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Invité de l'Onep - Oumarou Amadou Saley, Haut Commissaire à la Modernisation de l’Etat : «Tous les efforts faits pour rationaliser et améliorer les services publics dans ce pays sont à encourager»

Comment êtes-vous organisés pour mener à bien cette mission de modernisation de l’Etat ?

Créé par Décret n°2005-361/PRN/PM du 30 décembre 2005, le Haut Commissariat à la Modernisation de l’Etat (HCME) est une administration de mission rattachée au Cabinet du Premier Ministre. Il est chargé, en relation avec les ministères concernés, de concevoir, de superviser, de coordonner, de suivre et d’évaluer toutes les actions tendant à moderniser l’Etat et les collectivités territoriales conformément aux orientations définies par le gouvernement.

Au regard du contexte sociopolitique actuel, le HCME s’est donc positionné en s’engageant dans la recherche de l’efficacité et l’efficience des services publics afin d’accroitre leur performance et faciliter leur accès aux citoyens.

Le HCME a élaboré un document de Politique Nationale de Modernisation de l’Etat (PNME) qui a été adopté par le Gouvernement par Décret n° 233 du 12 Juillet 2013. Cette politique vise à doter le gouvernement d’un cadre de mise en cohérence de réformes tendant à moderniser l’Etat. Elle comprend quatre axes que sont: l’aménagement du territoire et la   modernisation des infrastructures; la modernisation de l’administration publique; la promotion de la bonne gouvernance et le changement de mentalité et de comportement des dirigeants et des citoyens.

Depuis son adoption par le Gouvernement, la Politique Nationale de Modernisation de l’Etat est devenue le cadre d’intervention permettant la mise en cohérence, la coordination des programmes en matière de réforme, de modernisation de l’Etat et de promotion de la pratique de la bonne gouvernance sous toutes ses dimensions.

Avez-vous fait un état des lieux sur le fonctionnement de l’administration du Niger ?

Nous avons en effet effectué, en partenariat ave le LASDEL, un certain nombre de diagnostics, ce que nous avons analysé comme des comportements non-observants (c’est-à-dire non conformes aux bonnes pratiques, à la morale ou aux textes législatifs ou règlementaires). Ils ont permis d’identifier les comportements, leurs causes et leurs effets sur l’administration. A partir de ces diagnostics, nous avons proposé des dispositifs appropriés pour conduire les changements de comportements privilégiant l’intérêt général.

Quels sont les maux dont souffre aujourd’hui notre administration ?

Ce diagnostic a été établi à maintes reprises, notamment lors de l'élaboration de la stratégie SDDCI Niger 2035 et à l'élaboration du Plan de Développement Economique et Social PDES 2017/ 2021 et malheureusement les constats sont toujours les mêmes...

Notre administration connaît des maux récurrents : lenteur et lourdeur administrative, mauvaise gestion des compétences, corruption, non adéquation profil/poste, insuffisance de la programmation budgétaire, absence d’évaluation des résultats, problème du statut et de la gestion de la fonction publique. Ces maux sont des maux généraux, mais nos concitoyens connaissent bien leurs traductions concrètes. Elles conduisent à des symptômes tels que les absentéismes récurrents, chroniques et une absence de sanctions. Je vous donne un exemple : un ministre nous a écrit le 27 septembre 2018 pour demander la tenue d’une réunion que je devrais présider au HCME le 10 octobre 2018 à 10 heures. Tenez-vous bien, cette correspondance ne nous est parvenue au HCME que le 10 octobre, soit deux semaines plus tard. Comment expliquer cela dans la même ville de Niamey ? Il y a des responsabilités qu’il faut situer et prendre les sanctions qui s’imposent. Ces comportements révèlent souvent des problèmes plus profonds comme l’impréparation des politiques publiques, une gestion incohérente des ressources humaines et un mauvais emploi des compétences qui existent pourtant dans notre pays. Ces maux conduisent même à des démotivations et des frustrations des fonctionnaires les plus assidus.

On assiste également souvent à une démission de la hiérarchie intermédiaire, qui estime ne pas être soumise au respect scrupuleux des horaires de travail. L’exemple, le bon, doit provenir toujours du sommet. A l’heure actuelle, aucun texte ne permet à un cadre supérieur de conception de se soustraire des horaires de travail légalement fixés. Cet exemple est donné par les plus hautes autorités.

Monsieur le Haut Commissaire, que faut-il faire pour que l’administration du Niger fonctionne comme une administration véritablement moderne?

A n’en point douter, la mise en œuvre de la feuille de route du programme de la Renaissance Culturelle contribuera fortement à dynamiser l’administration à travers le changement de comportements et de mentalités attendu des dirigeants et des citoyens.

Nous avons identifié et tentons de remédier aux comportements qui nuisent à la qualité des biens et services délivrés par l’État. Nous pouvons le faire en respectant des principes de base : recruter les agents selon les besoins de l’administration tant du point de vue qualitatif que quantitatif, planifier les mises en formation des agents, mettre en place des dispositifs de suivi-évaluation des activités de l’administration, évaluer les performances individuelles des fonctionnaires, élaborer des plans de travail, faciliter l’accès à l’information à tous les usagers. Il faut aussi doter l’administration d’outils de travail, notamment des manuels de procédures et des politiques et stratégies d’intervention.

En mai 2014 a été officiellement lancé le «Service Public Ambulant » des mairies des zones nomades. Le dispositif repose sur l’association des communes et des services déconcentrés de l’Etat dans sa mise en œuvre sur le terrain. En mettant à disposition des véhicules adaptés aux diverses situations des communes, nous répondons à la pluralité de leurs besoins dans de nombreux domaines: l’Etat civil (délivrance des actes et pièces), la santé humaine, la santé animale, l’hydraulique, la promotion de la scolarisation et de l’éducation, les questions environnementales. Ce dispositif permet donc un accès facilité à des services publics essentiels. Une extension du dispositif est prévue pour une plus large couverture du territoire, notamment avec le soutien de l’Agence Française de Développement dans le cadre d’un projet intitulé Projet d’Appui à la modernisation de l’Etat pour un service public de qualité sur le territoire (AMESP) qui couvrira dans sa première phase les régions de Diffa et de Tillabéry.

Les premiers bénéficiaires de ces expériences sont les populations, y compris dans les zones les plus enclavées, où les services classiques de l’État interviennent rarement. Ceci dit, pour que plus de résultats concrets puissent être observés, les citoyens sont à titre personnel et par leur changement de comportement porteurs de solutions pragmatiques, acceptables, réalisables. A ce titre, tous les efforts faits pour rationaliser et améliorer les services publics dans ce pays sont à encourager.

Réalisée par Oumarou Moussa(onep)

12 octobre 2018
Source : http://lesahel.org/