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Général de Brigade Ibra Boulama Issa, Directeur du Centre National d’Etudes Stratégiques et de Sécurité (CNESS) : ‘’Face aux défis sécuritaires multiformes qui menacent ses efforts de développement, de renforcement de sa jeune démocratie et de modernisati

Pour vous donner un ordre de grandeur, les Etats Unis à eux seuls disposent de près de 2000 think tanks, idem pour l’Europe, tandis que toute l’Afrique réunie compte moins de 500 centres à ce jour. C’est un retard que nos Etats doivent rattraper et les plus hautes autorités de notre pays l’ont bien compris.

Dans tous les cas, les grandes mutations socio-politiques, économiques, culturelles ou environnementales imposent une certaine accélération des décisions. Celles-ci doivent être éclairées pour que l’action soit efficace. C’est dans cette perspective que le CNESS a été créé le 16 janvier 2015 par décret du Président de la République. Rattaché au Cabinet Civil du Président, ce centre a pour principale mission de mener, en relation avec les services et institutions concernés, des analyses et des études prospectives permanentes sur les enjeux stratégiques de la vie nationale et internationale. A ce titre, il a pour objectifs, entre autres, d’effectuer des études prospectives, de procéder à une évaluation globale des questions sécuritaires et stratégiques et de mener des réflexions dans le domaine des relations internationales, des questions de défense et de sécurité, leur évolution et leur implication sur le développement national.              

Comment comptez-vous atteindre ces objectifs ?

D’abord, il faut savoir qu’un tel Centre doit être constamment animé, produire beaucoup en matière de réflexion et beaucoup former également. L’animation, la production et la formation constituent en quelque sorte notre feuille de route qui a été élaborée, dans une première phase, sous forme d’un plan d’orientation stratégique pour une durée initiale de trois ans.

Ce plan a été validé le 9 mars dernier par le Conseil d’orientation du CNESS qui est son organe décisionnel. Avant de revenir à votre question, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse pour expliquer en quelques mots le fonctionnement et l’organisation du CNESS.

Comme je le disais tantôt, il s’agit d’un Centre étatique rattaché au Cabinet Civil du Président de la République. Le ministre directeur de Cabinet en est l’autorité hiérarchique, il est également le président du Conseil d’Orientation qui comprend en outre : le ministre chargé des Affaires Etrangères ; le ministre chargé de l’Intérieur ; le ministre chargé de la Défense Nationale ; l’ensemble des recteurs des Universités publiques du Niger ; le directeur de cabinet du Premier ministre et le directeur de l’ENAM.

Le Conseil d’Orientation joue un rôle décisionnel, car c’est à lui de définir les orientations stratégiques du Centre et de valider les propositions de la Direction.

A côté de cet organe, nous avons aussi un Conseil Scientifique composé de 7 membres nommés pour un mandat de quatre ans. Ce conseil scientifique qui regroupe d’éminentes personnalités reconnues pour leurs compétences avérées, joue un rôle technique qui consiste, entre autres, à donner son avis sur les programmes scientifiques du Centre et évaluer la qualité scientifique de ses travaux. Ces deux organes se complètent et garantissent l’objectivité des activités du CNESS. Enfin, vous avez la Direction qui en est l’organe exécutif chargé de l’animation, de la coordination et de la mise en œuvre des programmes du Centre. Voici en résumé la structure du CNESS.

Pour revenir à ses objectifs, je dirai que nous mesurons avec lucidité l’ampleur de la tâche et la qualité des résultats qui sont attendus du CNESS. Mais je reste optimiste, car nous allons nous atteler sans relâche à tout mettre en œuvre pour que la réussite soit au rendez-vous.  

Premièrement, nous comptons valoriser les travaux de nos chercheurs et experts locaux à travers les publications du Centre. Dans ce cadre, notre démarche est inclusive et consistera à impliquer les universitaires, les chercheurs, les experts, les hauts fonctionnaires de l’Etat et les officiers des Forces de Défense et de Sécurité dans l’animation du Centre.

Deuxièmement, nous comptons constituer un réseau de partenaires, notamment avec les institutions régionales et internationales poursuivant des objectifs similaires aux nôtres.

Enfin, avec l’appui de l’Etat et des partenaires, nous comptons renforcer nos moyens d’action qui tournent essentiellement autour des études, de l’analyse prospective et de la formation.  

Pouvez-vous nous donner plus de détails sur les études et les formations ?

A titre d’exemple, les analyses et les sondages font partie des études qui seront publiées par le Centre. Le volet formation s’adressera particulièrement aux fonctionnaires de l’Etat, aux officiers des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et aux membres de la Société Civile intéressés par les questions de sécurité. Ces formations se dérouleront sous forme de séminaires de renforcement de capacités, de cycles de formation certifiante, de conférences, colloques et fora. Ici, l’objectif est d’accentuer la formation continue des acteurs de la sécurité, et surtout de stimuler en eux la réflexion stratégique.

