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M. Ismaël Barmou, Directeur général de la Société de Transformation Alimentaire (STA) : « On peut dire que nous nous acheminons vers la reprise des activités de la STA afin de contribuer au développement de notre pays»

Monsieur le directeur général de la STA, quelle est la pertinence de la création d’une société comme la vôtre au Niger où les entreprises sont confrontées à des défis multiples ?

En 2000-2001, la première promotrice de la société est Mme Fatchima Daddi Gaoh qui est pharmacienne de formation, fabriquait ou en tout cas vendait dans sa pharmacie une petite farine qui s’appelait Vitamil qui est une farine à base de mil, de niébé, de quelques intrants céréales qu’on trouvait au Niger localement et que des dames qui étaient handicapées faisaient dans le cadre d’une ONG qui s’appelait Caritas à l’époque. Malheureusement, à la fin de cette ONG, l’activité n’a pas pu survivre d’elle-même. Ce qui s’est passé, c’est que le produit qui était disponible dans les pharmacies pour les bourses faibles à même de se procurer des produits haut de gamme, il y avait en palliatif ce produit qui était accessible. Lorsque la subvention s’est arrêtée, les pharmacies se sont retrouvées en rupture et les personnes qui venaient acheter habituellement ce produit avaient commencé à se plaindre et même de s’inquiéter.  Il n’y avait pas de solutions pour elles et surtout pour les enfants qui consommaient cette farine à l’époque. C’est ainsi que la promotrice de la pharmacie qui était Fatchima Daddi Gaoh s’est dit voilà un  produit qui pourrait de par la portée qu’il a résoudre les problèmes nutritionnels dont souffrent les enfants au Niger. A chaque fois que ces dames venaient demander ce produit, elle avait du mal à dire qu’il n’y a pas. Cela lui donnait un  pincement au cœur. Elle avait approché l’ONG  pour avoir les raisons qui expliquaient pourquoi ce produit était en rupture. L’ONG a expliqué clairement à Fatchima Daddi Gaoh qu’elle était en cours de programme, plus de subvention et donc fin d’activités. Les responsables de l’ONG lui ont dit madame si cette activité vous intéresse, nous sommes prêts à vous vendre le fonds de commerce pour que vous en fassiez une activité commerciale. Voilà comment la STA a été créée en 2001 sur les méandres de cette petite activité de farine infantile. La crise alimentaire de 2004-2005 a été un grand tournant dans la vie de la Société de Transformation Alimentaire. Les acteurs qui étaient localement présents ont tardé sans pointer du doigt à faire intervenir l’urgence internationale. Lorsqu’une crise est déclarée, le moment où il faut passer les commandes, le transport, la logistique etc., le temps est très long et l’impact et l’incidence sont beaucoup grands. Ils se sont dit qu’on va trouver une solution de réponse locale en attendant que les gros moyens se déploient au niveau international. La question que ces acteurs se sont posées était de savoir est-ce que nationalement le Niger peut être capable de trouver des réponses sur des problématiques nutritionnelles rapides sur le marché. Voilà comment des organismes internationaux tels que l’UNICEF,  Médecins sans Frontières le Programme Alimentaire Mondiale ont scanné l’environnement pour voir qui faisait quoi. C’est ainsi qu’ils sont tombés sur cette farine. Ils lui ont dit que cette farine est bien et qu’ils ont un aliment de traitement thérapeutique pour faire un produit nutritionnel pour les enfants parce qu’ils ont un besoin crucial au Niger.

Pouvez-vous présenter à nos lecteurs la STA et son évolution de sa création à nos jours ?

 La société de Transformation Alimentaire (STA) voit le jour en 2001 et se consacre depuis à la production de solutions nutritionnelles destinées à traiter la malnutrition au Niger et dans la sous-région. Elle fabrique et commercialise les produits de la gamme Plumpy, en vertu d’un accord de franchise avec Nutriset, notamment Plumpy Nut (Aliment Thérapeutique Prêt à l’Emploi) destiné au traitement de la malnutrition aigüe sévère, et le Plumpy Sup (Aliment de Supplémentation Prêt à l’Emploi) pour la malnutrition modérée. Elle produit aussi le Vitamil qui est une farine de bouillie pour le sevrage des enfants à partir de 6 mois. Depuis 2009, ce sont pas moins de 2 170 000 enfants nigériens qui ont pu bénéficier de nos produit de traitement, et plus de 1 300 000 enfants qui ont bénéficiés de nos produits de supplémentation. La STA était arrivée dans une phase de forte expansion, avec l’installation de nouvelle technologie dans son processus de fabrication, ce qui lui a permis d’augmenter en conséquence sa capacité de production actuelle et la qualité de ses produits.

Depuis 2005, la STA fait partie d’un réseau de producteurs des pays du Sud unique en son genre : le réseau Plumpy Field. Cette alliance d’entrepreneurs repose sur un objectif commun : rendre accessibles des produits de traitement de la malnutrition répondant aux standards internationaux de qualité avec un mandat original : celui de l’autonomie nutritionnelle pour tous. En ce sens l’entreprise cadre parfaitement avec l’objectif d’un des axes défini dans le cadre de la politique des 3N.

