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Campagne agricole 2023 : Accélérer la vulgarisation des semences améliorées pour accroitre la productivité

Au Niger, l’agriculture reste et demeure la principale activité économique. Elle occupe plus de 85% de la population et contribue à 40% dans la formation du Produit Intérieur Brut (PIB) selon les données de la Banque Mondiale, 2021. Ce niveau de performance de l’agriculture reste faible en raison des multiples contraintes notamment climatiques qui conduisent à une baisse de productivité des cultivateurs, entraînant la récurrence du phénomène d’insécurité alimentaire.

Dans ce contexte, la transformation de l’agriculture est un impératif pour assurer la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté. Cet objectif ne peut se réaliser qu’à travers des modèles de développement agricole durables qui prônent l’intensification des productions. Cette amélioration peut se faire à travers le développement, la diffusion et l’adoption des semences améliorées par les paysans qui utilisent majoritairement de variétés traditionnelles.

Aujourd’hui, la majorité des politiques publiques et des investissements sont en faveurs du développement de la filière de semences améliorées certifiées créant ainsi des conditions favorables aux activités des organisations de producteurs dans le secteur. C’est pourquoi les partenaires au développement du secteur agricole comme la Banque Mondiale, la FAO, le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) et plusieurs ONG mettent en œuvre plusieurs programmes et projets semenciers.

La demande en semences de qualité est potentiellement très grande et diversifiée chez les paysans surtout dans un contexte de changement climatique. Pour satisfaire cette demande, l’offre est constituée de deux principaux systèmes semenciers (informel et formel) qui assurent l’approvisionnement des petits producteurs en semences des cultures vivrières. Dans le système informel (traditionnel), les agriculteurs collectent, sélectionnent, croisent, testent, multiplient, stockent et échangent des semences des variétés traditionnelles depuis des générations. Au Niger, les estimations établissent à plus de 85%, le pourcentage des superficies emblavées avec les semences provenant du système traditionnel.

Malgré sa maîtrise par les paysans, le système informel se heurte de plus en plus au problème de pureté et donc de qualité de semences. Cette insuffisance a fait naître le système semencier formel ou conventionnel qui est basé sur la création variétale, la multiplication à grande échelle des variétés officiellement homologuées et la diffusion des semences de qualité déclarée. Ce système repose sur les exigences de qualité avec comme principaux acteurs l’État, le privé (entreprises semencières). Ce schéma comporte un ensemble d’acteurs d’une filière verticale chargés des différentes activités liées à la production et à la commercialisation des semences.

58 tonnes de semences mères produite chaque année par l’INRAN

De son côté la partie gouvernementale à travers l’Institut Nationale de la Recherche Agronomique du Niger (INRAN), s’est lancé depuis plusieurs années dans un projet de création de semences améliorées adaptées à notre environnement, à son taux de pluviométrie et aux différentes caractéristiques des sols. Ce qui permet à l’institut de se doter d’une carte d’identité de chaque variété. L’INRAN produit deux catégories de semences, les semences de pré-base et les semences de base. «C’est ce qu’on appelle les semences mère ou semence de première génération. Il faudrait que nous produisions ces semences mères pour que l’autre maillon, qui est constitué des entreprises semencières et des producteurs individuels de semences, puissent prendre pour multiplier. C’est ce qu’ils multiplient qui va directement chez les paysans», explique M. Salami Issoufou, coordonnateur de l’unité semencière à l’INRAN.

Ainsi, dit-il, la création d’une variété de semence est un long processus qui va de 5 à 10 ans, « 5 ans, quand on travaille en hivernage et en irrigué et, 10 ans avec les pluies uniquement», précise-t-il. Bien que conscient des enjeux et de la nécessité d’amener les paysans à se reconvertir à l’utilisation des semences certifiées, le Niger pourrait espérer atteindre son objectif de l’autosuffisance alimentaire, mais selon, M. Salami Issoufou du chemin reste à faire. «Si aujourd’hui 30% des superficies sont emblavées avec des semences améliorées, on peut facilement booster la production du pays, mais, on n’en est pas encore là, nous sommes aux environs de 10% d’utilisation des semences de variétés améliorées. Et au niveau de l’INRAN, nous produisons au maximum 57 à 58 tonnes. Nous produisons en fonction de nos moyens. Mais, si ces 57 tonnes étaient utilisées de manière efficiente, elles peuvent aider à emblaver les 30% ou 40% des superficies parce qu’il faut que chaque maillon joue son rôle », a-t-il conclu.

