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M. Issoufou Boureima, président de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées : ‘Il est aujourd’hui indéniable que le Niger a fait d’importants efforts dans la lutte contre la corruption’’

Pour y arriver, la nécessité de doter le Niger d’une structure qui va combattre le premier adversaire du développement s’est fait sentir. C’est dans ce cadre que la HALICA a été créée et rapidement installée. Et avant la fin de l’année 2011, la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées était pratiquement opérationnelle. Ses objectifs étaient, à l’époque, contenus dans le décret  qui l’a créé. C’étaient essentiellement des objectifs de prévention, avec un soupçon de capacité de répression qui n’était pas très fort puisque la HALCIA, créée par un décret, pouvait juste recevoir des plaintes et dénonciations; faire quelques investigations sans réel pouvoir et transmettre les enquêtes qu’elle menait exclusivement au Président de la République.

Par la suite, la pratique a permis, sur instruction du Président de la République, de transmettre également les dossiers au procureur. Mais on n’était pas obligé, parce que s’il faut s’en tenir à la loi. C’est seulement au Président de République que la HALCIA doit transmettre ses rapports d’activités. Ce sont les missions qui étaient contenues dans le texte.  Mais en réalité, il faut retourner dans le discours d’investiture du Président de la République pour savoir quelles étaient véritablement les missions assignées à la HALCIA. Il s’agit essentiellement de restaurer le monopole fiscal de l’Etat et la recherche de l’efficacité de la dépense publique. Ces deux axes sont en réalité les objectifs profonds qui ont présidé à la naissance de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées. Par ailleurs, on parle de restauration du monopole fiscal, cela veut dire qu’en termes de mobilisation des recettes, les ressources qui devraient permettre à l’Etat de marcher dans le processus sont défaillantes. Autrement dit, le monopole fiscal a disparu du fait de l’existence de beaucoup de sources de captages illicites et illégaux au moment de cette mobilisation de ressources internes du pays. Alors que ce sont des sommes qui devaient normalement se retrouver dans le trésor public afin de permettre au Président de faire justement des infrastructures; d’assurer les services sociaux de base et également de poser des actes de souveraineté  comme de défense et de justice etc. 

Il s’agit pour la HALCIA de recevoir des plaintes et faire en sorte que tous les actes de prédation qui étaient posés au moment de cette mobilisation de ressources puissent être portés à la connaissance de cette structure afin qu’elle fasse des investigations et puisse arrêter la saignée dans les finances publiques. L’efficacité dans les dépenses publiques suppose que l’argent de l’Etat soit dépensé dans le respect des règles, des procédures et de la déontologie dans tous les services publics. Bref, il est demandé à tous les responsables de passation  de marchés de se comporter en bons pères de familles. 

 Monsieur le président, la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées a vu le jour grâce à la volonté du Président de la République, Chef de l’Etat, S.E Issoufou Mahamadou, à mettre sur pied une structure qui va lutter efficacement contre la corruption au Niger. Rappelez-nous les principales actions qui ont été posées par  la HALCIA dans ce sens ?

Dans le décret initial qui a créé la HALCIA, l’une des missions était de suivre la politique nationale de lutte contre la corruption. Il se trouve qu’on n’en avait pas. Dès lors, la HALCIA s’est attelée à doter le Niger d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption. Cette stratégie se veut une réponse appropriée au phénomène qui, il faut le reconnaitre, existe réellement au Niger. Ce phénomène sévit gravement dans tous les secteurs de notre société.

La corruption joue aussi un rôle important dans le sous-développement que nous sommes en train de vivre. Donc, doter le Niger d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption était la première préoccupation. Nous l’avons réussie, certes difficilement, mais on peut dire aujourd’hui que le Niger dispose d’un document de stratégie globale de lutte contre la corruption. Une fois  que les actions essentielles sont mises, beaucoup de problèmes de corruption peuvent être appréhendés dans une démarche participative et itérative à travers cette stratégie. Cette démarche va certainement permettre un recul très net du phénomène de la corruption dans l’administration publique nigérienne.

