Skip to main content

Accueil

L’invitée de Nigerdiaspora : Mme Gogé Maimouna Gazibo

Maimouna-GaziboComment voudriez-vous, vous présenter aux internautes de Nigerdiaspora ?

Je suis titulaire d’une maitrise en Sciences Economiques et Juridiques de l’université du Mali, Magistrat, diplômée de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature du Niger, et de l’Ecole Nationale d’Administration de France. Je suis la Directrice Générale de l’Agence Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes dénommée ANLTP-Niger.

L’ANLTP est un service rattaché au Ministère de la Justice. Elle a été créée par décret en 2012. Mais elle est opérationnelle depuis juin 2013. Elle a pour mission de sensibiliser les couches vulnérables, de former les magistrats, les officiers de la police judiciaire, les journalistes, les acteurs de la société civile et bien d’autres sur les phénomènes de la traite des personnes et le trafic des migrants.

Actualité oblige, pourquoi le Niger lutte il contre la migration ?
Permettez-moi d’abord de corriger une petite incompréhension qui sème la confusion et dénature le débat.
Le Niger ne lutte pas contre la migration. Le Niger lutte contre des trafiquants qui font des migrants, des êtres humains comme vous et moi, un fonds de commerce qui leur procure des revenus exorbitants, lesquels revenus ne profitent d’ailleurs qu’à une petite partie de la population.
En effet, ces revenus illicites profitent en réalité aux passeurs et leurs complices. S’ils étaient destinés à l’ensemble de la population, avec les sommes considérables, qu’engendrent le trafic des migrants, il n’aurait pas de ménages pauvres dans la ville et les environs d’Agadez.
En réalité, la population ne profite que des échanges et des petits achats de produits de première nécessité par les migrants en transit. Par ailleurs, beaucoup de personnes tentent de nous convaincre que les personnes qui exercent le trafic des migrants sont pauvres et que l’économie de la Région d’Agadez repose sur le trafic de migrants. Et que par conséquent, mettre fin à la criminalité ruinerait les ménages de la région.
Alors je pose la question à ces personnes, faut-il laisser tous les pauvres qui volent parce qu’ils sont pauvres et que voler est la seule activité qu’ils ont pu trouver pour nourrir leurs familles ?
Faut-il arrêter de traquer les trafiquants de drogue parce que la drogue brasse beaucoup d’argent et permet à beaucoup de famille de ne pas mourir de faim ? Faut-il garantir l’impunité aux individus responsables de la mort de tant de personnes dans le désert, simplement parce que les passeurs doivent nourrir leurs familles et n’ont pas d’autres activités ? Faut-il laisser les terroristes en prison parce que la vente d’arme brasse beaucoup d’argent ?

Goge Maimouna Gazibo 002Alors que faut-il entendre par " migration légale et migration illégale “ ?

De manière synthétisée, nous avons une migration dite « économique » dont les motivations se fondent sur la quête d’un mieux-être.

Les candidats à la migration économique sont le plus souvent les jeunes sans emploi, les étudiants et les jeunes sans diplômes. Cette forme de migration se déroule pour beaucoup dans des conditions régulières et sécurisées. La diaspora issue de cette migration concourt significativement au développement économique d’un Etat.

Malheureusement pour beaucoup d’autres migrants, l’aventure se déroule dans un drame ou une catastrophe en raison des moyens illégaux utilisés pour franchir des frontières à risque élevé ou encore des bateaux ou embarcations de fortune. Le plus souvent, le fait de voyager sans documents notamment les pièces d’identité, ou des visas pour les pays qui l’exigent, fragilise un migrant et le met en situation d’extrême vulnérabilité. En plus les personnes qui se déplacent avec des faux documents pour franchir une frontière commettent une infraction contre l’Etat d’accueil ou de transit. On fait allusion à une « migration légale ou régulière », lorsque le migrant remplit juridiquement les conditions pour entrer dans un Etat dont il n’est ni ressortissant, ni résident permanent. On qualifie la migration d’illégale ou irrégulière quand le migrant voyage ou tente de voyager sans les documents nécessaires ou avec des documents frauduleux. Il est à noter que dans le cadre de la migration, le migrant peut être victime de pratique illicite, on parle alors de trafic de migrants, qui consiste pour une tierce personne à faciliter l’entrée illégale d’une personne dans un Etat dont elle n’est ni un ressortissant ni un résident permanent, moyennant un avantage financier ou matériel. C’est cette forme de migration irrégulière qui relève de la compétence de l’Agence Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes.

Comment œuvrer au respect de la dignité des migrants ?

