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L'invité de l'Onep : M. Sédiko Douka, Commissaire de la Cedeao chargé de l’Energie et des Mines «L’une de nos priorités, aujourd’hui, est de créer un marché régional de l’électricité»

Ce taux est-il uniforme dans tous les pays de la zone Cedeao ? Sinon que-ce qui explique ces disparités au sein de l’espace communautaire ?

En fait si vous prenez un pays comme le Nigeria qui fait plus de la moitié de la population et en termes économiques (PIB), il a une demande théorique en énergie de 50.000 mégawatts. Mais il en produit aujourd’hui seulement 7.000 mégawatts, soit 14% du besoin national. Ce qui fait que lorsqu’on met tous ces paramètres du Nigeria, ça affecte tous les efforts des autres Etats parce que de l’autre côté, nous avons le Cap Vert qui a un taux d’accès à l’électricité de plus de 90% (sur toutes les 10 îles que compte ce pays). Mais le Cap Vert fait juste 500.000 habitants. Quand on met ces 500.000 hbts avec les statistiques du Nigeria qui fait plus de 170 millions d’habitants, les taux régionaux sont tirés vers le bas.

Quelles sont les solutions envisagées. Qu’est-ce qui est fait pour faire face à cette situation ?

Compte tenu de tous ces défis, la Cedeao a créé des agences spécialisées qui viennent en appui à la Direction de l’Energie. Il y’a le WAPP ou système d’échanges d’énergie électrique qui regroupe aujourd’hui 30 membres composés de toutes les sociétés publiques chargées de la production, du transport et de la distribution de l’électricité (comme la Nigelec pour le cas du Niger) auxquelles, il faut ajouter les producteurs indépendants puisqu’on en trouve dans certains pays comme la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Ghana et le Sénégal. Nous avons l’Agence régionale de régulation du secteur de l’énergie (AREC) et le Centre régional pour le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique(CEREEC). D’ailleurs ce centre est en train de mener beaucoup de programmes dans le domaine des énergies renouvelables. Il s’agit des programmes d’assistance technique aux Etats ; des programmes de renforcement des capacités, de formation et même des programmes de mise en œuvre des infrastructures physiques. Il y’a aujourd’hui des pays qui ont bénéficié de systèmes d’alimentation en solaire, en éolien provenant de ce centre. Nous avons aussi beaucoup d’appuis des bailleurs de fonds. En effet, le domaine de l’énergie est très convoité de nos jours parce qu’il est très lié à l’environnement et aux changements climatiques. Il faut ajouter en termes de solutions, les multiples projets que le WAPP est en train de mettre en œuvre. On peut citer les interconnexions Côte d’Ivoire-Libéria- Sierra Leone-Guinée Conakry ; Côte d’Ivoire-Mali-Burkina ; Ghana-Burkina-Mali ; Ghana-Bénin-Togo-Nigeria. Ce qui intéresse un pays comme le Niger, c’est ce qu’on appelle la dorsale Nord ou l’interconnexion NigeriaNiger-Burkina-nord Bénin et nord Togo. Rien que la semaine passée, une convention a été signée entre le Niger et la BAD pour la partie Niamey-Frontière du Burkina. Nous attendons dans les prochains jours, la signature de la convention relative à l’autre partie Niamey-Frontière du Nigeria ; ça sera avec la Banque mondiale.

Parmi les solutions au déficit énergétique, est-ce qu’il ya des réflexions relatives à l’énergie nucléaire vu que la Cedeao compte en son sein un grand producteur de l’Uranium : le Niger ?

Il y a bel et bien des réflexions qui sont menées dans ce sens dans la mesure où un tiers, voire 40% de l’électricité produite et distribuée en France provient en grande partie de l’uranium du Niger. Or, le Niger en tant qu’Etat et la zone Cedeao dans sa globalité a un taux d’accès à l’électricité faible. Les besoins en énergie sont importants. Il y’a un grand pays voisin du Niger (le Nigeria) où la demande est forte. En outre, pour rendre l’énergie nucléaire rentable, il faut une grande demande. Par exemple à partir 1000 mégawatts ou 1 gigawatt, on peut penser à construire une centrale nucléaire régionale. C’est pourquoi, nous allons approcher le ministère nigérien de l’Energie ainsi que la Haute autorité nigérienne à l’énergie atomique (HANEA) qui est déjà une instance vivante pour voir comment appuyer le gouvernement nigérien dans le cadre de la réalisation d’une centrale nucléaire régionale. Le besoin est là. 1.000 mégawatts, c’est 3 fois la puissance actuelle du Niger, mais très peu pour le Nigeria qui, à lui seul, a besoin de 50.000 mégawatts alors qu’il n’en produit que sept. Ce pays a besoin de 40.000 mégawatts supplémentaires auxquels il faut ajouter les besoins des autres quatorze pays de l’espace communautaire. C’est qu’il est légitime et même opportun de penser à construire une centrale nucléaire pour satisfaire tous ces pays. Cela est d’autant plus pertinent que l’une de nos priorités, aujourd’hui, est de créer un marché régional de l’électricité. Comme je le disais tantôt, le taux d’échanges entre Etats n’est que de 20%.

