Skip to main content

Accueil

Honorable Djermakoye Adiza Seyni, Présidente d’honneur du réseau des femmes parlementaires du Niger, présidente du réseau des femmes parlementaires du CIP G5 Sahel, présidente du Réseau parlementaire de lutte contre la mendicité organisée

«Sans une synergie d’actions, nous ne pouvons pas atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour le bien-être social, économique et politique de la femme au Niger»

 

Mme la députée, la journée internationale de la femme est célébrée chaque 8 mars dans le monde, quel regard portez-vous sur la situation de la femme nigérienne  aujourd’hui ?

Merci beaucoup. C’est vrai la journée internationale de la femme est célébrée le 8 mars. La femme nigérienne n’est pas restée en marge de cet évènement. C’est une femme qui se bat dans un climat qui n’est pas toujours favorable à son évolution. Donc les femmes font de leur mieux aujourd’hui. Elles continuent de se battre et elles sont à saluer.

Malgré les progrès réalisés relativement à la situation de la femme au Niger, celle-ci fait face encore à des difficultés liées notamment à l’accès à la terre, l’accès au crédit bancaire…qui sont aujourd’hui des préoccupations majeures ?

C’est vrai, ce sont des grandes préoccupations, mais à plusieurs niveaux. Si vous prenez par exemple l’accès à la terre, c’est purement culturel. Dans certaines localités, les femmes n’ont pas droit à la terre, dans d’autres, elles ont parfaitement droit à la terre. Mais au moment de faire le partage ce n’est pas respecté parce qu’on se dit que les femmes ne vont  pas cultiver. Or, dans certaines régions du Niger, la femme cultive la terre. Dans d’autres régions d’ailleurs, pendant la saison des pluies, les hommes sont absents, ils sont en exode et ce sont les femmes qui se débrouillent pour cultiver la terre afin de nourrir toute la famille. Dans ce cadre, il y a des lois  que nous femmes, devrons tout faire pour les faire voter afin que les femmes puissent avoir accès à la terre. Les organisations féminines doivent vraiment voir de ce côté. Par rapport au crédit bancaire, au début, le premier problème était lié aux actes d’état civil comme les actes de naissance, les cartes d’identité nationale que certaines femmes rurales n’ont pas. Aujourd’hui, avec les groupements féminins, les ONGs et les associations, les femmes  s’organisent pour résoudre ce problème. Mais il se pose encore le problème de caution. Et les crédits qu’on donne aux femmes, ne sont pas assez suffisants, c’est minime. Par exemple, on donne à la femme un crédit de trente mille (30.000) FCFA. Son enfant tombe malade. Qu’est-ce qu’elle va faire ? Est-ce qu’elle va faire une activité génératrice de revenus ou bien, elle va soigner son enfant ? Donc, il faut que les mutuelles et autres revoient l’assiette des crédits alloués aux femmes. Avec la cherté de la vie, même les matières premières coûtent chères. Ainsi le sac de farine de blé est à 55.000FCFA. Face à tout cela, nous sommes en train de voir comment aider les femmes, les sensibiliser pour avoir leurs actes d’état civil. Et il y a beaucoup de paramètres qui entourent ces deux activités.

Vous voulez dire que cette situation préoccupe beaucoup les représentantes des femmes à l’Assemblée?

C’est une véritable préoccupation pour nous femmes leaders. Parce qu’avant d’être députée, nous étions d’abord une femme leader. C’est vraiment une grande préoccupation pour nous et je pense qu’au niveau des villes, des communes, la situation est en traind’évoluer.

Relativement à la terre, à l’allocation de ressources pour exercer des activités, les femmes sont traitées autrement. Quand est-il au niveau de la représentation nationale. Est-ce que les femmes parlementaires ont les mêmes possibilités que les hommes ?

Si vous prenez le bureau de l’Assemblée nationale, aujourd’hui, il y a six vice-présidents dont aucune femme parmi eux. Seulement une femme est présidente d’une commission. Au niveau de chaque parti politique ou regroupement de partis politiques, vous n’avez également aucune femme comme présidente de groupe parlementaire. Les femmes sont dans les réseaux alors que le réseau n’est pas financé par l’Assemblée nationale. Les réseaux sont comme des Ongs, c’est des associations où les femmes qui sont présidentes doivent se battre pour monter des dossiers afin d’avoir des financements. Deuxième chose, le quota n’est pas respecté s’agissant des missions. C’est pourquoi, je pense qu’on doit changer de comportement, on doit s’imposer, les hommes ne nous donnent jamais une chose. Ils ne nous donnent jamais facilement les choses sur un plateau d’or. Il faut qu’on se batte, il faut qu’on montre que nous existons, il faut qu’on se dise que nous aussi nous avons droit. Le président de l’Assemblée fait certes beaucoup, mais il nous revient aussi de faire le combat.

Mais est-ce qu’une femme a la possibilité de proposer par exemple une loi, d’interpeller tel ou tel ministre  comme les hommes députés ?