Plus de 75 entreprises semencières dans la vulgarisation et la commercialisation

La commercialisation des semences certifiées implique sept principaux acteurs directs que sont les producteurs multiplicateurs, les organisations de producteurs, les entreprises semencières, les collecteurs et distributeurs, les points de vente/boutiques d’intrants, l’Etat, les partenaires au développement et les agriculteurs de consommation.

A travers la production des semences, les organisations des producteurs contribuent à l’approvisionnement des agriculteurs en semences de qualité déclarée et adaptée. Le Niger enregistre en 2023 plus de 75 entreprises semencières et producteurs qui sont organisées en Association des producteurs privés des semences du Niger (APPSN), qui existe depuis 2010.

Dans ce secteur libéral dominé en majeure partie par les privés, il n’existe aucune coordination dans la formation des prix des semences améliorées. Chez les producteurs multiplicateurs ou leurs organisations, le prix est généralement imposé par les acquéreurs (privés, Etat et partenaires au développement). Il faut noter que même entre ces acteurs, le prix varie comme l’explique Mme Moussa Zeinabou, responsable commerciale à la ferme semencière ‘’Aïnoma’’. «Chaque entreprise en fonction de la qualité de ses semences fixe les prix. Nous sommes en concertation avec nos consœurs entreprises semencières à travers l’Association des producteurs privés des semences du Niger (APPSN), pour réfléchir sur la manière dont nous devons, nous y prendre afin de fixer, un seul prix pour toutes les entreprises. Il y aura évidemment de la concurrence, mais que les prix soient uniformes» a-t-elle indiqué.

Aïnoma est la toute première ferme semencière au Niger avec une représentation nationale. Elle est spécialisée dans la production, la commercialisation des semences améliorées et de tout ce qui a trait à l’agriculture, notamment de l’engrais, des fongicides, des produits phytosanitaires, du bétail sur pied, du maraichage, des fruits et légumes, les conseils agricoles. «Nous disposons de 625 hectares dans le département de Say, plus précisément dans la commune de Tamou. Pour la multiplication des semences, nous disposons de 525 hectares de terre dunaires et 100 hectares de terre irrigables. Nous faisons la production des semences vivrières et sur les 100 hectares la production de fruits et légumes douze mois sur douze», a-t-elle ajouté.

La responsable commerciale de ‘’Aimona’’ déclare que la ferme semencière met à disposition de ses producteurs des semences de très bonne qualité, avec de très bons rendements adaptés au changement climatiques. «Nous avons un réseau de distribution de 112 points de ventes qui sont repartis dans les huit régions du Niger. Pour les grandes cultures nous conditionnons à partir de 500g, 1kg, 2kg, 5kg, 10kg et 50kg, ça dépend du pouvoir d’achat du producteur et les semences maraichères à partir de 10g voire 1kg. Nous avons aussi des producteurs contractuels avec lesquels nous travaillons, principalement avec les femmes, nous avons un réseau de multiplicateurs de semences de près 5.000 femmes», a expliqué Mme Moussa Zeinabou.

Par ailleurs, dit-elle, il y a toujours un travail à faire, parce que des nouvelles variétés sont couramment introduites sur le marché. Ainsi même si les producteurs ont compris l’importance des semences, il faut les accompagner à travers la promotion, la sensibilisation, et la démonstration.

13.781,328 tonnes de semences certifiées disponibles sur le marché

L’annuaire national 2023 de disponibilité en semences fait ressortir pour toutes les espèces et variétés confondues et pour l’ensemble des catégories de semences (pré-bases, bases et certifiées) de la campagne d’hivernage 2022, une production évaluée à 13.084,728 tonnes contre 7.676,90 tonnes en 2021 soit une augmentation de 70,44%. A cette quantité s’ajoute le report des quantités invendues de la production de 2021 qui sont de 687 tonnes. Ainsi pour cette année 2023, la disponibilité en semences de la production 2022 et du report de 2021 des semences de variétés améliorées toutes catégories confondues est de 13.781,328 tonnes. Une production obtenue sur une superficie déclarée de 18.596 ha.

Amener les populations jusque-là réticentes à abandonner les méthodes traditionnelles de culture et de sélection de semences, reste aujourd’hui, le plus grand défi pour les autorités qui cherchent, à atteindre l’autosuffisance alimentaire, dans ce monde bouleversé par le réchauffement climatique.

Hamissou Yahaya (ONEP)

Source : https://www.lesahel.org