Déjà, nous avons, dans cette optique, un centre d’informations communautaire en construction à Cotonou. Ce centre sera opérationnel à partir de juin 2019. Et c’est à partir de ce centre, que se feront l’interconnexion de tous les ré- seaux et le dispatching. Pour se faire, nous avons subdivisé la Cedeao en deux zones. La zone A qui regroupe le Nigeria, le Bénin, le Togo, le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Ghana et la zone B qui regroupe le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée Bissau, la Guinée Conakry, le Sénégal, la Gambie et le Mali. Ce système aura pour effet, non seulement de répondre aux besoins des pays mais aussi de contribuer à faire baisser les tarifs pour les consommateurs et assurer la disponibilité de l’énergie.

En attendant, la réalisation de ce grand projet, le déficit énergétique pèse sur nos pays et leurs économies. Quels est l’impact de ce défit sur le développement de nos Etats ?

Vous savez, l’énergie c’est comme les transports, les télécommunications et tout ce qui est groupe infrastructures. Elle affecte beaucoup les coûts des facteurs de production. Ce qui va se répercuter sur les produits finis et donc sur les clients. Donc moins l’énergie est chère, plus le prix du produit final est abordable au client. De nos jours, tout est basé sur l’énergie à commencer par le secteur industriel, l’agriculture, l’administration et même les usages domestiques. Le grand défi est donc de faire en sorte que l’énergie soit disponible, fiable, constante mais aussi et surtout accessible aux populations.

Votre département a aussi la charge des questions des mines. Quelles sont les stratégies que développe la Cedeao pour aider nos Etat à développer et rationaliser leurs secteurs miniers ?

La Cedeao a élaboré et mis en œuvre une politique régionale sur le développement des mines. Les grands défis qu’on a dans ce secteur sont l’éloignement des sites miniers et l’absence d’infrastructures. Il faut donc construire des infrastructures notamment routières pour rendre ces sites accessibles. L’autre défi, c’est que nos opérateurs économiques locaux sont concurrencés par les grands groupes. Très souvent, ce sont ces grands groupes qui obtiennent les contrats de recherche, d’exploration et d’exploitation. Notre préoccupation est de faire en sorte que les opérateurs locaux puissent accéder à la vulgarisation de l’industrie minière. Il faut donc trouver les moyens de les appuyer financièrement et de les former, puisqu’on a constaté qu’on n’a pas de maind’œuvre qualifiée et l’expertise né- cessaire surtout dans certaines spécialités. Un autre défi, c’est l’exploitation artisanale des mines qui pose un grand problème d’organisation et de réglementation. Enfin, il ya la question des contrats miniers. En effet, nous avons constaté que nos Etats pour la plupart, n’ont pas d’experts assez qualifiés pour négocier les contrats miniers complexes. C’est pourquoi, la Cedeao a signé un protocole avec la Banque africaine de développement (BAD) qui a un centre régional sur les ressources naturelles. Ce centre apporte des appuis à la Cedeao qui, elle, les répercute au niveau des Etats pour, par exemple, recruter des grands experts pour aider nos pays à mieux négocier les contrats miniers complexes.

Faisons une digression sur les réalisations de la Cedeao. Quelles sont les plus emblématiques ?

L’une des réalisations concrètes de la Cedeao, c’est la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux ; le droit d’établissement ; le droit de résidence. Si vous êtes un citoyen de la Cedeao, vous pouvez vous installer partout dans l’espace communautaire sans visa ; vous pouvez exercer votre commerce sans tracasserie ; vous pouvez résider sans qu’on vous exige un permis de séjour. La Cedeao est l’une des rares communautés économiques en Afrique où vous trouvez un tel schéma. Dans les autres communautés, c’est maintenant qu’on est en train d’y penser. Une autre réalisation, c’est dans le domaine de la paix et de la sécurité. Vous êtes tous témoins que la Cedeao a joué un grand rôle dans les pays qui ont connu des guerres ou d’autres crises comme le Libéria, la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire, et actuellement le Mali et la Guinée Bissau où la Cedeao a envoyé des troupes et des missions de médiation. La Cedeao appuie aussi les Etats dans le processus électoral, soit par des dons aux Commissions électorales nationales indépendantes (CENI), soit par l’envoi des missions d’observation. En outre, la Cedeao a facilité la mise en œuvre de plusieurs projets particulièrement dans le domaine de l’énergie, des infrastructures routières, hydro-électriques, etc. Aussi, la Cedeao est présente aux côtés des Etats lorsqu’il y a des catastrophes naturelles notamment les inondations. Elle dispose d’ailleurs d’un système d’alerte précoce qui donne au quotidien des informations sur la sécurité, les catastrophes naturelles, etc. Enfin la Cedeao a une banque, la BIDC, qui finance des grands projets dans tous les domaines : santé, agriculture, éducation, infrastructures, etc. Au plan social, il ya le Tournoi de lutte africaine de la communauté (TOLAC), organisé par le Centre régional Jeunesse et sport.

Réalisée par Siradji Sanda

30 mars 2018
Source :http://lesahel.org/