L’application effective de la loi 2015-36 permet de garantir l’ensemble des droits du migrant. En effet, sur la base de ce texte, aucun migrant même en situation irrégulière ne saurait être poursuivi parce qu’il a simplement tenté de franchir illégalement une frontière. Le migrant reste vulnérable hors de chez lui et c’est la raison pour laquelle le Niger a pris des dispositions pour garantir la sécurité des migrants en transit dans (ou à destination de) notre pays ; pour leur permettre de saisir les juridictions compétentes pour porter plaintes contre les passeurs en cas de maltraitance ; pour leur offrir la possibilité d’entrer en contact avec leur ambassade en cas de difficultés, de bénéficier au même titre que les Nigériens d’un certain nombre de droits fondamentaux comme l’accès aux soins en cas de maladie, par exemple.

Mieux, l’Etat pour prévenir d’éventuels manquements, ne cesse de mener des actions de sensibilisation et de formation au profit des magistrats et des officiers de police judiciaire sur les droits des migrants et des réfugiés.


Le Niger a connu des drames effroyables dans son désert. Plusieurs migrants illégaux ont trouvé la mort dans des conditions qui choquent la conscience humaine ; abandonnés sans aucun secours par des passeurs. Est-ce que la nouvelle loi qui a été adoptée a produit des effets bénéfiques pour protéger les migrants ?

Effectivement le Niger a enregistré plusieurs morts dans le désert, ces dernières années. D’ailleurs, en mémoire de ces nombreuses victimes, mortes dans des conditions effroyables, l’Etat a décrété une journée nationale de mobilisation contre la traite des personnes en 2014. Le Niger est le seul pays de l’espace CEDEAO qui a consacré une journée spéciale le 28 Septembre de chaque année pour commémorer les victimes du ‘désert et des criminels’

Nonobstant ce décret, face à l’insuffisance des instruments juridiques pour punir les auteurs de ces abandons de migrants dans le désert, le Niger s’est résolu à légiférer pour protéger les droits des migrants qui transitent par son sol pour rejoindre le Maghreb et d’autres Etats. Ainsi la loi 2015-036 vise à protéger d’abord le migrant. Ensuite elle permet de poursuivre et traduire les passeurs et leurs complices devant les juridictions compétentes. Enfin elle permet à l’Etat de gérer le flux de migrants irréguliers. Il est important de souligner en effet que les malfaiteurs profitent de la vulnérabilité d’hommes et de femmes en quête d’un lendemain meilleur pour les transformer en fonds de commerce, en les aidant à franchir illégalement la frontière dans des conditions inhumaines et dégradantes. Beaucoup meurent de soif ou de faim.

Goge Maimouna Gazibo 003Le territoire nigérien est un axe privilégié pour le trafic de migrants en partance pour l'Europe via la Libye. Comment contribuer à relever les défis que pose la gestion de ce phénomène ?

Il faut nécessairement mettre à contribution l’ensemble des couches socioprofessionnelles, former et sensibiliser l’ensemble des acteurs intervenants dans les investigations, la poursuite, la condamnation et enfin doter la chaine de prise en charge, de beaucoup de moyens. Il faut réprimer les auteurs de trafic mais il faut aussi offrir des perspectives aux candidats au franchissement illégal des frontières.

Selon vous, pourquoi une part importante de la migration internationale se déroule hors des voies réglementaires ?

Plusieurs raisons justifient cette situation. Les difficultés pour obtenir un visa pour beaucoup de pays. En plus n’oublions pas que la migration est un phénomène naturel. L’absence de politique migratoire est une autre raison pour beaucoup d’Etats. Car les conditions d’accès aux documents de voyage sont lourdes et les procédures lentes et souvent coûteuses. Les nombreuses tracasseries découragent beaucoup de candidats qui finissent par prendre la route avec tous les risques y afférents.

Quels sont les avancées du Niger dans la gestion des flux irréguliers surtout en ce qui concerne le trafic de migrants ?

La situation est actuellement stable. Presque plus de morts de migrants depuis que des mesures ont été prises pour contrôler la frontière. Actuellement pour la seule région d’Agadez nous avons au tribunal 14 dossiers devant le juge d’instruction avec 19 passeurs inculpés, 3 dossiers sont ouverts contre X. 20 personnes sont renvoyées devant le tribunal correctionnel pour être jugées ; 8 personnes ont déjà été jugées, une personne a été relaxée et déjà deux véhicules ont été confisqués sur l’ensemble des véhicules immobilisés.

Réalisée par Boubacar Guédé
28 février 2017
Source : http://nigerdiaspora.net/