Plus nous avons de cadres bien formés, mieux nous disposerons de grandes capacités de repenser notre stratégie globale et notre politique de défense et de sécurité.

Dans cette même veine, le 14 mars passé, nous avons organisé un premier séminaire de renforcement des capacités des cadres diplomatiques et des officiers des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), séminaire qui a porté sur le thème ‘’Diplomatie, Défense et Sécurité: Nouveaux acteurs, nouveaux enjeux, nouvelles pratiques’’. Ce séminaire initial a été l’occasion d’un partage de connaissances sur les enjeux sécuritaires face à l’émergence des acteurs non étatiques et à la montée de l’extrémisme religieux. C’est très significatif et bénéfique d’avoir ce type d’échanges qui permettra aux participants de mieux comprendre certains enjeux contemporains, notamment ceux liés à l’émergence des acteurs non étatiques armés.

Peut-on avoir plus de précisions sur le plan d’orientation stratégique du CNESS que vous comptez mettre en œuvre ?

Il faut noter que le plan d’orientation stratégique du CNESS tire son essence du programme de Renaissance du Président de la République, Chef de l’Etat, et prend en compte la vision prospective de la Stratégie de Développement Durable et de Croissance Inclusive (SDDCI) ‘’Niger 2035’’. Le plan est également en phase avec les objectifs poursuivis par la Stratégie de Développement et de Sécurité (SDS-Sahel-Niger) qui est une composante du Plan de Développement Economique et Social (PDES). Au niveau sous régional, ce plan s’inscrit également dans le cadre des grandes orientations sécuritaires définies par les Chefs d’Etat au niveau du G5 Sahel, de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) et de l’Autorité du Liptako Gourma (ALG). Comme je l’avais dit plus haut, ce plan comporte trois axes majeurs qui concernent respectivement le développement des capacités institutionnelles et la mobilisation des ressources du CNESS, le développement des études et de la recherche, et le développement de la formation dont j’ai étayé les contours.

Dans ce plan, nous tenons spécifiquement à la mise en œuvre de deux programmes essentiels au niveau du développement des études. Il s’agit de la mise en place d’un observatoire national des risques avec tout ce que cela impliquera en termes de mobilisation de compétences et de moyens technologiques appropriés. L’observatoire des risques aura pour but de mettre en place un système d’alerte précoce à l’échelle nationale. Il s’agira, par un travail d’analyse solide, d’identifier ces risques et de créer un système de suivi multidimensionnel à même de doter le Gouvernement nigérien d’un outil d’anticipation, de prévention et d’aide à la décision.

Ensuite, nous tenons également à l’élaboration d’un projet de Politique Nationale de Défense et de Sécurité qui comportera trois phases essentielles, à savoir une phase d’initiation et d’ébauche où nous allons tout d’abord faire l’état des lieux de tout ce qui existe en la matière ; une phase de conciliation et de consolidation qui consistera à réunir tous les acteurs concernés en vue de dégager et rédiger les grandes lignes du projet ; et enfin une phase de validation du projet dont l’élaboration sera confiée à des experts nationaux de haut niveau. Voilà un peu notre ambition!  

Sachant que nous partageons les mêmes préoccupations sécuritaires avec les autres pays, le CNESS pourra-t-il jouer un rôle sur le plan sous-régional ?

Effectivement, nous partageons également les mêmes communautés, les réalités climatiques sont presque identiques, les défis économiques, politiques et les menaces sécuritaires restent les mêmes dans toute la bande sahélo-saharienne. De ce point de vue, le Niger, en tant que zone tampon entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, apparaît certainement comme le pays le plus approprié pour l’expérimentation d’un organe dédié aux études stratégiques et d’analyse de sécurité.

Outre sa pertinence nationale, le Centre aura aussi pour rôle de servir comme un véritable outil de recherche et d’action pour toute la sous-région. Dans ce cadre, nous comptons travailler étroitement avec les organisations sous régionales et régionales. Notre vocation, c’est d’accompagner les décideurs tant au plan national qu’au niveau régional et même international. Nous avons déjà commencé à développer des partenariats stratégiques, notamment avec la CEN-SAD qui nous accompagne déjà dans le processus d’implantation du Centre. Nous allons continuer l’offensive dans ce sens, en essayant de fédérer tous les acteurs régionaux de la sécurité autour du CNESS.

Mon Général, quel est votre dernier mot ?

Je voudrais saluer la clairvoyance des plus hautes autorités pour la mise en place de cet outil d’aide à la décision. Notre ambition est de faire du CNESS un centre d’excellence où l’ensemble des Nigériens intéressés par les questions stratégiques pourront s’affirmer et apporter leurs contributions à travers la réflexion sur les enjeux stratégiques et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation. Notre pays est un acteur régional clé dans la lutte contre le terrorisme. A ce titre, nous sommes acteurs de notre sécurité collective et chaque citoyen a un rôle à jouer dans la défense et la préservation de notre territoire. Je vous remercie.

Réalisée par Assane Soumana(onep)

23 mars 2017
Source : http://lesahel.org/