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Seybou Moussa Kassey, Directeur général de la Caisse Autonome des retraités du Niger (CARENI) : «C’est dans le souci d’améliorer significativement les conditions de vie des retraités que le gouvernement de la 7ème République a engagé la réforme ayant déb

Vous parlez de disfonctionnement de quoi s’agi-il exactement ?

Ces disfonctionnements concernent essentiellement la non maîtrise des effectifs des retraités qui occasionne de nombreux payements indus dans un contexte de rareté de ressources. Il y a la gestion manuelle des pensions entrainant une lenteur dans le traitement des dossiers de pensions. A titre d’illustration vous avez la CARFO du Burkina qui traite les dossiers en vingt quatre heures. C’est à dire quand vous déposez votre dossier le matin, déjà à quinze heures vous avez votre livret qui est disponible et votre chèque qui est aissi disponible. Au Niger, il faut plus de six (6) mois pour faire la même chose. Ce qui montre une idée de l’intérêt de la réforme pour ce qui ont commencé très tôt.

Il y a la question de l’unité de caisse du trésor qui peut entrainer des difficultés ou des lenteurs dans le paiement qui plus est dans un contexte de tension de trésorerie. Or il s’agit pour nous de disposer de ressources suffisantes pour faire face au paiement d’une frange de la société qui ne peut pas supporter des longs délais de paiement. Au Niger, le payement des pensions de retraite est trimestriel. Cette trimestrialisation des pensions constitue une grande contrainte pour les retraités du fait du délai long qui sépare les paiements. Quand vous avez un paiement à une date donnée, il faut trois mois pour le prochain, ce n’est pas facile. La trimestrialisation constitue vraiment un problème pour les retraités auquel il faut trouver une solution. Il y a ensuite la vétusté des textes.

Vous avez des textes très vieux qui gèrent cette question des pensions d’où la nécessité de les actualiser c’est ce qui explique peut être les jours derniers vous avez vu, nous avons été amené à faire la relecture du principal texte qui régit le système des retraites qui est le décret 61-50 portant régime des retraites au Niger, la gestion du fonds national de retraite. Au moins, ce texte a été réélu, mais ce n’est pas suffisant, la vétusté des textes c’est dans toutes les dimensions de cette gestion. Donc, il reste encore des aspects complémentaires, qu’il va falloir regarder pour pouvoir améliorer un peu les choses. Il y a également le caractère dérisoire du niveau des pensions des retraités.

A titre d’illustration, je suis peut être gêné de dire que vous avez des pensions, vraiment de niveau très bas qui sont encore servies. Je prends le cas de ce qu’on appelle les pensions de réversion c’est-à-dire les pensions qui sont versées aux veuves des retraités. Ce n’est pas la même somme qu’on donnait aux retraités qu’on donne aux veuves et si elles sont nombreuses avec beaucoup d’enfants à charge, il faut repartir encore cette part minimale entre plusieurs personnes. Ce qui fait que ça donne des montants dérisoires. S’il faille aller jusqu’à donner un chiffre, vous avez des pensions de réversion de 6000FCFA par trimestre, ce qui est vraiment incompréhensible à la limite inacceptable. Donc, ce niveau très bas des pensions est aussi une préoccupation vis-à-vis de laquelle il va falloir chercher des solutions.

Il y a enfin l’absence d’un quelconque dispositif pour appuyer les retraités à contribuer aux activités productives dans un contexte où l’amélioration de l’espérance de vie devrait conduire à la création des conditions de leur participation active au développement. Puisque, de plus en plus, les gens vivent plus longtemps, aujourd’hui les gens partent à la retraite et recommencent une autre vie. Donc, il est temps aussi que les gens comprennent que les retraités peuvent continuer à participer aux activités productives, peuvent continuer à produire pour le développement de notre pays et ça se voit d’ailleurs pour beaucoup de gens, la retraite, c’est juste quitter la fonction publique pour aller embrasser des activités souvent privées. Et donc, ça veut dire que quelque part aussi, il y en a qui ont envie de le faire et l’absence d’un dispositif pour les prendre en charge pour les appuyer, il faut un jour y penser.

En somme Monsieur le Directeur général, il y a beaucoup de problèmes relatifs au régime de la retraite au Niger. Concrètement quels sont les objectifs de la CARENI pour les solutionner ?

Il y a des objectifs parce que, on ne crée pas une structure juste pour la forme. On crée la structure pour qu’elle assume un certains nombre d’objectifs fixés par les autorités. Parmi ces objectifs les plus connus surtout dans le court terme, c’est qu’il faut réduire le délai de traitement des dossiers des pensionnaires. Parce que, s’il faut six à sept mois rien que pour faire les papiers, rien que pour les tracasseries administratives et pour accéder à l’argent, ça veut dire que pendant toute cette période, le retraité ne vit pas. Je pense que c’est une priorité.