En effet, l’engagement de la STA repose sur son activité qui est principalement dédiée aux programmes nutritionnels humanitaires et sociaux. Le but premier de la STA S.A est de répondre aux attentes des acteurs humanitaires et à celles de nos partenaires. Ainsi, la STA S.A s’est engagée à mettre en place, maintenir et développer un système de Gestion de la Qualité.

Par ailleurs, il faut dire que la STA est reconnue dans sa démarche qualité. Elle est l’une des premières entreprises dans ce domaine à être certifiée ISO 9001 version 2015, et la 1ère certifiée ISO 22000 version 2005 au Niger. Aussi, elle est auditée et validée chaque année par le système de qualité des Nations Unies dont le dernier passage remonte à Février 2018, avec des auditeurs de MSF et Save The Children pour leur compte. 

Du point de vue organisationnel, la STA compte aujourd’hui 112 employés permanents. Elle emploie aussi des employés journaliers et des saisonniers (plus de 200 personnes) qui sont en majorité des femmes que l’entreprise inscrit dans le cadre des AGR (Activités Génératrices de Revenus), et impacte plus de 8000 producteurs d’arachide au Niger. En termes de capacité de production, il faut dire que la STA produisait 10 000 tonnes de produits commercialisés en 2020 et 2021 et 5 000 tonnes d’arachide locale transformée pendant la même période.

Quelles sont les principales contraintes auxquelles la société de Transformation Alimentaire est confrontée ?

Permettez-moi de faire marche en arrière pour parler des contraintes au moment où nous étions en production. Il faut que lorsqu’on produit on paie des droits de douane et des impôts sur les intrants qui constituent des produits utilisés pour faire la formulation du produit fini. Or lorsque vous comparez dans l’environnement, les aliments qui sont constitués et classés dans les segments humanitaires ne sont pas assujettis à la taxation d’autant plus qu’ils sont utilisés par des organisations et des institutions internationales qui ont des conventions de fiscalisation à cause de l’aide et de la nature du soutien qu’ils apportent au pays. Donc nous qui sommes localement basés, on a eu beaucoup de problématiques de compétitivité parce que lorsqu’on achète par exemple un complexe vitaminé qui est une composante de la formule finale, on paie de la TVA et du droit de douane. Cela veut dire qu’en termes de compétitivité au niveau des appels d’offre, on se retrouve pénaliser en termes de prix du fait de la cherté du produit qu’on propose comparativement à nos concurrents internationaux. Nous pensons que la fiscalité doit avoir une sorte de cohérence générale dans l’environnement. Lorsque les entreprises nigériennes sont compétitives, cela vaut plus de croissance, de richesses, de création d’emplois et plus de retombées dans les caisses de l’Etat. Nous avions eu aussi une tension de trésorerie parce que lorsque vous avez un conteneur de matières premières, le temps d’acheminement et celui de la transformation, il se passe quasiment six (6) mois avant que vous ne puissiez vendre et facturer.

Une autre difficulté à laquelle nous faisions face pendant l’activité, c’était le problème de laboratoire. On n’avait pas d’organe de vérification certifié dans l’environnement de la production agricole ou transformation agricole au Niger. Donc on s’est retrouvé obliger d’envoyer nos échantillons jusqu’à l’étranger notamment en l’Allemagne, en France en Belgique pour que les organes certificateurs vérifient le produit avant de le renvoyer avec bien attendu une certification. Cette étape prend énormément de temps sans compter le coût qu’elle induit dans le budget de fonctionnement de notre entreprise. On peut évoquer aussi les contraintes liées à  la problématique des infrastructures routières. Il y a aussi le problème de la fiscalité et de façon générale lorsque vous regardez les impositions qui sont faites sur le transport interne qui n’est pas une imposition qui est faite sur le transport en dehors du cordon. Le code d’investissement qui a perdu un peu de sa substance.

 Quels sont les principaux clients et partenaires de la STA ?

Le plus gros de notre  activité est axé sur l’humanitaire. De ce fait, nos clients sont entre autres : Médecins sans frontières, Unicef et le Programme Alimentaire Mondiale.  Nous avons également quelques gammes de produits qui vont sur le segment commercial. Elles sont moins importantes en quantité de volume, mais nous avons aussi des gammes des produits en plus de tout ce qui est de plumpy Nut  et plumpy Nut sud. C’est le cas de la farine qui s’appelle vitamine plus qui est distribuée dans les canaux des pharmacies et au niveau de certains grossistes et point de vente. Nous avons aussi une autre gamme que nous avions lancée, il s’appelle grandit bien qui est un produit disponible au grand public. Il faut spécifier que les gammes qui sont uniquement à destination des organisations internationales ne sont pas des produits commerciaux, donc ces produits passent par des canaux qui doivent normalement suivre un circuit qui est spécifique à la règlementation nigérienne sur la prise en charge de la malnutrition et donc qui passe par les canaux du ministère de la santé jusqu’à l’accessibilité de l’enfant sur le terrain.    

