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Entretien avec le Président de la Chambre des Métiers de l’Artisanat du Niger (CMANI) : « Notre artisanat a un atout, en ce sens qu’il s’adapte facilement à tous les chocs économiques et que même face à la concurrence, je suis sûr qu’il s’y adaptera » déc

Quelles est alors les missions de la CMANI ? Et qu’est-ce qui a été fait dans ce cadre depuis sa mise en place ?

La CMANI est un outil de développement aux mains des artisans. A ce titre, elle a pour mission de contribuer à une meilleure organisation, à la modernisation et à la compétitivité du secteur de l’artisanat. La CMANI joue le rôle d’interface entre les pouvoirs publics, les partenaires techniques et financiers et les organisations professionnelles d’artisans. A ce titre, elle est chargée d’assurer la promotion du secteur de l’artisanat en général ; d’assurer la représentation des intérêts de l’artisanat dans son ensemble auprès des pouvoirs publics, des partenaires au développement, des structures d’appui et toute autre personne morale ou physique intéressée par le secteur ; d’élaborer et tenir un répertoire des métiers relevant du secteur de l’artisanat ; de mener des actions de promotion commerciale notamment en incitant les artisans à une production et à des prestations de qualité ; de garantir la formation professionnelle et l’apprentissage à ses membres ; de participer activement à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques, stratégies et programmes nationaux en matière d’artisanat ; de faciliter la protection des dessins et modèles des produits artisanaux ; d’inciter à la consommation intérieure des produits artisanaux ; de collecter, de traiter et de diffuser les informations économiques et professionnelles sur le secteur ; de mettre en œuvre toutes actions susceptibles d’améliorer les ressources de la Chambre ; de favoriser la coopération avec les Chambres des métiers de l’artisanat étrangères, notamment par le jumelage ; d’aider à la mise en place des organisations professionnelles d’artisans (OPA); d’informer les pouvoirs publics et de formuler à leur demande ou de sa propre initiative, des recommandations sur toute question relevant du secteur de l’artisanat; de réglementer, en relation avec les collectivités territoriales, les foires, salons et expositions de l’artisanat au Niger ; d’organiser la participation de ses membres à des foires et expositions à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Quelles sont, à ce jour, les principales réalisations de la CMANI ?

Les principales réalisations du Bureau actuel de la CMANI depuis sa mise en place sont : l’acquisition d’un nouveau siège en fin janvier 2016 ; l’organisation de formations pour le renforcement des capacités techniques des femmes artisanes de la filière maroquinerie (10 à Maradi, 10 à Niamey, 10 à Agadez, 10 à Tahoua, 20 à Zinder, 10 à Dosso, 10 à Tillabéry et 10 à Dakoro ) avec l’appui des partenaires; l’organisation d’une formation en menuiserie-bois du 1er au 26 Août 2016, à Niamey au profit de douze (12) artisans menuisiers-bois de la région de Niamey, dans le cadre du compagnonnage artisanal entre la Chambre de Commerce et d’Industrie du   Niger (CCIN),   l’Assemblée   Permanente de Chambres de Métiers et d’Artisanat (APCMA) de France et la Chambre des Métiers de l’Artisanat du Niger (CMANI) ; l’organisation d’une formation en cordonnerie du 20 novembre au 19 décembre 2016 à Niamey au profit de onze (11) artisans cordonniers de Niamey ; la participation aux foires de Paris, de Marseille, d’Alger, de Dakar, de l’UEMOA, du Bénin, de Bobo-Dioulasso ; l’élaboration du plan d’actions stratégique «PAS 2017-2020 » ; un voyage d’étude à Marrakech au Maroc sur l’amélioration de la qualité des cuirs et peaux (Tannage et élimination des odeurs) et celle de la finition en Maroquinerie ; un voyage d’étude au Mali ; les missions au Luxembourg et en France pour rencontrer les Chambres de Métiers de ces deux pays ; l’organisation des 23ème et 24èmeéditions de la fête de l’artisanat avec le Ministère du Tourisme et de l’Artisanat ; la préparation et l’organisation de la première Assemblée Générale Ordinaire de la CMANI qui a vu l’adoption de son règlement intérieur ; la participation à plusieurs foires et salons dans la sous-région ouest africaine comme le SIAO 2016 où nos artisans ont remporté le Premier Prix du Président du Faso et le troisième prix de créativité, etc.

