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Lu pour vous/’’Camarades’’, roman de Adamou Idé : Une photographie fidèle de la société nigérienne actuelle

‘’Camarades’’, c’est le titre du nouveau roman d’Adamou Idé, écrivain nigérien. Edité en 2021 par Les éditions Flamboyant et Communication, ’’Camarades’’ raconte l’histoire d’un jeune fonctionnaire issu de la classe populaire (une famille paysanne) qui après l’obtention de ses diplômes a décidé de mettre ses compétences au profit des paysans. A travers ce roman, l’auteur dresse aussi le portrait de la société nigérienne, malade, où les mœurs politiques ont perverti certaines normes sociales comme l’honnêteté, l’intégrité, la loyauté.

Le personnage principal du roman est Halidou Abdou alias Jirmey, jeune ingénieur agronome, intègre, plein de bonnes intentions et engagé à apporter sa contribution pour l’amélioration du secteur agricole. Ce qui est normal, ce d’autant plus qu’il est lui-même un fils de paysan. Très apprécié des producteurs rizicoles Jirmey a frappé dans l’œil du ministre Bounama qui a vu, à travers ce cadre compétent et intègre, l’occasion encore d’assouvir sa cupidité, son désir insatiable de soutirer de l’argent des caisses de l’Etat. Il le fait coopter dans le parti et le nomme à la tête d’une grosse société d’Etat : Caisse Nationale Agricole (CANA)

Il parle des conditions de vie des fonctionnaires honnêtes et intègres (comme Jirmey, et son prédécesseur à la tête de la CANA le nommé Taher Illiassou alias Gorzo, enseignant chercheur de son état), qui sont assaillis par les mêmes difficultés sociales que la majorité de leurs concitoyens.

Et à côté d’eux, évoluent tous ces fonctionnaires ripoux, des hauts responsables politiques corrompus (comme le ministre Bounama) et autres parasites sans grande qualification qui vivent comme des pachas (Garba, rabatteur, homme de main, coursier ensuite devenu directeur des ressources d’une grosse boîte (la CANA). 

Le roman traite aussi de la connivence entre ces hauts commis de l’Etat et des commerçants véreux sous le parapluie du parti pour siphonner les fonds publics destinés à des secteurs aussi vitaux que l’agriculture dans un pays où les crises alimentaires et nutritionnelles sont récurrentes. La carte du parti plutôt que la compétence et la probité comme principale élément de l’ascension professionnelle et sociale. Marchés publics de complaisance

 souvent mal ou pas du tout exécutés, surfacturation, retro-commissions, telles sont entre autres procédés qu’utilisent les hauts responsables politiques et leurs complices opérateurs économiques véreux sans scrupule comme Kallam Abdou alias Yamaizé, autre personnage central du roman.

Ces combines qui vident les caisses de l’Etat se font aussi souvent avec quelques toubabs ayant leurs entrées dans la haute sphère politique comme ce monsieur Dubois, ami de longue date du ministre Bounama.

Tentations, ascensions fulgurantes, mais aussi déchéance inattendue font partie de la trame de ce roman de Adamou Idé. Si le nommé Gorzo a été déchu de son poste du DG de la CANA pour avoir refusé de marcher dans la combine entre le ministre Bounama et son ami commerçant Yamaizé, ce ne fut pas le cas du ministre Bounama qui a connu une faim tragique. En effet, à la suite d’une suite violente dispute pour le partage d’une retro-commission offerte par M. Dubois et d’une suspicion de fuite sur une affaire de mœurs impliquant Yamaizé, le ministre Bounama fut démis de ces fonctions. Petit à petit, toute sa fortune amassée sur du faux (corruption, détournement de deniers publics ; il devient la risée de la société et fit la dure expérience des réalités (plus des difficultés) sociales que vivent ses concitoyens mais qu’il ne percevait pas lorsqu’il était dans les grâces du pouvoir. Alors qu’il se rendait dans une boulangerie pour acheter du pain, il fut renversé par un motocycliste dans l’obscurité à cause des coupures intempestives du courant électrique qui plongent la capitale dans l’obscurité. Il mourut ainsi comme un clochard, on y trouva 300 F dans sa main. Triste fin pour un gars qui avait tout.

Enfin, à côté de la problématique de fond que traite l’auteur, le livre ‘’Camarades’’ parle par endroit des scènes de la vie quotidienne de la grande masse des Nigériens : problèmes de loyer, situation des centres de santé, la question de l’insalubrité, les cérémonies de baptême et de mariage, l’animation du petit marché et du grand marché, sans oublier les histoires de mœurs, des réseaux sociaux et la vie privée, le chômage des jeunes qui les réduit à du bétail électoral qu’on peut conduire n’importe où avec quelques jetons pour le fameux ‘’Attayo’’ (ou thé). Ce qui donne un attrait irrésistible à ce livre et une facilité de lecture pour les amoureux de la lecture. ‘’Camarades’’ est un livre qu’il faut absolument lire. 

 Siradji Sanda(onep)