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Interview avec Djibrilla Baré Maïnassara, candidat à l’élection présidentielle 2020-2021 : ‘’En politique, ce n’est pas forcément en allant dans la rue qu’on peut remporter la victoire’’

Le Canard en Furie : Le 1er février dernier, la Cour de Justice de la CEDEAO a tenu son audience à Abuja (Nigeria) sur le contentieux électoral opposant le président Mahamane Ousmane à son challenger Bazoum Mohamed déclaré vainqueur par la Cour constitutionnelle, à l’issue du 2e tour de l’élection présidentielle du 21 février 2021. Les débats ont eu lieu, le délibéré est fixé au 31 mai prochain. Avez-vous bon espoir en tant que soutien du candidat Mahamane Ousmane ?

Djibrilla Baré Maïnassara : En principe cette question devrait être directement adressée au principal concerné. Vous savez que la requête a été déposée au nom du candidat Mahamane Ousmane par son conseil. Mais néanmoins en tant que soutien du candidat au 2e tour, je vous dirai que quand on va à un procès, c’est toujours dans l’espoir de le remporter. Le contentieux porte sur la violation des droits de l’Homme et la discrimination constatés à l’occasion du processus électoral. Cela veut dire quoi ? Que le processus a été entaché d’irrégularités, de bout en bout, depuis la mise en place des organes chargés d’organiser les élections, jusqu’aux opérations de vote et la validation des résultats en passant par l’enrôlement des électeurs potentiels. Sur toute la ligne, le candidat Mahamane Ousmane s’est senti lésé et c’est pourquoi, au nom de la Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la bonne Gouvernance et du Protocole additionnel A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, il a décidé de porter l’affaire devant la juridiction de l’espace communautaire. Et selon son Conseil, il a fourni des preuves à travers des procès-verbaux des votes, des audios, des vidéos, prouvant que le processus n’a été ni transparent, ni équitable. D’ailleurs le jury de la Cour de la CEDEAO avait fait le constat, dès l’entame de l’audience, que l’avocat qui devrait représenter l’Etat n’était ni présent à l’audience, ni représenté par un de ses pairs et même en ligne puisque l’audience était faite par visioconférence. Mais, comme je l’ai dit tantôt, votre question devrait être directement posée à l’intéressé lui-même et/ou à son conseil.

Le Canard en Furie : Vous également, vous aviez saisi la juridiction communautaire d’une plainte lors de la conduite du processus électoral. Où en sommes-nous par rapport à l’évolution du dossier ?

Djibrilla Baré Maïnassara : Me concernant personnellement, c’est une requête que j’ai introduite devant la cour de la CEDEAO par l’intermédiaire de mon conseil, à l’issue du 1er tour des présidentielles, le 18 février 2021, en tant que candidat. Elle fait suite à la requête déposée en commun par certains des candidats auprès de la Cour Constitutionnelle sur la régularité du dossier du candidat du parti au pouvoir, régularité du dossier je le précise bien ! La régularité du dossier parce que les pièces du dossier de chacun des candidats sont supposées être conformes aux normes pour être recevables et sans discrimination. Je le précise parce qu’il y a des amalgames qui sont souvent faits à dessein. Même dans le cadre d’un concours ordinaire de recrutement, on vérifie si les pièces versées au dossier sont conformes, sinon le dossier est systématiquement rejeté. Donc je suis serein par rapport à ce dossier puisque l’Etat qui avait 30 jours pour opposer des arguments à ma requête n’avait pas répondu. Tirez en les conclusions vous-même.

L’opposition ne bouge plus tellement pour montrer qu’elle existe encore depuis l’investiture du président Bazoum. Pourtant ce ne sont pas les occasions qui ont manqué pour lui permettre de donner de la voix. Les scandales financiers à répétition, la corruption, l’impunité, etc., se poursuivent. L’opposition reste muette.

Djibrilla Baré Maïnassara : Vous parlez de l’opposition politique n’est-ce pas ? Bon dans mon cas précis, je me sens obligé de vous préciser que je suis membre fondateur du RDP Jama’a. Mais que je suis dans un processus électoral, qui n’est pas encore bouclé à mon sens, tant que les verdicts de la Cour de justice de la CEDEAO ne seront pas connus. Je dis bien les verdicts puisqu’il y’a deux requêtes. Donc l’opposition dont vous parlez, estime avoir remporté le scrutin, du moins, le candidat Mahamane Ousmane estime avoir remporté le scrutin présidentiel, même si dans l’hémicycle son camp est minoritaire. Alors, à partir de cet instant, est ce que les autres partis qui l’ont accompagné peuvent lui dicter sa conduite pour lui faire rentrer dans ses droits ? Je ne le pense pas personnellement. Le président Ousmane a choisi la voie judiciaire, plus sage, même si, il faut l’avouer, la plupart de ses soutiens étaient pour la confrontation dans la rue. Mais ce que je puis vous dire d’ores et déjà est que ce silence de l’opposition procède également d’une stratégie murie. Il faut tirer des leçons des expériences de luttes passées. En matière politique, ce n’est pas forcément en allant dans la rue qu’on peut remporter la victoire politique, surtout si le rapport de force ne vous est pas favorable. En plus ne perdez pas de vue que des centaines de militants issus des rangs du principal parti de l’opposition sont en prison, dont son leader charismatique. La mouvance présidentielle est empêtrée dans ses propres contradictions. Ce n’est pas à l’opposition de lui donner les moyens de faire son unité. Cette stratégie du silence de l’opposition, est diversement appréciée, je le concède. Mais méfiez-vous ! Quand c’est calme, c’est comme un sable mouvant, ça suscite des inquiétudes dans le camp d’en face. L’opposition n’est pas muette comme vous semblez le croire. Elle a le droit avec elle, c’est pourquoi elle et sereine. Elle est toujours là, débout ! La panique vous savez dan quel camp elle et omniprésente. Sinon comment comprendre, que des prétendus démocrates qui ont bénéficié, par le passé, de tous les ressorts de la démocratie pour se hisser au pouvoir, refusent systématiquement les marches, des meetings des citoyens. Vous le savez, à lire le communique du porteparole des droit de l’homme qui était présent dans notre pays le mois dernier, les autorités se sont auto sabordées et délégitimées.

Tawèye