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Invité de l’Onep : M. Jérôme Trapsida Oumarou, Directeur Général de l’Agence Nationale de Propriété Intellectuelle (AN2PI) « Ceux qui font de la recherche pourront trouver au centre de documentation de I'AN2PI des informations techniques »

{xtypo_quote}« Ceux qui font de la recherche pourront trouver au centre de documentation de I'AN2PI des informations techniques » M. Jérôme Trapsida Oumarou, Directeur Général de l’Agence Nationale de Propriété Intellectuelle (AN2PI){/xtypo_quote}

 

Quelles sont les activités que mène l’AN2PI et comment ?
Les activités que mène I’AN2PI dé- coulent de ses missions qui sont évoquées plus haut, à savoir promouvoir la protection de la propriété industrielle et l’innovation.
En matière de promotion de la protection de la propriété industrielle, les activités que mène l’Agence portent sur la sensibilisation des utilisateurs potentiels sur l’intérêt et l’importance de la protection de leurs créations. Pour les utilisateurs désireux de protéger leurs œuvres, l’Agence leur apporte une assistance administrative dans la formulation des demandes de protection desdites œuvres. La démarche pour la protection d’une œuvre dépend de la nature de cette dernière. Si l’œuvre est du domaine littéraire et artistique, la démarche pour assurer sa protection s’effectue auprès du Bureau Nigérien du Droit d’Auteur qui est l’institution qualifiée pour protéger de telles œuvres.

Par contre, lorsque l’œuvre relève de la propriété industrielle qui porte sur les objets que sont les inventions, les marques, les dessins et modèles industriels, les noms commerciaux, les variétés végétales, la démarche pour la protection s’effectue auprès de I’AN2PI qui assure le relais national de l’OAPI. A cet égard, l’AN2PI met à la disposition du requérant un formulaire de demande de protection et lui indique le montant de la taxe de protection qui varie selon chaque objet. A ce niveau, il est important de souligner que l’AN2PI apporte une subvention à hauteur de 80% de la taxe à payer pour spécifiquement la protection des inventions.

Dès que le requérant remplit le formulaire de demande et paie la taxe de protection, I’AN2PI établit un procès verbal de dépôt pour compléter le dossier qui est par la suite transmis à l’OAPI.

Une fois à l’OAPI, le dossier fera l’objet d’un examen de contrôle de conformité par rapport à la réglementation en la matière. Lorsque le dossier remplit toutes les conditions, l’OAPI délivre un titre de protection au requérant. La durée de la protection varie selon l’objet. A titre illustratif, elle est de 20 ans pour les inventions, 10 ans renouvelables pour les marques et noms commerciaux, 15 ans pour les dessins et modèles industriels. L’intérêt du titre de protection qui est dé- livré au requérant est qu’il lui donne des droits sur sa propriété, notamment un droit exclusif d’usage de l’objet et un droit d’interdire tout tiers d’en faire usage sans son accord. De même, le titre lui confère, selon la loi, le droit de saisir les tribunaux en cas de violation de ses droits.Les activités en matière de promotion de la protection sont accompagnées par des actions de renforcement du respect des droits de propriété industrielle à travers notamment le renforcement des capacités de la justice, des douanes, de la police. Dans le domaine de l’innovation, les activités de l’Agence portent sur la diffusion de l’information technique contenue dans les documents brevets. Cette diffusion se fait particulièrement vers le monde de la recherche à travers le centre de documentation en propriété intellectuelle qui a deux volets ; la documentation papier et la documentation digitale. Relativement à la documentation papier, l’Agence dispose de plus de dix mille fascicules de brevets dans son centre de documentation et ce, dans tous les domaines techniques, à savoir : les nécessités courantes de la vie, les techniques industrielles -transport, la chimie - métallurgie, le textile - papier, constructions fixes, mécanique – éclairage - chauffage-sautage - armement, physique et électricité.