Avant d’arriver à la stratégie, il faut dire que nous avons opté pour l’élaboration d’une stratégie endogène sans avoir eu besoin d’une expertise extérieure, parce que nous sommes convaincus de connaitre nous-mêmes notre société. Nous savons exactement là où se trouve le mal.  C’est ainsi que dans le domaine de la répression, nous avons eu à faire beaucoup d’investigations, en allant non seulement dans la détection de l’infraction, mais aussi en menant une sorte d’étude sociologique du phénomène pour améliorer les connaissances et faire des propositions concrètes de solutions. C’est cela qui nous a amenés à nous intéresser à tous les secteurs de la vie sociale du Niger, notamment  la douane; l’éducation ; la justice ; la chefferie traditionnelle; l’assistance aux personnes vulnérables ; les concours et examens de fin d’année du premier et du second cycles. Bref, beaucoup d’investigations ont été menées, et il y a eu des résultats tout à fait acceptables en ce qui concerne le traitement des dossiers de la HALCIA au niveau de la Justice.  

Ces dernières années, la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et des Infractions Assimilées a eu matière à investiguer avec notamment l’annulation répétitive des concours au niveau de l’appareil administratif nigérien, la délivrance des faux diplômes et l’annulation pure et simple de certaines épreuves lors de la session 2015 du baccalauréat. Quels sont les enseignements qu’on peut tirer à ce niveau ? Est-ce que tous les corrupteurs et les corrompus ont répondu de leurs actes ?

Lorsque nous avons entrepris une sorte d’enquête au niveau des ménages en 2012, il était ressorti que l’opinion avait stigmatisé pratiquement un certain nombre de corps qui étaient censés être les plus corrompus au Niger. Il s’agissait de la Douane,  la Justice,  la Police et la Gendarmerie. C’est pratiquement l’appareil répressif et l’appareil de mobilisation des ressources. Mais au fil du temps, nous avons rapidement senti qu’il y avait un petit décalage. Je veux dire qu’il y a eu une évolution dans cette perception, au regard de ce que nous avons vécu sur le terrain. J’ai constaté avec effarement que notre système éducatif est certainement le plus corrompu, bien plus que les autres qui ont été cités par le passé.

Le système éducatif est corrompu sur toute la ligne, depuis le Primaire jusqu’à l’Enseignement supérieur et sur tous les plans, que ce soit dans le recrutement des élèves et des contractuels ; dans l’attribution des bourses ; dans les commandes publiques faites par les responsables des ministères. Nous avons également des dénonciations de corruption dans les examens de fin d’année. Il fallait tirer la sonnette d’alarme. C’est pourquoi, chaque année nous sommes appelés à appuyer aussi bien le Ministère des Enseignements Secondaires que celui de l’Enseignement Supérieur en ce qui concerne le BAC, à mener d’abord une veille permanente au moment des concours pour recevoir toutes dénonciations de fraude, étant entendu que ces fraudes, pour qu’elles puissent se faire, s’appuient souvent sur des actes de corruption.

Nous avons aussi été amenés régulièrement à jeter un coup d’œil sur les concours d’accès à la Fonction Publique. Des concours que nous avons trouvés systématiquement entachés toujours de fraudes qui s’appuient encore sur la corruption. Et nous n’avons jamais failli, chaque fois que nous sommes requis. Dès que nous détectons des actes de corruption, nous les mettons en exergue à travers les rapports que nous transmettons à qui de droit. Est-ce que les auteurs ont répondu de leurs actes ? Oui, et comme j’ai l’habitude de le dire, la loi crée des conditions où on a l’impression que les hommes ne sont pas égaux devant la loi.

En réalité, il n’en est rien. Il existe dans l’ordonnancement juridique de chaque pays ce qu’on appelle des privilèges  et des immunités. Ces privilèges et ces immunités rompent souvent cette apparente égalité entre les citoyens. Mais, on a l’impression qu’il y a certains qui sont intouchables. En réalité, ils ne le sont pas. Ils sont simplement protégés par la loi, sans doute pour des préoccupations qui ne sont plus d’ailleurs d’actualité. C’est ce qui contribue à donner aux citoyens lambda l’impression que l’auteur principal n’a pas été sanctionné. Mais en ce qui concerne aujourd’hui les concours, tous ceux qui ont été identifiés comme auteurs et co-auteurs sont en prison pour certains, et d’autres en train de voir leur privilège descendu.       

La Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et des Infractions Assimilées est une structure à travers laquelle l’opération ‘’MAI BOULALA ’’ prônée par le Président de la République doit sévir. Est-ce que la HALCIA  a traité tous les dossiers ou plaintes qui lui sont parvenus?

La HALCIA nouvelle formule est celle qui est régie par loi et dotée de pouvoirs immenses en matière de détection d’infractions et en matière de déclenchement du processus de la répression. Cette loi a été votée le 28 novembre 2016, promulguée le 6 décembre 2016 et publiée le 23 décembre 2016. Cela veut dire qu’il y a juste deux mois et demi, ou presque trois (3) mois, que la HALCIA, qui dispose de tous les moyens de mener à bien une répression, existe. Mais d’ores et déjà, les plaintes parvenues à la HALCIA sont traitées avec efficacité et célérité. Et nous continuons à recevoir chaque jour des dossiers. Mais la démarche est tout autre, parce que la HALCIA, avec les moyens légaux dont elle dispose, a vu sa capacité de répression renforcée.

