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Saidou Halidou, Directeur Général de la Décentralisation et des Collectivités Territoriales : «Les élus doivent créer les conditions d’une meilleure gouvernance locale, plus transparente et plus inclusive qui place l’intérêt des citoyens au cœur de leurs

Au-delà donc de la symbolique que j’évoquais tantôt, cette cérémonie est l’expression d’une volonté politique forte des autorités de la 7eme République, notamment de SE Monsieur Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l’Etat, qui à travers cet acte et ses nombreuses actions orientées vers le local, donne un contenu à notre processus de décentralisation.

Par cette dynamique de responsabilisation désormais enclenchée, l’intention affichée par les autorités est de faire des collectivités territoriales, des institutions locales crédibles, capables d’accompagner les efforts des ministères sectoriels dans la mise en œuvre de leurs politiques au niveau local. Il s’agit donc de faire des communes et des régions des acteurs associés de la mise en œuvre des politiques publiques, afin de compléter et de pérenniser les efforts de l’Etat au niveau local.

Du reste, SE Monsieur le Président de la République a tenu à rehausser l’éclat de cet évènement en rencontrant l’ensemble des acteurs de l’Administration territoriale venus pour la circonstance. Au cours de cette rencontre, le Président de la République est revenu avec force détails sur les domaines objets de transfert, et a tenu à souligner leur importance dans la vie des populations et leur place de choix dans les priorités du Programme de Renaissance.

C’est pour dire que, avec cette première vague de transfert, la décentralisation a trouvé son bon ancrage et qu’elle fait partie des principaux centres d’intérêt des plus hautes autorités. Il reste aux collectivités territoriales et à l’ensemble des acteurs locaux d’en prendre la pleine mesure et de se ressaisir.

Quels sont les domaines qui sont concernés par le transfert de compétences et comment en termes clairs cela va-t-il se faire ?
Il faut dire que ce n’est pas spontanément que le Gouvernement a énuméré les domaines. L’identification desdits domaines a été le résultat d’un processus de recherches, de réflexions et d’analyses à travers diverses études et ateliers dont les premières ont débuté en 2006, un an après l’installation officielle des communes. Je me rappelle que la première étude avait été engagée en 2006 avec l’appui de l’Union Européenne, dans le contexte de démarrage des communes. Pour cette première étape, quatre (4) domaines sont concernées, à savoir l’hydraulique et l’assainissement ; la santé ; l’éducation et l’environnement.

Dans le choix de ces domaines de compétences à transférer, une considération a primé au niveau du Gouvernement: c’est d’abord la faisabilité immédiate des compétences retenues et leur correspondance à des besoins identifiés comme de première ligne. La démarche a consisté à retenir les compétences dont les attributions ont un sens pour les communautés rurales, celles qui font partie de leurs problèmes quotidiens, et autour desquelles elles peuvent s’investir individuellement et collectivement parce que coïncidant avec leurs préoccupations de tous les jours.

Dans le cadre de cette approche réaliste et pragmatique, l’idée force est non seulement de s’appuyer sur l’existant, autrement dit ce que font déjà les collectivités territoriales en dépit de leur faiblesse, de composer avec lui, mais surtout d’en tirer partie, de manière aussi à désarmer les craintes et d’inciter les acteurs à une concertation indispensable, mais encore très peu pratiquée.

C’est pourquoi, vous constaterez que les communes et les régions ont été responsabilisées dans ce qu’elles peuvent faire, qu’elles savent faire, et qu’elles font déjà, généralement avec l’appui de certains partenaires, dans le cadre de la mise en œuvre de divers Projets et Programmes de développement, dans le secteur rural notamment.

Il faut préciser à ce niveau que l’objectif final n’est pas le transfert pour le transfert, ou de passer «du tout Etat» au «tout collectivités territoriales». Il s’agit plutôt d’opérer de manière pragmatique et pédagogique afin de créer les conditions à travers lesquelles les collectivités territoriales, dans une dynamique de responsabilisation progressive, vont participer et concourir avec l’Etat, à la délivrance d’un meilleur service de proximité aux populations. C’est du reste, ce que la loi a prévu, mais en reconnaissant ouvertement leur maitrise d’ouvrage.

Le transfert de compétence est une responsabilisation soutenue des collectivités par l’Etat. Est-ce que selon vous les communes regorgent aujourd’hui des compétences capables d’assumer ces nouvelles responsabilités ?
Comme je l’indiquais tantôt, les communes et les régions ont été responsabilisées dans des domaines qui ne leur sont pas en réalité nouveaux. D’une manière ou d’une autre, peut-être modestement, sur leurs ressources propres, ou avec l’appui de leurs partenaires, la plupart des communes et des régions interviennent dans le domaine de l’eau, de l’assainissement, de l’éducation tous degrés d’enseignement confondus, y compris l’organisation des examens du BAC, de la santé et de la gestion de l’environnement, notamment dans le cadre de la gestion des ressources naturelles. Dans tous ces domaines, d’importants acquis ont été enregistrés dans le cadre de diverses expériences de responsabilisation des communautés à la base, et qu’il faut absolument capitaliser dans une perspective de pérennisation, en les reversant aux collectivités territoriales. Il est évident que, dans le contexte de leur démarrage, beaucoup de communes rurales notamment ne disposent pas de toutes les capacités techniques, en termes de ressources humaines nécessaires à l’exercice de leurs responsabilités. Pour cela, il va falloir composer avec la collaboration et l’accompagnement des services déconcentrés de l’Etat que la loi met à leur disposition.

