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Pêche et Aquaculture au Niger : Valoriser le secteur pour le renforcement de la souveraineté alimentaire

Vendeuse de poisson NigerLe Niger compte plus de 112 espèces de poisson dont plusieurs disposent de potentiels pour le développement de l’aquaculture. La production de poisson par la pêche est passée de 46 002 tonnes en 2020 à 47 200 tonnes en 2021, puis à 47 552 tonnes en 2022 et 48 100 tonnes en 2023. La valeur de la production annuelle en 2023 est estimée à 72,15 milliards de FCFA. Mais, en dépit de cette légère augmentation de la production de poisson observée ces dernières années, le secteur de la pêche et de l’aquaculture souffre d’un problème crucial qui est la faible production halieutique. Pour redynamiser ce secteur et sauvegarder la filière poisson, le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) à travers le Fonds de Solidarité pour la Sauvegarde de la Patrie (FSSP) l’Etat a injecté un milliard 250 millions F CFA.

La richesse halieutique des eaux nigériennes est un atout majeur pour la sé­curité alimentaire du pays. L’exploitation et la valorisa­tion de ces ressources halieu­tiques contribuera, de manière décisive, au produit intérieur brut et à la balance des paie­ments donc à la lutte contre la pauvreté. Dans le présent dos­sier, vous allez découvrir les potentialités, les contraintes, les perspectives ainsi que le dispositif légal qui encadre la pratique de la pêche et de l’aquaculture au Niger.

Du dispositif règlementaire régissant la pêche et l’aqua­culture au Niger

Au Niger, la pêche et l’aqua­culture sont régis par la loi n° 2021-003 du 16 mars 2021 portant régime de la pêche et de l’Aquaculture au Niger et la loi n° 2023-17 du 15 mai 2023 modifiant et complétant la loi pré citée. Parmi les caracté­ristiques saillantes de cette loi, on peut citer entre autres les principes du droit de pêche qui obéit à la précaution, la gestion intégrée des zones riveraines, l’approche écosystémique et participative, la transparence, la coopération et le partenariat, l’affirmation que le droit de pêche appartient à l’Etat dans les eaux du domaine public, l’accès aux ressources ha­lieutiques dans les eaux du domaine, dans les mêmes conditions pour tous les res­sortissants des pays membres de l’UEMOA, la protection de la ressource et la protection des investissements dans le domaine de l’aquaculture.

Le Décret 2022-993/PRN/ME/ LCD du 27 décembre 2022 dé­terminant les modalités d’ap­plication de ladite loi précise les redevances sur les permis de pêche commerciale et leur utilisation. Celles-ci sont fixées à 10 000f et 20 000 f pour les nationaux et ressortissants des pays membres de l’UE­MOA successivement pour la pêche sur les mares et rete­nues d’eau, et le fleuve. 40% de redevances perçues sont investis dans l’aménagement des plans d’eau.

Les Potentialités

Le Niger dispose d’un poten­tiel en eau de surface cou­vrant plus de 410.000 ha d’eau douce répartie entre le Fleuve Niger et ses af­fluents, le Lac Tchad, 1064 mares dont 275 permanentes, 69 retenues d’eau artificielles et d’importantes réserves en eaux souterraines de l’ordre de 2,5 milliards de m3 renou­velables et 2 000 milliards de m3 non renouvelables mobi­lisables pour le développe­ment de l’aquaculture. A cela, il faut ajouter une multitude de bras morts et au niveau bas-fonds les aménagements hy­dro-agricoles. Le Niger compte plus de 112 espèces de pois­son parmi lesquelles plu­sieurs disposent de potentiels pour le développement de l’aquaculture.

Colonel ISSA Yacouba, Directeur de la Pêche et de l’Aquaculture (DPA), au Ministre de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de l’Environnement

Selon le Directeur de la Pêche et de l’Aquaculture (DPA), Colonel ISSA Yacouba, la ri­chesse halieutique des eaux nigériennes est un atout majeur pour la sécurité ali­mentaire du pays puisque le poisson, dans bien des cas est la principale source de proté­ine animale. L’exploitation et la valorisation de ces ressources halieutiques contribuent de manière décisive au produit intérieur brut et à la balance des paiements donc à la lutte contre la pauvreté.

