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Pr. Khalid Ikhiri, président de la CNDH-Niger, président du Réseau des institutions nationales des droits humains des pays du G5 Sahel : «Il n’y a jamais eu de guerre propre, mais il est bien possible d’allier lutte contre l’insécurité et respect scrupule

Pourquoi cette initiative de la création d’un Réseau des institutions nationales des droits humains du G5 Sahel et seulement maintenant ?

Comme je le disais plus haut, l’idée de créer un Réseau des INDH du G5 Sahel date d’avril 2014. Certes le processus a été long mais le résultat est là et c’est le plus important. C’est d’ailleurs le lieu ici, d’exprimer toute notre gratitude au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et le Programme des Nations Unies pour le Développement au Niger, pour leur appui technique et financier. La mise en place du Réseau a été entreprise dans une démarche participative et cohérente qui a tenu compte plus ou moins des spécificités des pays membres. L’Assemblée Générale constitutive pour le lancement du Réseau s’est tenue les 24 et 25 janvier derniers à Niamey au siège de la CNDH-NIGER, avec le concours financier de Diakonia, une Organisation Internationale Non Gouvernementale (OING), Suédoise et DANIDA.

Il est important de comprendre que cette initiative a été renforcée d’une part par les recommandations issues du Sommet du G5 Sahel tenu à Bruxelles (Belgique) le 22 Février 2018 sur le thème « Conférence sur les Droits Humains et le Renforcement de la Confiance entre la Force Conjointe G5 Sahel et les Populations Locales» et d’autre part par l’atelier relatif à l’établissement, la mise en œuvre et le maintien du cadre de conformité pour prévenir les violations des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme co-organisé par le Secrétariat Permanent du G5 Sahel, la Force Conjointe G5 Sahel et la MINUSMA, les 7 et 8 Mai 2018 à Bamako (Mali)

Monsieur le président, quelle est précisément la situation des droits humains dans les pays du G5 Sahel dans un climat de lutte acharnée contre la menace terroriste?

La menace terroriste est réelle et d’actualité, les attaques djihadistes sont là et très préoccupantes pour l’ensemble des pays du G5 Sahel, surtout si l’on sait que ces pays sont parmi les plus pauvres du monde. A ces menaces s’ajoute la recrudescence des conflits intercommunautaires dans certains pays membres.

Du fait du caractère asymétrique de ces attaques, nos Forces de Défense et de Sécurité semblent avoir des difficultés à enrayer les attaques djihadistes de plus en plus fréquentes et meurtrières, du fait de la porosité de nos frontières. Heureusement, la Force conjointe mène des opérations de ratissage, de riposte et aussi, des opérations de sécurisation, au niveau des Fuseaux Centre (Burkina-Faso, Mali Niger) et du Fuseau Est (Niger-Tchad). C’est d’ailleurs le lieu, de saisir cette opportunité que vous m’offrez pour d’abord féliciter nos vaillantes Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et celles des pays alliés pour les résultats éclatants enregistrés sur le terrain notamment ces derniers mois.

Toutefois, la situation demeure toujours préoccupante face à la menace terroriste ainsi que d’autres formes de criminalités dans la zone, étant entendu que le terrorisme se nourrit toujours des facteurs endogènes. Mais avec l’intensification de ces vastes opérations de ratissage conduite par les Forces de Défense et de Sécurité Nigériennes à l’exemple de celle effectuée le long de la rivière Komadougou et sur les îles du Lac Tchad combinant actions de l’aviation et des troupes au sol, les populations auront davantage le sentiment d’être sécurisées, ce qui renforcera la confiance entre elles et les Forces de Défense et de Sécurité.

Peut-on, selon vous, tisser une alliance parfaite entre la lutte contre l’insécurité et le respect scrupuleux des droits de l’homme ?

La CNDH-Niger est consciente qu’il n’y a jamais eu de guerre propre, mais il est bien possible d’allier lutte contre l’insécurité et respect scrupuleux des droits humains. N’oublions pas que nos différents Etats du G5 SAHEL sont parties à plusieurs conventions internationales qui promeuvent et protègent les Droits Humains dont entre autres la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme (DUDH), le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP), la Convention Internationale sur la Lutte Contre la Torture et les Traitements Inhumains et ou dégradants, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ainsi que les quatre (4) Conventions de Genève du 12 Août 1949 et les Résolutions des Nations Unies.