Sur ce point, les ministères dont les compétences ont fait l’objet de transfert donneront les instructions administratives adéquates à leurs agents locaux pour mieux organiser cette collaboration avec les collectivités territoriales. Il faut néanmoins rappeler que cette forme de partenariat entre les services locaux de l’Etat et les collectivités territoriales existe déjà sur le terrain, même si elle reste largement à parfaire. Mais au-delà du recours aux agents et moyens de l’Etat, ces collectivités auront particulièrement besoin d’un minimum de prise de conscience par rapport aux nouveaux enjeux qu’implique le transfert des compétences, d’une plus grande organisation des acteurs, d’un suivi régulier des services compétents et d’un engagement citoyen conséquent des populations.

Il a été toujours dit qu’au Niger, certaines communes ne sont pas viables. Comment faire pour que ce transfert de compétences ne soit pas un vain mot au niveau de ces communes ?
Je pense qu’il faut relativiser la notion de viabilité des communes, car je ne crois pas qu’il y ait au Niger des communes qui ne seraient pas viables, dès lors qu’elles sont composées d’habitants dont elles constituent les lieux de vie, d’expression de sentiment d’appartenance et auxquels ces populations s’identifient. Il faut cependant relever que même si le législateur les a créées sur la base d’un principe d’égalité de droit et de statut, les communes nigériennes ne s’équivalent pas, du fait de certaines disparités préexistantes que l’on ne peut méconnaitre et que l’on doit à terme prendre en compte dans le cadre d’une approche plus volontariste de développement et d’aménagement du territoire. C’est d’ailleurs cette perspective que prévoit la Constitution lorsqu’elle dispose à son article 165 que « l’Etat veille au développement harmonieux de toutes les collectivités territoriales, sur la base de la solidarité nationale, de la justice sociale, des potentialités régionales et de l’équilibre interrégional ».

Ainsi, dans la dynamique des territoires, comme dans le monde des humains, il y a des plus riches, des riches et des moins riches, dès lors que la nature et dans certains cas les politiques ont créé des disparités entre les différents milieux de vie que constituent les parties du territoire, d’où la nécessité de s’inscrire résolument dans une démarche plus globale et volontariste d’aménagement du territoire.

Mais en dépit des disparités que j’évoquais tantôt, ces communes ont toutes et chacune un potentiel, une richesse, souvent pas très apparente, qui n’est pas toujours visible, par le regard généralement très lointain et hautain de l’administration centrale. Il appartient donc aux acteurs locaux que la décentralisation met en place de déceler ce potentiel et de le mettre en valeur. C’est pourquoi, il va falloir miser principalement sur les intelligences et les capacités d’initiatives de l’ensemble des acteurs présents sur le territoire communal. Cela bien entendu doit être complété par l’appui de l’Etat et de ses partenaires.

Quel est le comportement que les élus locaux doivent avoir pour donner une chance de réussite à ce transfert de compétences et de ressources aux collectivités territoriales ?
Les élus doivent créer les conditions d’une meilleure gouvernance locale, plus transparente et plus inclusive qui place l’intérêt des citoyens au cœur de leurs actions. Ce faisant, ils créeront ainsi les conditions d’une plus grande appropriation sociale des collectivités qu’ils gèrent et, conséquemment, l’émergence d’une citoyenneté locale responsable avec des citoyens qui deviendront des contribuables consentants, qui s’acquittent régulièrement et spontanément de leurs obligations civiques, fiscales et sociales vis-à-vis desdites collectivités. C’est dire au total que le rôle et les comportements des citoyens au plan individuel et collectif reste aussi déterminant que l’attitude des élus quant au succès de la mise en œuvre des responsabilités transférées aux communes et aux régions qui, il faut le préciser, engagent l’ensemble des populations vivant au niveau de ces collectivités.

Le Premier ministre a annoncé l’adoption dans les prochains jours d’un Plan de transfert. Quelle est la nécessité de ce plan à ce stade du processus ?
Toute la dynamique de la décentralisation nigérienne est encadrée par deux principes, à savoir la «progressivité du transfert des compétences et l’effectivité de la mise en œuvre des compétences transférées». Le plan de transfert auquel SE Monsieur le Premier Ministre fait allusion s’inscrit dans cette prévision du législateur nigérien qui, à travers l’article 7 du Code général des Collectivités Territoriales, prévoit que «le transfert des compétences aux communes et aux régions s’opère selon un plan graduel, fixé par décret pris en Conseil des ministres». Ce plan de transfert qui est actuellement en cours d’élaboration sera assorti d’une feuille de route de transfert des ressources de l’Etat aux collectivités territoriales, et sera soumis à l’adoption du Gouvernement et sera arrimé au Plan de développement Economique et Social (PDES) 2017-2021. L’intérêt de ce plan prévu par la loi est de mettre à la disposition du Gouvernement un outil de gestion pour servir de tableau de bord, permettant aux pouvoirs publics, aux collectivités elles-mêmes et à leurs partenaires, d’apprécier la progressivité des transferts, mais également de suivre et de mesurer le niveau d’effectivité de la mise en œuvre des compétences transférées. Comme quoi, l’Etat n’entend pas laisser les collectivités territoriales à l’abandon dans la mise en œuvre des compétences transférées.

C’est dire au total qu’avec l’adoption du plan de transfert des compétences et de la feuille de route des transferts des ressources, c’est un véritable partenariat Etat-Collectivités territoriales qui se mettra en place. Ce partenariat devra jouer aussi dans la corrélation transfert des compétences-transfert des ressources, qu’il faudra aménager de façon pratique et claire, sous peine de blocage du transfert des compétences par le non transfert des ressources.

Réalisée par   Oumarou Moussa(onep)
15 septembre 2017
Source : http://lesahel.org/