Le Colonel Issa Yacouba d’ajouter que la Direction de la Pêche et de l’Aqua­culture (DPA) a en charge la promotion de la production du poisson par la pêche et l’aquaculture, la gestion des ressources mises à sa dis­position, l’aménagement des pêcheries, l’élaboration des politiques en matière de pêche et aquaculture et le sui­vi contrôle des ressources ha­lieutiques et de l’aquaculture du pays.

Selon les statistiques au ni­veau de cette direction, plus de 70.000 personnes vivent direc­tement de la pêche. Le revenu annuel brut et net d’un pêcheur dans le bassin du fleuve Niger en période de faible produc­tion a été estimé entre 250.750 F CFA et 304.350 FCFA et constitue 85 % du revenu glo­bal de son budget.

Au niveau des mares et re­tenues artificielles, le revenu d’un pêcheur par saison de pêche de 5 à 7 mois varie de 150.000 à 800.000 F CFA. Ce qui démontre ainsi toute l’im­portance que peut revêtir cette activité dans la satisfaction des besoins fondamentaux des po­pulations et conséquemment dans la lutte contre l’insécu­rité alimentaire et la pauvreté dans le pays.

Le Colonel Issa Yacouba a aussi expliqué que pour ce qui concerne l’aquaculture, trois espèces de poisson Oreochromis niloticus, Clarias gariepinus et Heterobranchus bidorsalis sont les plus élevées dans les divers ouvrages de production aquacole au Niger. En 2023 la production de pois­son d’aquaculture est estimée à 300 tonnes pour une valeur de 533 131 200 FCFA en dépit de l’existence de fortes poten­tialités pour cette activité en promotion au Niger.

Aussi, les actions d’aména­gement (empoissonnement, formation technique et orga­nisation des pêcheurs, etc.) en vue d’une gestion durable des mares et retenues d’eau ont permis de mettre en évi­dence la forte productivité ha­lieutique des plans d’eau et la rentabilité économique des­dites actions.

Le Ministre de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de l’Environnement, Colonel MAIZAMA Abdoulaye, lors du lancement officiel de la campagne nationale d’empoissonnement des mares en septembre 2024, à Babul dans la Commune rurale de Tirmini, Région de Zinder

De même des zones à po­tentialité existent pour les aménagements aquacoles ; notamment les espaces de cultures irrigués (AHA), le fleuve, lacs, mares perma­nentes et retenues d’eau, les zones à nappes phréa­tiques affleurantes (Dallols, Koromas…) et les zones à importantes sources d’eau souterraine.

Ainsi, le développement de la pêche et de l’aquaculture est une opportunité pouvant contribuer significativement à la mise en place effective des processus de développement local à travers la valorisation des ressources naturelles lo­cales contrariée actuellement par l’absence de fonds d’in­vestissement locaux.

Les Contraintes

En dépit de la légère augmen­tation de la production de pois­son observée ces dernières années, le secteur de la pêche et de l’aquaculture souffre d’un problème crucial qui est la faible production halieutique.

Au niveau de la Direction de la Pêche et de l’Aquaculture (DPA), les responsables ex­pliquent que les principales causes de cette faible pro­duction halieutique sont entre autres le faible niveau de fi­nancement de la pêche et de l’aquaculture, la colonisation des plans et cours d’eau par les plantes aquatiques enva­hissantes, l’ensablement des plans et cours d’eau, la faible disponibilité de services de formation et de vulgarisation adapté, le caractère artisanal de la pêche, la faible disponi­bilité des intrants aquacoles de qualité (alevins et aliments) et d’un appui conseil, le faible équipement des acteurs ac­tifs dans la conservation et la transformation du poisson ; la faible organisation des ac­teurs du secteur, l’insécuri­té autour de certains plans et cours d’eau, la faiblesse du dispositif du suivi des res­sources halieutiques et le dys­fonctionnement des structures de recherche-développement en pisciculture et en pêche.

Les conséquences qui en dé­coulent sont la baisse des re­venus des acteurs de la pêche et de l’aquaculture, l’importa­tion du poisson et l’insécurité alimentaire et nutritionnelle des populations.