L’unité de documentation digitale, appelée aussi centre d’appui à la technologie et à l’innovation (CATI), permet aux chercheurs et innovateurs d’accéder gratuitement à 80 millions de technologies spécifiques contenus dans des documents de brevets, 35 0000 publications scientifiques dont 22000 ouvrages à partir des bases de données de nos partenaires. Ceci est très important pour un chercheur qui travaille sur un sujet donné de se faire une idée sur l’état de la technique à partir d’un tel centre.

Au regard de l’importance des CATI, relativement à la facilitation et à l’amélioration des travaux de recherche, nous nous sommes lancés dans un processus de leur extension vers les universités de notre pays. Pour l’instant, seul le CATI de l’Université Abdou Moumouni est installé. Ceux des universités de Maradi et de Zinder sont en cours d’installation.

L’objectif à terme de l’Agence est de contribuer à la construction d’une économie basée sur le savoir et d’une culture de la propriété intellectuelle. Il s’agit, plus spécifiquement de stimuler l’usage des signes distinctifs au niveau des opérateurs économiques, agriculteurs et artisans afin d’accroître la valeur ajoutée de leurs produits. Il s’agit également de contribuer à l’amélioration du climat des affaires par le renforcement du respect des droits de propriété intellectuelle, d’introduire l’enseignement de la propriété intellectuelle à tous les niveaux. Il s’agit en fin, de diffuser les connaissances scientifiques et techniques contenues dans les documents de brevets et surtout d’amener les chercheurs et unités de recherche à protéger leurs résultats. Cette protection devrait être l’étape essentielle pour eux en matière de création de richesse et d’amortissement des dé- penses de recherche et développement. Mais la protection du résultat n’est pas une fin en soit. C’est pourquoi elle doit être suivie par la valorisation du résultat car, comme disait une personnalité, « protéger un résultat sans le valoriser, c’est construire un bateau qui ne prendra jamais la mer ». A cet égard, nous envisageons de faciliter la création d’une passerelle entre le monde de la recherche et celui des affaires, à travers l’organisation de journées de partenariat sur la propriété intellectuelle.

En quoi la propriété intellectuelle peut-elle être un soutien au développement, particulièrement pour un pays comme le nôtre ?
Permettez- moi de me référer d’abord aux pays appelés BRICS et particulièrement à la Corée du Sud où l’on trouve dans la littérature qu’ils étaient pour la plupart au même niveau de développement que certains pays africains dans les années 60. Après des décennies, ces pays ont su se démarquer pour être appelés des pays émergents. En effet, de pays exportateurs de matières premières, ils sont arrivés à inverser cette position, grâce notamment à une intensification de la recherche et de l’innovation, le tout soutenu par une exploitation judicieuse de la propriété intellectuelle. Ces choix en matière de politiques publiques leur ont permis d’assurer un transfert de technologie pour produire des biens manufacturés et plus tard de biens d’équipements. Ainsi, de pays exportateurs de matières premières, ils sont devenus des pays producteurs et exportateurs de produits manufacturés et de biens d’équipements. Ils se placent aujourd’hui en vrais concurrents des pays traditionnellement industrialisés sur le marché mondial.

C’est dire que les pays qui dominent l’économie mondiale, sont ceux qui ont mis l’innovation technologique et la propriété intellectuelle au cœur de leurs stratégies de développement. En effet, c’est à travers l’utilisation de la propriété intellectuelle et de l’innovation technologique, que leurs entreprises produisent davantage, moins chers, vendent plus et accroissent leurs parts de marché chaque jour. Toutefois, un tel choix en matière de politique publique ne saurait être une fin en soi. Encore faudrait- il que es pays se dotent de capacités nationales capables de transformer les informations techniques contenues dans les documents de brevets en produits commercialisables. Chaque année se sont des millions de document de brevets qui sont publiés dans le monde. Si nous prenons l’année 2016, sur plus de 3 127 900 documents de brevets publiés dans le monde entier seulement 505 sont proté- gés à l’OAPI. Ce qui veut dire que les 3 127 395 documents de brevets restant et les millions de documents de brevets tombés dans le domaine public sont libres d’exploitation dans les pays membres de l’OAPI.