Le secteur de l’artisanat occupe une place importante dans notre économie, mais connais quelques difficultés. Quel est son apport réel à l’économie nationale et quelles sont les difficultés auxquelles il fait face?

L’artisanat faisant partie du secteur informel, cette situation rend très difficile, la mesure de son poids réel et donc de son importance dans l’économie nationale, faute de données statistiques fiables, caractéristique principale d’ailleurs de l’informel. Partant de la difficulté de disposer de données exactes et fiables, nous retiendrons celles des années suivantes, 1990, 2005-2006 et 2015 pour le PIB, les emplois et les MPEA. En 1990, dans le cadre du Projet d’Elaboration de la Politique Nationale de Développement de l’Artisanat, financé par le PNUD et exécuté par le BIT, une étude sur le secteur à l’échelle nationale fut menée et a fait ressortir les données suivantes : 150 000 micro et petites entreprises artisanales « MPEA », 540 000 emplois, une contribution au PIB de 20% et un taux de croissance de 2.5% par an. En 2005-2006, une extraction de données concernant l’artisanat dans le cadre du RGP/H de 2001, fait ressortir un chiffre de 700 000 emplois et 365 000 MPEA. En 2015, sur la base du taux de croissance de 2.5% par an, il y aurait 432 000 MPEA et 900 000 artisans. Selon une moyenne établie et acceptée au sein de l’UEMOA, la contribution de l’artisanat au PIB est de 25% dans l’espace communautaire. Ainsi sur la base des 900.000 artisans, imaginons que chacun d’eux ait cinq (5) personnes en charge, cela ferait 4.500.000 personnes qui dépendraient directement de l’artisanat, soit le quart de la population nigérienne. Ce qui n’est tout de même pas à négliger !

Quant aux difficultés du secteur, elles sont aussi diverses et variées mais on peut retenir tout de même les préjugés socioculturels liés à l’exercice de certains métiers ; l’insuffisance des formations/perfectionnements ; la faiblesse des mécanismes institutionnels (les quelques organisations et structures artisanales existantes ne touchent pas un grand nombre d’artisans) ; l’inorganisation du secteur ; la faiblesse des circuits de commercialisation des produits artisanaux ; l’absence de structures de financement adapté ; l’analphabétisme du grand nombre des artisans ; le manque de protection sociale des artisans ; le manque de protection des dessins et modèles artisanaux nigériens; le manque de statistiques complètes et fiables ; l’insuffisance de l’appui de l’Etat au secteur (les budgets annuels alloués au ministère du Tourisme et de l’Artisanat sont modestes et non priorisés) ; l’insuffisance de l’appui direct des Partenaires Techniques et Financiers au secteur.

En perspective, qu’est-ce que vous faites pour promouvoir l’image de l’artisanat nigérien afin qu’il participe significativement au développement de l’économie nationale ?

La promotion de l’image de notre artisanat ne peut se faire qu’à travers la participation aux foires et salons à l’étranger en vue de le faire connaître et apprécier par les acheteurs potentiels à travers le monde. Nos participations à ces foires et salons nous ont permis de décrocher quelques prix dont les plus significatifs ont été le premier prix et le 3emeprix de créativité au SIAO 2016, le premier prix en tenue traditionnelle à la 4emefoire de l’UEMOA à Lomé en 2015, le premier prix du meilleur stand à la première édition du salon international de l’artisanat de Dakar (SIAD 2017). Les différentes formations organisées au profit de nos membres permettent également d’améliorer la qualité et l’image de notre artisanat.

Quelle sont vos relations avec les organisations des artisans et avec la CCIN ?