Les défis à relever sont l’ac­croissement de la production halieutique et aquacole, la lutte contre les plantes en­vahissantes aquatiques, la lutte contre l’ensablement des cours d’eau et assurer la ges­tion durable des ressources halieutiques.

Les Perspectives

Au Niger, l’aquaculture souffre du manque d’aliment pour poisson longtemps importé de l’étranger, de l’insuffisance liée à l’énergie, d’infrastruc­tures adaptées et de la for­mation des aquaculteurs. A cela s’ajoute l’absence d’in­teraction entre l’aquaculture et la recherche. Pourtant, il existe d’importantes potentiali­tés aquacoles sur les 410.000 hectares de ressources en eau de surface. L’on retient jusque-là que la production aquacole destinée à la consommation humaine, ne dépasse guère les 200 tonnes de poissons par an.

Une technique de pêche sans pirogue

Les perspectives attendues dans le développement de la filière pêche et aquaculture sont attendues de la mise en oeuvre des deux stratégies no­tamment la Stratégie Nationale de Développement Durable de l’Aquaculture (SNDDA 2020- 2035) et son Plan d’Actions (2020-2024) et la Stratégie Nationale de Développement Durable de la Pêche (SNDDP) 2021-2035 et son Plan d’Ac­tion 2021-2025.

Il faut également noter le plan d’actions de la Stratégie de Développement Durable de la Pêche qui prévoit un finan­cement de 21,865 milliards avec comme axe phare les actions d’empoisonnement de plus de 40 mares en 2024 dont 20 mares de la part du Projet de Gestion Intégrée des Paysages (PGIP) et 20 mares de la part du Programme Intégré de Développement et d’adaptation au changement climatique dans le bassin du Niger (PIDACC/BN).

Dans le domaine de la for­mation et d’équipement des pêcheurs et mareyeurs, on peut aussi noter l’élaboration de plans d’aménagement et de gestion de pêche sur 50 plans d’eau, l’amélioration de la commercialisation du pois­son à travers les alliances productives.

Enfin, pour ce concerne le développement de l’aqua­culture au Niger, le cout du plan d’actions de la Stratégie de Développement Durable de l’Aquaculture s’élève à 11, 668 milliards FCFA. La vision de cette stratégie est « Un sous-secteur aquacole durable et compétitif, qui contribue de mieux en mieux à la souverai­neté alimentaire et nutrition­nelle et à la création d’emplois décents pour les jeunes nigé­riens à l’horizon 2035 ».

La mission est de « créer des environnements et des contextes favorables à une aquaculture productive, du­rable, compétitive et généra­trice d’emplois décents pour les jeunes nigériens ».

Pour redynamiser et sauvegar­der la filière poisson, l’Etat a injecté 1 milliards 250 millions F CFA dont 700 millions venant du Fonds de Solidarité pour la Sauvegarde de la Patrie (FSSP) et 400 millions F CFA du Programme de Résilience des Systèmes Alimentaires en Afrique de l’Ouest (PRSA). Ces ressources vont permettre l’achat des camions frigori­fiques et le parachèvement des comptoirs de stockage sur l’ensemble du pays.

Le ministre de l’Agriculture et de l’Elevage Mahaman Elhadj Ousmane, le Gouverneur de Diffa, le Général Mahamadou Ibrahim BAGADOMA et Mme Brah Reki Djermakoye Présidente du Comité de Gestion du FSSP, lors de la visite du marché de poisson de Diffa

Investir dans la pêche, c’est aussi contribué à la lutte contre l’insécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté, deux fléaux que le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) et le gouver­nement de transition veulent coûte que coûte bouter hors Niger conformément au pro­gramme de résilience adopté par le gouvernement.

La relance de cette activité à travers la construction de plusieurs infrastructures mo­dernes va permettre aux ex­ploitants de la filière poisson d’accroitre leurs revenus dans ce contexte de retour progres­sif des populations dans leurs terroirs avec l’amélioration de la situation sécuritaire.

ATTAOU Moutari
RESCOM / MHAE/DPA