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Entretien avec Malam Barka, enseignant, artiste musicien et écrivain

Justement en ce qui concerne la lecture, le constat est que beaucoup ne lisent pas, à commencer par les élèves, les étudiants et même les fonctionnaires. Alors qu'elle est la base de ce manque d'assiduité à la lecture ?

Le Nigérien ne lit pas, parce qu'il faut habituer la personne à la lecture. Concernant les enfants, on apprend dès le bas âge. L'école sert à enseigner. Donc c'est à l'école qu'on doit apprendre aux enfants à aimer la lecture. Malheureusement depuis un certain temps on n'apprend plus. L'enseignant lui-même ne lit plus, à plus forte raison apprendre ou donner l'envie de la lecture. Ce qui fait que lorsque les enfants grandissent ils ne s'intéressent pas à la lecture. Les résumés des leçons que donnent les maîtres aux enfants pour apprendre à la maison, rares sont les enfants qui arrivent à lire ces résumés-là. Un enfant qui n'arrivent pas à lire ses leçons, comment va-t-il aimer la lecture ? Ce n'est pas possible. Et voyez-vous aujourd'hui jusqu'à l'université, ils parlent très mal le français quand on les écoute. De plus, on dit qu'il faut faire l'enseignement de masse. Mais on n'a pas réussi l'objectif. Aujourd'hui, le taux d'analphabètes scolaire au Niger est très élevé. Il y a plus de gens qui n'ont pas été à l'école que de gens qui ont été à l'école. Un tiers (1/3) seulement de la population du Niger est alphabétisé et les deux tiers (2/3) sont analphabètes.

Dans un tel contexte comment on peut atteindre l'objectif d'un enseignement de masse ? Ce n'est pas possible. Avant, il y avait les cours d'adultes sur lesquels. On comptait pour combler le vide. Aujourd'hui il n'y a plus cette alphabétisation. Ainsi en terme de parler français c'est peut-être 1/3 qui le parle, et qui le parle très mal. En résumé on peut dire que le niveau des enseignants est très bas ; il y a que les enseignants ne donnent pas le goût de lire aux élèves. De plus le Nigérien dès qu'il réussit, et qu'il commence sa carrière, pour lui le monde s'arrête là. Il ne cherche plus le savoir. Et le savoir c'est dans les livres. Ensuite les cours d'alphabétisation au niveau des villages ont été suspendus depuis quelques années. Il faut le dire, le Nigérien ne s'intéresse pas à la langue française. C'est une langue de la colonisation. Et le Niger a lutté contre la colonisation. Ce qui fait que la langue n'est pas tellement la bienvenue. C'était une langue imposée. Jusqu'aujourd'hui, il y a des parents qui ne veulent pas inscrire leurs enfants à l'école.

Après les indépendances, le Niger a adopté le français comme langue officielle. Donc la langue de travail, malheureusement quand on se rend dans diverses administrations on trouve des gens qui ont du mal à s'exprimer en français. Est-ce que cela ne donne pas une image réduite du fonctionnaire ?

Voyez-vous l'ancien commis est l'actuel commis, on ne peut pas les comparer. L'ancien commis c'est le fruit pur de l'administration coloniale ; c'est-à-dire il boit en français, il mange en français, il marche en français et il s'habille en français. Ce n'est pas la même chose qu'aujourd'hui. Actuellement le commis a une image un peu réduite. Parce qu'il utilise le français uniquement pour réussir. Mais n'oublions pas que c'est quelqu'un qui est mal formé à l'origine. Aujourd'hui tout celui qui a moins de 40 ans est mal formé en français. Alors que ceux qui ont 40 ans et plus le parle relativement bien. Vous allez voir des manoeuvres qui ont les 40, 45, 60 ans qui parlent couramment le français mieux qu'un universitaire.

Moi j'en ai vu. Ça, ce sont les conséquences de la formation des formateurs. En plus, il n'y a pas cette volonté de parler. En côte d'Ivoire par exemple il y a eu une volonté que le français soit la langue officielle. En côte d'ivoire tout est en français, même la vendeuse de cacahuète parle le français. La côte d'ivoire est parvenue à domestiquer le français. Chez nous, ça va être difficile. Vous voyez tous les grands intellectuels qui viennent partager le savoir avec les Nigériens sont des ivoiriens, des Sénégalais etc. Cela parce que tout simplement, c'est des pays qui ont donné plus d'importance à l'éducation qu'à n'importe quelle autre matière.

Maintenant comment faire pour rehausser le niveau en vue d'améliorer l'usage du français dans notre pays ?

Il faut une politique de l'usage du français. Une politique qui va permettre de régler les problèmes à la base. On doit retourner à l'école et reprendre la formation des formateurs pour que l'éducation soit de qualité. Et donner une place première à l'amour de la lecture. Dans notre pays, il y a des bibliothèques de lecture publique. Et à l'exemple des Ivoiriens et des Sénégalais par exemple, les Nigériens doivent accepter que le français est notre langue officielle et que c'est une langue de partage du savoir, qu'il faut bien étudier pour pouvoir bien parler avec. Et dans cette dynamique il faut revaloriser les cours d'alphabétisations dans les villages.

Propos recueillis par Ali Cissé Ibrahim
10 juillet 2017
Source : La Nation