La Société de Transformation Alimentaire (STA) est une société spécialisée dans l’agro-alimentaire en l’occurrence la production et la commercialisation d’un produit communément appelé  Plumpy Nut, un  complément nutritionnel, quels sont vos moyens et capacités de production dans ce domaine où même si vous avez de la concurrence, elle n’est pas de taille ?

C’est que je peux dire, nous avons un outil de production quasiment de 3,5 milliards d’investissement en termes d’équipements uniquement. Nous avons un bâtiment qui n’est peut-être plus aux normes industrielles mais qui nous a coûté un peu en termes d’investissement. Nous avons une capacité de production de 7000 tonnes que nous avions produites en 2020 avec un chiffre d’affaires qui s’élevait jusqu’à 10 milliards. On a également un manuel de production de qualité qui complète l’outil de production et cela se fait via des certifications en termes de qualité, des certifications ISO9001, ISO22000. On a également la certification du certificateur du système des Nations Unies. C’est un système conjoint où le PAM, Unicef, Médecins sans frontières et d’autres organisations internationales mettent un pôle d’auditeurs qui vient valider chaque année l’outil de production et une usine de production avant de pouvoir vous dire que vous êtes validés et vous pouvez mettre  le produit à la  disposition de vos clients. 

Quelles sont les perspectives qui se présentent aujourd’hui pour la STA ?

Je vous ai dit tout à l’heure que l’avenir était très assombri, on aurait eu cette interview, il y a à peine un mois et demi ou deux mois, je ne vous aurais pas tenu du tout le même discours parce que on était en train de discuter de la fermeture de l’entreprise. Malheureusement, on est passé avant d’arriver à ce stade du licenciement primitif économique parce qu’on ne peut plus tenir d’autant plus qu’on n’a pas produit depuis plus de 10 mois.  On a encore un peu d’argent dans les caisses du trésor qu’on a du mal à recouvrer. Mais il y a un mois, il s’est tenu une assemblée extraordinaire de la STA où la majorité des associés ont décidé de ne pas laisser l’entreprise coulée. Ils ont décidé de permettre des moyens pour reprendre dans les plus brefs délais la production et les activités. On peut dire que nous nous acheminons vers la reprise des activités de la STA afin de contribuer au développement de notre pays. Toutes les équipes sont en train de présenter une stratégie auprès des institutions financières, des banques, des acteurs pour qu’on puisse les convaincre du bien-fondé de notre projet. La STA était l’un des plus gros fournisseurs mondiaux en termes d’intrant thérapeutique. La production mondiale est à peu près 50 et 60 tonnes l’année. La STA quand elle fait 7000 tonnes, c’est entre 10, 12, 13% de la production mondiale. Donc vous voyez ce que ça représente et c’est fait au Niger. Il n’y a pas plus d’une trentaine de producteurs mondiaux qui sont dans cette activité. Si la STA arrive au top de la liste de ces producteurs, c’est le Niger qui brille en quelque sorte.  En plus, on est le premier pays hors pays développées qui ait commencé une production d’aliments thérapeutiques.

Quelles sont les solutions envisageables pour garantir la survie des unités industrielles au Niger ?

Je pense qu’il faut le dire de la façon la plus plate, les autorités doivent s’impliquer davantage sur la sélection et surtout sur la protection du tissu qui existe déjà. Il ne s’agit pas uniquement d’une question et d’une problématique de la STA. Je pense que c’est de façon générale dans l’environnement. Toutes les structures qui existaient depuis des années et aujourd’hui nous disent qu’elles souffrent de la mauvaise concurrence, d’un environnement oppressant, de la complexité des dernières années, de la capacité de pouvoir s’approvisionner dans d’autres environnements économiques. Elles souffrent de la compétition de nos voisins. C’est une question qui dépasse le cadre de la STA et il faut au-delà de la STA car on a besoin d’avoir le soutien, l’épaule et la bénédiction des autorités pour dire qu’il faut le sauver. On connait les solutions aujourd’hui et je pense qu’il est vraiment important que les autorités mettent rapidement en œuvre ces solutions.

Quel est l’espoir qui vous anime avec la tenue, à Niamey, du sommet de l’UA sur l’industrialisation en Afrique ?

Le fait d’organiser un sommet nous envoie à un signal des autorités qui disent qu’on sait qu’il y a un besoin, une problématique et on sait que le développement de nos pays ne peut passer que par l’industrialisation à l’échelle de tous nos environnements de production. A l’époque où on parle de ZLECAF, d’ouverture des frontières, un pays qui ne s’industrialise pas devient un pays consommateur vers lequel tout le monde vient déverser et il n’y a plus de valeur ajoutée à partir de ce moment-là. Les autorités ont conscience qu’il faut qu’on passe par cela pour que nous puissions adresser des problématiques qui vont être certaines dans les années à venir.

Par Hassane Daouda(onep)

Source : http://www.lesahel.org