Niger. Mais cela doit se faire sans impact sur le goût et les produits utilisés dans le code culinaire traditionnel.
Pour démontrer l’importance de la transformation agro- alimentaire dans le développement de la tradition culinaire au Niger, Mme Fatouma Moussa, présidente du groupement Himma qui œuvre pour la promotion des mets traditionnels au Niger, rappelle les étapes que les femmes devaient accomplir, seulement quel-ques décennies auparavant, pour nourrir leurs familles. « Avant, dit-elle, la femme doit se lever de bonne heure, prendre les épis de mil dans le grenier, les mettre dans un mortier ou les battre à la main avec un bâton pour séparer les graines de l’épi, le vanner, le décortiquer pour enlever le son des graines, vanner encore, le moudre, tamiser et ré-tamiser la farine obtenue avant de préparer son "touwo", un plat traditionnel qui est une purée de céréales très dure après la cuisson ».
La présidente du groupement Himma, se réjouit que tout soit devenu « plus simple et pratique » avec la transformation agroalimentaire et l’utilisation du gaz butane dans de nombreux foyers, y compris dans des zones rurales.
Mme Fatouma Moussa, une des premières figures pionnières du secteur, précise que la transformation des aliments par les femmes a réellement commencé avec l'organisation des femmes en groupements par le projet « Mata Masu Dubara ». Grace à cet encadrement, les femmes ont pu réfléchir sur les difficultés qu'elles rencontraient quotidiennement et qui les empêchaient de préparer de bons plats traditionnels pour leurs familles. « La valorisation de la transformation des produits alimentaires et des condiments a énormément facilité la cuisson des plats traditionnels », se réjouit-elle tout en se félicitant de l’achat des produits transformés par des personnalités et par des personnes relativement riches. « C'est aujourd'hui ces genres de personnes qui sont friandes de nos produits locaux transformés qui rentrent dans la fabrication des mets traditionnels, surtout les hommes », dit-elle.
La transformation agroalimentaire et la disponibilité des produits tout au long de l’année sur les différents marchés des villes à travers le pays a aussi permis d’intéresser des restaurants de grand standing. D’où l’ouverture de plusieurs établissements qui ne servent que des mets traditionnels typiquement nigériens ou qui en font le principal fond de leur commerce. Ces établissements participent également, le plus souvent, à la distribution des produits transformés chez leurs clients. « Combinée à l’organisation de concours culinaires, la transformation a permis de redorer le blason de la cuisine traditionnelle nigérienne. Il y'a encore peu de temps, beaucoup de jeune filles Nigériennes ne savaient pas faire des sauces de "Tabbaneyze" et de "Tori". Maintenant grâce aux concours, elles apprennent que ces mets de nos grands-mères peuvent aussi rivaliser valablement dans des compétitions de gastronomie », a indiqué la présidente du groupe Himma.
Pour les femmes transformatrices, l’avenir est prometteur et dans peu de temps l'art culinaire traditionnel arrivera à prendre le dessus sur les autres types de mets, surtout les mets gras et riches qui nous viennent des pays côtiers. « Cet optimisme est dû au fait que de plus en plus de personnes prennent conscience que les exhausteurs d'arômes artificiels peuvent provoquer beaucoup de maladies et se rabattent sur les équivalents traditionnels et naturels, soutient Mme Fatouma Moussa. Nous pensons donc que la multiplication des maladies liées aux habitudes alimentaires va contraindre la population à se tourner vers les mets traditionnels ». Elle fait savoir que l’initiation de plus en plus de Nigériennes et de Nigériens à la cuisson des mets traditionnels « peut être d'un grand apport pour la santé publique des populations locales ». Elle lance donc un appel urgent aux jeunes pour qu'ils se détournent de la consommation excessive d'huile, de piment et de purée de tomate concentrée industrielle.
Mme Fatouma Moussa demande également aux jeunes filles de se rapprocher de leurs mères pour apprendre la préparation des mets traditionnels car aujourd'hui « nous voyons beaucoup de chefs de familles qui sont réduits à acheter les mets traditionnels dans la rue parce que leurs femmes ne savent pas les préparer ». Il est important à ses yeux que l’ensemble des femmes nigériennes soient à mesure de cuisiner les plats traditionnels. « Nous lançons un appel à toutes les femmes de répondre quand on vient leur demander de soutenir la valorisation de nos mets traditionnels », conclut-elle.
Souleymane Yahaya(onep)