Si on veut améliorer les conditions de vie des retraités, il faut mettre fin, ou à défaut réduire, les mandatements indus du fait de la gestion manuelle des pensions et de la non maitrise des effectifs. Il faut arriver à informatiser pour qu’il n’y ait pas de doublon, pour que les morts ne soient pas payés, pour qu’une seule personne ne soit pas payée dix fois etc. Donc dans le contexte actuel de rareté de ressources, ça devient une nécessité impérieuse ; il faut assurer ou garantir le paiement à terme échu des pensions en prenant les dispositions financières pour les mettre à l’abri d’éventuelles difficultés de trésorerie de l’Etat.

Une autre attente des retraités, c’est la mensualisation, car la trimestrialisation les livre aux usuriers. Il y a aussi la revalorisation du niveau des pensions, c’est une nécessité.Autant de choses que la CARENI avec l’aide de l’Etat et de tous les partenaires doit progressivement parvenir à résoudre.

Par rapport à tous ces objectifs, ces attentes importantes, qu’est ce que la CARENI a apporté concrètement comme changement dans le régime des retraites au Niger ?

Malgré sa jeunesse, la CARENI a pris à bras le corps ces questions. Non seulement assumer les attributions à elle conférer par la loi, mais surtout progressivement elle a essayé de prendre en charge tous les disfonctionnements qui sont mis en avant pour sa création. C’est ainsi qu’un des premiers apports à mon sens de la CARENI dans le régime des retraites, c’est le fait que la CARENI a sensiblement aidé à améliorer les conditions de travail des agents chargés de la gestion administrative et financière des pensions.

Pour ceux qui connaissaient ces services avant, ils savaient que c’étaient des services qui vivaient dans le dénuement complet comme on dit les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés. Articulés au ministère des finances, néanmoins, ils manquaient de tout. La CARENI a, au fur et à mesure essayé de contribuer à améliorer leur fonctionnement, à procéder à des investissements judicieux pour progressivement les aider à faire mieux leur travail, donc à mieux servir les usagers.

Un deuxième aspect, c’est que, la CARENI a permis que le traitement administratif des dossiers des travailleurs fonctionnaires assimilés pour la liquidation des pensions, pour le capital décès et pour le remboursement des cotisations et pour la validation de services auxiliaires puisse se dérouler dans des délais acceptables. Je ne sais pas si vous êtes au courant depuis juillet 2017, les dossiers de retraite sont déposés à la CARENI qui procède au premier contrôle et au premier traitement. Pourquoi pour le moment on s’arrête là, parce que jusque là, le reste des attributions conférées par la loi à la CARENI sont exercées par les anciens services du ministère des finances qui continuent à faire le travail le temps que la décision du transfert effectif de ces services soit au niveau de la CARENI.

Néanmoins, la partie que nous sommes en train de gérer aujourd’hui, c’est celle qui nous a été rétrocédé par le ministère de la fonction publique. C’est-à-dire que c’est une partie des attributions de gestion des pensions parce que les pensions en réalité étaient gérées par deux ministères : le ministère de la fonction publique et celui des finances. Le ministère de la fonction publique a cédé sa partie que nous sommes en train de gérer aujourd’hui. S’agissant du ministère des finances, il y a encore des difficultés à céder, mais nous sommes sur la bonne voie puisque nous venons de définir les modalités concrètes de transfert des services du ministère des finances à la CARENI, nous espérons que cette fois ci, nous avons touché le gros lot et que ce transfert tant attendu, interviendra.

En d’autres termes pour accomplir sa mission, la CARENI ne jouit pas de toutes ses prérogatives ?

La CARENI ne jouit pas de toutes ses prérogatives parce que l’une des prérogatives essentielles justement est de faire la concession, la liquidation et le paiement. La concession de tout temps a été le fait de la direction des pensions localisée à l’ex Copro et qui continue à le faire. Le service doit revenir à la CARENI, ce n’est pas encore fait. Le service de paiements des pensions logé au niveau du nouveau marché où on paie les retraités est un service qui revient aussi à la CARENI, ce n’est pas encore fait. Néanmoins nous sommes en train de mettre en place le dispositif pour que ces services reviennent complètement à la CARENI de façon à ce qu’elle soit opérationnelle complètement. Un troisième aspect du point de vue des apports de la CARENI, c’est l’amélioration du cadre législatif et réglementaire de la gestion des pensions des retraités (FNR).

Il y a lieu de rappeler que les textes qui régissent les pensions au Niger sont vieux et contradictoires et datent des années des indépendances. C’est vrai qu’il y a eu deux ou trois petites retouches sur certains articles mais le texte fondamental date de 1961. C’est dire qu’il y a beaucoup de choses à actualiser pour permettre de mieux gérer cette question des pensions. Je pense aussi que pour réussir la gestion des retraites au Niger à travers la CARENI, il va falloir aussi en même temps adapter le cadre institutionnel à la nouvelle situation.

Mieux il y a des dispositions qui sont dans ces textes et qui nécessitent d’être revues. Ces dispositions concernent par exemple le fait que les niveaux de cotisation sont à un certain niveau depuis les premières heures. Un peu partout dans la sous région, les gens sont passés à des taux de cotisation à la fois du travailleur et de l’Etat, ce qu’on appelle la cotisation patronale. Ils sont passés au delà de 6% et de 14%.