L’alliance parfaite entre lutte contre l’insécurité et respect scrupuleux des droits humains passe nécessairement par, en amont des séances de sensibilisation et de renforcement des capacités de nos soldats afin de prévenir toute bavure.   C’est le lieu ici de saluer la hauteur d’esprit du Ministre de la Défense et celui de l’Intérieur de la sécurité publique, de la décentralisation et des affaires coutumières et religieuses, pour avoir bien voulu accepter de mettre à la disposition de la CNDH les Forces de Défense et de Sécurité afin que nous les formions. Cela a été le cas le 30 Août dernier au Siège de la CNDH-NIGER, en partenariat avec le CICR-NIGER et Rassemblement des Acteurs pour la Promotion et le Respect du Droit International Humanitaire et des Droits de l’Homme. Ça a été le cas aussi à Diffa du 28 novembre au 02 décembre avec l’appui financier du Projet « Peace Bulding » du PNUD-Niger. Dans le courant de cette année, nous comptons à nouveau reconduire cette activité à Diffa et l’étendre aussi à Tillabéri et Tahoua.

Dans le cadre de ce réseau, comment comptez-vous agir pour protéger les droits des groupes vulnérables notamment les femmes et les enfants ?

La conférence de Bruxelles du 22 février 2018 s’est longuement penchée sur ces groupes vulnérables notamment les Femmes et les Enfants dans l’optique de les protéger contre toutes les formes de violations.

En plus de ces actions de préventions, celles de protection s’avèrent aussi nécessaires et vont de pair. Nous avons mis en place avec l’Association pour la Redynamisation de l’Elevage au Niger (AREN) appuyée par Oxfam et certains acteurs de la Société Civile, un cadre de concertation pour faire le suivi périodique de la situation sécuritaire et humanitaire dans les zones de Diffa et Tillabéri affectées par ces conflits terroristes. De décembre 2017 à nos jours, nous avons mené quatre importantes missions d’enquête et investigation afin de collecter et documenter des cas de violations des Droits Humains. Deux rapports accompagnés de recommandations ont été communiqués sous plis confidentiels au Gouvernement. Les deux autres rapports seront incessamment transmis aux ministères concernés pour prise en charge. L’objectif poursuivi par ces descentes périodiques et régulières sur le terrain, c’est de dissuader d’éventuelles violations des Droits Humains, dont en particulier celles touchant les femmes et les enfants.

La situation des droits humains diffère d’un pays à un autre. Comment le réseau peut-il intervenir dans un pays où, même l’institution nationale a des difficultés pour jouer son rôle ?

Effectivement, des particularités existent selon les pays mais il faut retenir qu’ils sont tous des pays Sahélo-Sahariens ; confrontés aux mêmes risques, menaces et vulnérabilités. (Rebellions, radicalismes religieux, attaques des sites stratégiques, insécurités résiduelles, trafics illicites de drogue et armes, enrichissement illicite, blanchiment des capitaux, migrations clandestines etc…)

Heureusement, par rapport à cette différence entre pays, il est élaboré, sur la base des programmes sectoriels de développement, une matrice des initiatives et des projets prioritaires dans le cadre des piliers et des orientations du G5 Sahel. Enfin, des analyses conjoncturelles des piliers sont menées en vue d’initier des synergies et des projets intégrateurs.

De quels moyens disposez-vous, Monsieur le président, pour atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés dans le cadre de ce réseau ?

Tout d’abord, notre détermination et notre volonté d’aller vers les communautés et les Forces de Défense et de Sécurité à travers des campagnes de sensibilisation, d’information et de formation seront des grands atouts pour la CNDH-Niger. Notre dernière expérience d’échanges avec les FDS de Diffa a été concluante.

Les réflexions pour élaborer des modules et partage d’expériences avec les autres Institutions Sœurs pour le renforcement des capacités des cadres chargés d’accompagnement sont en cours. La CNDH-Niger se fera le devoir de mener à terme ce travail. La mobilisation des ressources financières et matérielles auprès des autorités compétentes et des partenaires techniques et financiers constitue une des activités prioritaires à mener.

Sur ce dernier point nous avons sollicité et obtenu le 25 janvier dernier, une audience auprès de son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat Issoufou Mahamadou, à l’époque Président en Exercice du G5 Sahel, qui a été très sensible et attentif au rôle éminent que peuvent jouer les INDH du G5 Sahel notamment dans la mise en confiance entre FDS et populations locales.

Aussi, lors de l’audience, il lui a été présenté les membres du Réseau et nous avons saisi cette opportunité pour d’abord le féliciter pour le bilan de sa Présidence en Exercice du G5-SAHEL, Présidence au cours de laquelle d’importantes avancées ont été enregistrées.

Réalisée par Fatouma Idé(onep)

15 février 2019 
Source : http://www.lesahel.org/