Malheureusement, par manque de capacité nationale de production, cette mine de solutions techniques reste inexploitée. Par conséquent, pour que la propriété intellectuelle puisse être un véritable instrument de développement, il serait important, de mon point de vue, que les pays se dotent, au préalable, de capacités nationales, promptes à exploiter commercialement la documentation brevet. Par exemple, dans la littérature, on dé- couvre que la France a développé son expertise en matière d’énergie nucléaire, dont elle est parmi les leaders mondiaux, à partir de deux contrats de licences de brevets appartenant aux sociétés WESTING HOUSE ELECTRIC CORPORATION et GENERAL ELECTRIC, toutes deux américaines. Dans ce domaine, la France a su judicieusement exploiter la propriété intellectuelle contenue dans ces brevets, ce qui lui a permis de développer à son tour, d’autres innovations en matière d’énergie nucléaire et de les protéger par des brevets.

L’Inde est arrivée à construire et consolider une industrie pharmaceutique, grâce à sa capacité d’exploitation des brevets de médicaments. En fonction des choix stratégiques, notre pays peut aussi asseoir un développement à partir de l’innovation et de la propriété intellectuelle. Si nous prenons par exemple dans le domaine du labourage dans les champs de mil, la quasi-totalité de nos paysans sont au stade de l’utilisation de la hilaire, bien qu’on note l’introduction de programmes de mécanisation à travers l’utilisation de tracteurs. Avec l’usage du tracteur, vous constatez comment on a opéré une grande rupture en passant de la hilaire au tracteur ? Est-ce que les paysans sont à même de s’adapter à ce bon technologique qui, de mon point de vue, est très important en termes de progression. Audelà du coût de la technologie, donc de son accessibilité, les paysans ont-ils la capacité de faire face aux coûts d’exploitation, de maintenance et de pérenniser leur utilisation ? Je n’en suis pas sûr.

Tout ceci pour faire remarquer qu’entre la hilaire et le tracteur, il existe beaucoup de technologies intermédiaires motorisées, moins coûteuses, maîtrisables, adaptables, faciles d’utilisation et dont les informations techniques sont décrites dans des documents de brevets mis à la disposition du public.

Pour revenir à votre question, la propriété intellectuelle, comme nous venons de l’illustrer, peut soutenir le développement de notre pays. Pour le cas du labourage, si nous possédons des capacités de production nationales, l’exploitation des informations techniques contenues dans les documents de brevets pourrait permettre, de mon point de vue, de déclencher une véritable mécanisation de l’agriculture à travers la production locale et la diffusion de petites technologies appropriées.

Au-delà du rôle qu’elle peut jouer en matière de développement technologique, la propriété intellectuelle pourrait soutenir la valorisation des produits de notre artisanat à travers les dessins et modèles industriels et surtout la valorisation des produits agricoles et d’élevage. Je saisi d’ailleurs cette occasion pour féliciter le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage pour ses actions importantes qui ont permis de réaliser des avancées considérables dans la labellisation de l’oignon et du kilichi.

Quel message avez-vous à lancer à l’endroit de vos partenaires et des acteurs de la propriété intellectuelle ?
Notre message à l’endroit de nos partenaires et des acteurs porte surtout sur un appel que nous lançons à l’endroit des chercheurs, étudiants, opérateurs économiques et artisans. Pour ceux qui font de la recherche, ils pourront trouver au niveau du centre de documentation de I’AN2PI des informations techniques relevant du domaine de leur recherche. Pour ceux qui mettent au point des œuvres, l’AN2PI est à leur disposition pour les accompagner dans la procédure de protection desdites œuvres.
Interview réalisée par Siraji Sanda et Aziz Souley Ibrahim

09 février 2018 
Source : http://www.lesahel.org/


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