Au Niger, nous nous proposons d’aller à 8% et à 16%. Mais au delà de ça, il faut aussi qu’on améliore l’assiette de la cotisation. Comme j’ai l’habitude de dire mieux vaut prendre 6% de 1 million que de prendre 6% de 100.000. Autrement dit, si on élargit l’assiette de la cotisation, on tient compte à la fois du salaire de base et de toutes les indemnités, il est plus probable qu’on aura plus de contribution. De ce fait, le travailleur qui contribue plus, aura une retraite plus conséquente qui l’aidera à mieux passer sa retraite. Au delà, il y a la question de la revue de l’âge d’aller à la retraite.

Tout ça ce sont des réflexions, il faut un lieu, un cadre pour le faire. Il faut que les textes soient revus. Il faut que quelque part, une équipe s’en charge. Aussi, la CARENI a amélioré les conditions de vie des retraités à travers la mise en place des infrastructures d’accueil qui n’existaient pas avant. Nous avons au maximum essayé d’apporter des améliorations qui permettent d’alléger un peu les souffrances de ces populations. Nous sommes là aussi pour impulser la réflexion pour aider en tout cas le gouvernement, à prendre des décisions sur un certain nombre de questions relatives au régime des retraites. Nous sommes là aussi pour faire des propositions de textes complémentaires.

Malgré toutes ces initiatives, on a l’impression que le régime de la retraite au Niger ne semble pas être en harmonie avec ceux des autres pays de la sous région?

Comme vous le constatez, au Niger, la réforme vient de commencer. Les autres pays sont très en avance. Si nous prenons un espace comme l’UEMOA, c’est au Niger seulement que nous avons encore la trimestrialisation. C’est au Niger seulement que nous avons des longs délais de traitement. Au Burkina, le 25 de chaque mois chaque retraité reçoit sa pension dans son compte bancaire.

On est arrivé au point où le retraité au-delà de sa pension bénéficie de beaucoup d’autres avantages grâce à la Caisse des retraités des fonctionnaires du Burkina. Ils se sont pris très tôt et la caisse dispose de moyens suffisants parce qu’ils ont su sécuriser les ressources, les fructifier et ces ressources leur permet aujourd’hui de prendre en charge un retraité sans même se référer à l’Etat. Nous, nous sommes au début et les débuts sont difficiles. Donc pour le moment, nous ne sommes pas en phase avec la CEDEAO.

La mensualisation du payement des pensions est-elle une priorité pour la CARENI qui fait face à plusieurs défis?

La mensualisation est une priorité parce que c’est l’une des premières attentes des retraités. Donc la mensualisation est une priorité mais, la question c’est les moyens d’assumer cette mensualisation. Mais puisque nous venons de proposer un texte à ce propos, je pense que les dispositions seront prises pour que la mensualisation soit une réalité comme dans les autres pays de l’UEMOA.

Des rumeurs font état également du report de l’âge de la retraite au Niger.

Vraiment nous, c’est notre volonté, notre souhait à la limite ! Pas parce que nous avons des intérêts particuliers qui y sont liés, parce que la viabilité de la caisse même y est subordonnée. Aujourd’hui, les plus grands cotisants, ce sont les plus anciens qui ont les plus gros salaires. Donc même du point de vue apport en terme de recettes, nous perdons des recettes quand les plus expérimentés, les plus anciens en fin de carrière partent et deviennent une charge. Ils partent en nous privant de recettes importantes et ils deviennent une charge lourde parce que conséquemment, ils sont plus lourds à prendre en charge.

La deuxième dimension, c’est que les flux d’entrée à la fonction publique sont de plus en plus rares. Avec la renaissance bien sûr, il y a eu des bouffées d’oxygène avec des recrutements par secteur 3000, 4000, 5000.

Avec les départ c’est un vide, ce sont des cotisants qui ont manqué. Et tous ces gens anciens se préparent à partir, en flux important. Pour 2018, il est prévu 1.275 départs à la retraite à la fonction publique et pour 2019 ça sera plus. Or, toute la période de 1991 à l’avant conférence puis l’après conférence jusqu’à la renaissance, je dirais vraiment que c’est des balbutiements dans les recrutements. Cela veut dire qu’il y a de moins en moins de cotisants, alors comment la caisse va vivre ? Pour cette dimension, nous avons besoin d’un relèvement de l’âge de départ à la retraite. Nous sommes favorables et nous plaideront pour qu’on revoie ce dispositif de façon à ce que ça soit profitable pour le pays et pour la caisse.

Mais réellement, nous sommes en retard sur les réformes des retraites. Ce n’est peut-être pas nécessairement à travers une caisse qu’on fait des reformes, mais il est temps qu’au Niger un certain nombre de paramètres soient revus. On ne peut pas continuer, aujourd’hui, à gérer les choses de la manière des indépendances. De plus en plus, nous avons des gens qui viennent à la retraite et qui sont pris au dépourvu par tout ce qu’ils trouvent. Je pense que le gouvernement en faisant la réforme a tenu compte de toutes ces dimensions et qu’il assume cette réforme jusqu’au bout.

Réalisée par Idé Fatouma(onep)

20 avril 2018
Source : http://lesahel.org/