Les Gendarmes qui sont au niveau de la HALCIA travaillent es-qualité à la PJ. Cela veut dire qu’ils font la même chose qu’un Gendarme qui se trouve dans une Brigade Territoriale ou un Policier dans un Commissariat. Cela veut dire qu’il peut arrêter des gens; faire des perquisitions et récupérer des passeports pour empêcher même la sortie du territoire. Il peut également identifier les biens issus de la corruption pour les saisir et les mettre à la disposition  de la Justice. Depuis que cette loi est applicable, les premières affaires qui nous sont parvenues ont été traitées de cette manière. Beaucoup d’affaires que vous retrouvez à la Justice sont issues  d’un travail fait ici, à la HALCIA, sans qu’on n’ait pu faire de bruit.        

Le dernier classement annuel de  Transparency International a classé le Niger 101ème/177 pays, avec une moyenne de 35 points. Quels sont les critères d’évaluation et quel commentaire pouvez-vous faire à ce, surtout que dans ce classement, le Niger a progressé  en termes de points même s’il a perdu deux (2) places, en se retrouvant  de la 99ème place en 2015 à la 101 place en 2016 ?

Ce classement suscite en moi une réaction. D’abord, celle que tout profane aimerait rapidement faire ressortir. Oui, le Niger est classé 101ème parce que l’an passé, il y avait 168 pays classés, alors que cette année, c’est 177 pays. Autre chose, l’an passé, il y avait deux Etats qui étaient devant nous. En fait, ce n’était pas le Niger seul qui a quitté de la 99ème place à la 101ème place. Les trois pays qui étaient 99èmes se sont retrouvés aussi à la 101ème  place. Donc, en termes de points, le Niger a connu une progression.

En réalité, on ne peut pas dire que le Niger a régressé. Mais au-delà de cette remarque, les critères qui ont servi à faire le classement nous  donnent beaucoup d’espoir. Par le passé, on assistait,  en ce qui concerne les critères de classement, à une duplication des critères de l’Indice du Développement Humain (IDH) où on n’avait vraiment pas grand-chose à montrer au regard du retard criard que nous avons accumulé dans les secteurs de l’Education,  et de  la Santé même si dans ce secteur, des actes concrets ont été posés depuis 2011. L’un des objectifs des OMD en matière de la santé a été atteint.

Les retards que nous avons dans les autres domaines ont toujours fait en sorte que notre classement s’est trouvé plombé au niveau de l’Indice du Développement Humain. Maintenant, Transparency International a laissé cette manière de classer pour s’intéresser désormais à des questions concrètes qui se rapportent plus à l’activité même de l’anti-corruption. En ces termes, on ne peut pas reprocher au Niger de n’avoir pas fait des efforts dans la lutte contre la corruption. La HALCIA est une structure révolutionnaire qu’on ne peut trouver nulle part à côté de nous. Et je pense bien que le meilleur est à venir. En termes d’efficacité, il n’y pas une structure pareille à la HALCIA en l’Afrique de l’Ouest. Je n’ai pas vu une seule structure qui a autant de pouvoirs que la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées du Niger.

La HALCIA pourra désormais arrêter des gens et les placer en garde-à-vue dans ses locaux. Rien qu’hier, nous avons saisi quatre (4) véhicules dans un dossier que nous avons bouclé. S’il faut donc classer les Etats par rapport aux efforts contre le phénomène de la corruption, j’imagine bien que les prochains classements vont être édifiants dans l’espace UEMOA et en Afrique. Quoi qu’on dise, la lutte contre la corruption a permis au Niger d’atteindre des résultats. Si aujourd’hui le Gouvernement peut s’enorgueillir des réalisations, quelque part il faut reconnaitre que c’est parce qu’au     moment de la mobilisation des ressources, la saignée a diminué, et qu’au niveau de la dépense publique, il y a eu un peu de sérieux.

En termes de perspective, on peut dire que la volonté du Président de la République de combattre la corruption est toujours là. Le Chef de l’Etat reste déterminé au regard des moyens qui sont en train d’être  mis à la disposition de la HALCIA pour mener à bien son travail. 

Réalisée par Hassane Daouda(onep)

02 avril 2017
Source : http://lesahel.org/