Nos relations avec les organisations des artisans sont bonnes dans l’ensemble puisque nous essayons de leur transmettre l’information dès que possible. La CMANI étant une jeune institution, naturellement elle ne peut que marcher à son rythme en attendant de pouvoir disposer suffisamment de moyens pour faire face à toutes ses lourdes missions. Quant à nos relations avec la Chambre du Commerce et d’Industrie du Niger (CCIN), elles sont très bonnes, car la CCIN continue à inviter la CMANI dans toutes les rencontres concernant le secteur privé. La CCIN a accompagné la CMANI dans ses premiers pas à travers des appuis financiers (acquisition de notre siège, formations des menuisiers-bois et des cordonniers-bottiers, participation aux foires, prise en charge du financement de certaines émissions pour la visibilité de la CMANI etc.).

Y’a-t-il des partenaires qui vous accompagnent dans le cadre de vos activités et en quoi consiste leur accompagnement?

Oui il y a des partenaires qui nous accompagnent dans nos activités. C’est le cas de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Niger (CCIN) dont nous venons d’en parler à la question précédente. Mais il y a aussi le projet de développement des compétences pour la croissance « PRODEC » qui a financé l’élaboration de notre plan d’actions stratégique 2017-2020, qui nous a dotés de matériel informatique et de mobiliers de bureau, qui nous a permis d’effectuer un voyage d’étude au Mali. Il ya le projet de développement de la filière cuirs et peaux du Niger de l’unité de mise en œuvre du cadre intégré renforcé« UMOCIR » qui nous appuie dans le domaine des cuirs et peaux (réhabilitation de nos tanneries, participation à la foire de Paris, formations des femmes maroquinières, voyage d’étude au Maroc pour l’amélioration de la qualité de nos peaux tannées etc.) ; le FAFPA qui agit dans le cadre de la formation et de l’apprentissage duals et l’équipement des ateliers des maîtres artisans et l’’ONG REGIS-AG qui nous appuie à travers la formation de femmes maroquinières, etc.

L’artisanat ou du moins les produits artisanaux subissent une concurrence féroce des produits industriels importés ; quel avenir pour ce secteur dans un tel contexte ?

Vous savez, nous vivons dans un monde de globalisation, où le commerce est libéralisé. Nous sommes donc tenus de faire avec, car aucun pays ne peut vivre en autarcie. Notre artisanat a un atout, en ce sens qu’il s’adapte facilement à tous les chocs économiques et que même face à la concurrence, je suis sûr qu’il s’y adaptera. Pour preuve, le nombre de micro et petites entreprises artisanales (MPEA) ne cesse d’augmenter ainsi que l’effectif de nos artisans qui serait aujourd’hui d’au moins 900 000 personnes. Imaginez un peu que chaque artisan ait en charge 5 personnes, cela nous fera 4 500 000 personnes qui dépendent de l’artisanat soit 25% de la population nigérienne. En outre, il n’y a pas une seule manifestation artisanale dans la sous-région où le Niger ne soit pas invité ; il y a souvent des délégations étrangères qui viennent spécialement au Niger pour inviter nos artisans à prendre part aux manifestations artisanales qu’elles organisent. D’ailleurs, qu’il s’agisse de manifestations artisanales ou commerciales, le Niger a toujours été représenté presque exclusivement par l’artisanat. Vous verrez très rarement les autres sous-secteurs de l’économie nigérienne dans ce genre de rencontres.

Nous venons de rentrer de la foire de Paris, nous avons une autre délégation qui est rentrée d’Iran, une autre qui est revenue de Dakar pour la première édition du salon international de l’artisanat de Dakar (SIAD 2017) et bientôt nous aurons une délégation qui représentera le Niger au Salon des Industries Légères et de l’Artisanat d’Arabie Saoudite. C’est pour vous dire que je suis confiant quant à l’avenir de notre artisanat. Si certains pays asiatiques sont devenus des puissances économiques, c’est grâce à leur artisanat, et pourquoi pas le Niger ? Il suffit simplement de croire à notre artisanat, d’accepter de l’accompagner et de l’appuyer en commençant par la consommation de nos propres produits par nous-mêmes (les autorités en tête bien sûr), ce qui aurait un effet bénéfique sur nos Balances Commerciales et de Paiements.

Réalisé par Ali Maman(onep)

06 juillet 2017
Source : http://lesahel.org/