Oui, toutes les femmes ont le droit de faire des propositions de lois. Je crois qu’il y a des femmes qui ont même essayé. Les femmes peuvent faire tout ce qu’un homme député peut faire.

Quelles sont alors concrètement les difficultés que les femmes parlementaires rencontrent à l’hémicycle ?

La véritable difficulté des femmes à la représentation nationale est le manque de synergie d’actions. Tant que nous ne parlons pas le même langage, tant que nous ne regardons pas dans la même direction, nous allons toujours être confrontées à des problèmes. Plus précisément, il faut que le problème d’une femme soit celui de toutes les femmes. Nous devons aussi être très vigilantes. Avoir la cohésion, la synergie d’actions et nous devons être solidaires si nous voulons que tout avance, pas seulement au niveau de l’Assemblée, mais au niveau surtout de toute la lutte féminine.

Dans le domaine politique surtout, il semble que les femmes ont quelques soucis pour évoluer ?

Nous avons des problèmes qui, à mon sens, partent déjà des QG des partis politiques. Même le respect des quotas part de là-bas. Des fois tant que la femme n’a pas de parrain politique, elle ne peut pas évoluer. Je pense que la femme doit d’abord savoir qui elle est, pourquoi, elle fait la politique et avoir des objectifs bien clairs. Nous avons des problèmes au niveau des partis politiques où, il y a des décisions qui se prennent à 2H, 3 H du matin. Et en ce moment, les femmes ne sont pas là. En plus, rares sont les partis politiques où, vous allez voir une femme vice-présidente. Elles sont toujours reléguées au poste de présidente des femmes du parti, des postes créés uniquement pour la femme. Pourtant une femme peut diriger un parti politique. Pourquoi ne pas donner aux femmes des postes de responsabilité depuis le niveau des partis politiques ? Donc là aussi, il faut s’imposer. S’ils sont là  jusqu’à 3 H du matin,  puis que c’est un choix que nous avons fait, restons jusqu’à 5 H du matin pour que les décisions soient prises devant nous. Aussi, le parrainage politique freine beaucoup la femme. C’est-à-dire être dans le parti parce que le grand frère, le père, la famille a fait le parti. Il faut que les femmes commencent à regarder les programmes des partis politiques. Quel est le candidat qui a un programme en bonne et due forme pour la femme et l’enfant ? Tant que les femmes ne se mettent pas au niveau des prises de décisions, ça va être difficile, très, très difficile pour nous. Le combat est là, les femmes le font tous les jours, on évolue tous les jours. Par exemple à l’Assemblée, nous voudrons venir à la parité. Pour moi en tout cas, il nous faut la parité au Niger. Je suis contre le quota, mais sans le quota, il n’y aura pas de femme à l’Assemblée nationale parce que pour les hommes, à un certain âge, les femmes ne doivent pas faire de la politique. Alors qu’on sait que même pour garder une famille, il faut faire une politique, pour garder le mari, il faut aussi faire une politique.

En somme Madame la députée, on parle de progrès dans la situation sociale, économique et politique de la femme au Niger, mais apparemment, il reste beaucoup à faire ?

Il reste beaucoup à faire. Aujourd’hui au Niger, il n’ya pas une étude qui parle de l’apport de la femme dans l’économie du Niger. Pourtant nous avons des femmes qui font des affaires, qui investissent des millions et des millions dans le business.

Mais à qui la faute, quand on sait qu’au Niger, il y a beaucoup de femmes qui travaillent dans les ONGs, groupements et associations pour l’autonomisation des femmes ?

Bien sûr, comme vous l’avez dit, beaucoup de femmes travaillent et s’organisent pour l’autonomisation de la femme au Niger et c‘est vraiment à saluer ce qui se passe aujourd’hui dans ce domaine dans notre pays. Il reste seulement à rendre public cet apport combien important de la femme dans l’économie du Niger. Et je pense que ça va encore aller plus avec les autres actions parallèles menées en matière de scolarisation de la jeune fille, de création d’associations et autres structures des femmes et la détermination des femmes à faire toujours plus.

Justement avez-vous un message particulier à adresser aux femmes du Niger ?

Le message particulier que j’ai à adresser aux femmes, je répète, c’est la synergie d’actions. Sans une synergie,d’actions, nous ne pouvons pas atteindre les objectifs que nous nous sommes fixées pour le bien-être social, économique et politique de la femme au Niger. Les femmes leaders travaillent dans cet esprit et il est important que nous œuvrions ensemble dans l’atteinte de ces objectifs pour le bien de toute la nation nigérienne. Quand une femme a un problème, les autres doivent se mobiliser pour l’aider. Aujourd’hui, nous avons des femmes qui sont en prison, des filles mineures qui sont en prison, que devrons nous faire pour que cela ne se répète pas. Et tout ce travail incombe aux femmes leaders, aux femmes politiques, aux femmes ministres, aux femmes parlementaires, aux femmes ambassadrices. Déjà, nous avons créé le réseau des femmes ministres et ambassadeurs africaines et je pense que ce réseau peut faire beaucoup de choses.

Par Fatouma Idé(onep)

Source : http://www.lesahel.org