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Entretien avec l’ambassadeur de la Grande Bretagne au Niger

«L'un des quatre objectifs de la COP26 est de susciter des engagements en faveur de l'objectif de 100 milliards de dollars par an pour le financement du climat. Le Royaume-Uni s'est déjà engagé à verser 11,6 milliards de livres pour la période 2021-2025 », déclare S.E.Mme Catherine Inglehearn

Excellence, la 26ème Conférence des Parties à la convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (COP26) se tient du 1er au 12 novembre 2021 à Glasgow. Pouvez-vous décrire le contexte dant lequel s’annonce cette conférence ? 

2019 a été la deuxième année la plus chaude jamais enregistrée dans le monde et la fin de la décennie la plus chaude (2010-2019) jamais enregistrée.  Le changement climatique touche tous les pays sur tous les continents.  Il perturbe les économies nationales et affecte les vies.  Les régimes climatiques changent, le niveau des mers s'élève et les phénomènes météorologiques deviennent plus extrêmes. Si nous n'agissons pas immédiatement, d'ici la fin du siècle, nous réchaufferons la planète d'au moins 3 degrés Celsius. Cela entraînerait des inondations catastrophiques, de la pollution, des phénomènes météorologiques extrêmes et la destruction d'espèces.  Ensemble, nous devons œuvrer pour empêcher que les températures mondiales ne dépassent 1,5 degré Celsius afin de protéger notre planète contre les effets croissants du changement climatique. 

Le Niger est l'un des pays du monde les plus touchés par le changement climatique.  En septembre 2020, le Niger a connu ses pires inondations depuis 60 ans, suite aux pluies de juillet et août.  329 000 Nigériens ont été touchés par ces inondations et beaucoup ont dû quitter leur domicile. Cette année, suite à des pluies moins abondantes que prévues, les récoltes sont menacées et nous voyons déjà de plus en plus de Nigériens en souffrir. 

L'imprévisibilité croissante des saisons des pluies et des saisons sèches, causée par le changement climatique, rend les périodes de plantation incertaines et met en danger les cultures essentielles.  Elle crée une concurrence pour les ressources naturelles, notamment l'eau, et contribue aux conflits. La déforestation à travers le Niger, qui affaiblit la capacité du sol à retenir l'eau et l'expose aux intempéries, exacerbe ces problèmes.  Quatre personnes employées sur cinq au Niger dépendent de l'agriculture, avec moins de 1 % des terres arables irriguées. Plus de 3,5 millions de personnes au Niger ont aujourd'hui besoin d'une aide humanitaire en raison du conflit et des chocs climatiques.

Quelles sont les attentes et les grands défis inscrits à l’agenda de cette Conférences ?

Les dirigeants du monde entier se réuniront lors de la COP26 à Glasgow, en Écosse (Royaume-Uni), le 1er et 2 novembre 2021, dans le but de convenir des mesures pour faire face à la menace urgente que représente le changement climatique mondial. Les équipes techniques de chaque pays resteront à la COP26 jusqu'au 12 novembre pour négocier les mesures nécessaires à cet effet. La COP est la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, à laquelle 197 pays sont des parties, dont le Niger.  Le Royaume-Uni et l'Italie assureront la coprésidence de la COP26 jusqu’à la prochaine COP qui se déroulera dans un pays africain.

La COP26 visera à atteindre quatre objectifs principaux, dont le premier est de parvenir à un "net global zero" d'ici 2050. Cela signifie que chaque pays est appelé à réduire de manière drastique ses émissions de gaz à effet de serre, afin d'éliminer de l'atmosphère terrestre autant d'émissions que nous en produisons, et de garder à portée de main la possibilité de limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5 degré.  Pour atteindre ces objectifs, les pays devront accélérer l'abandon du charbon, freiner la déforestation, accélérer le passage aux véhicules électriques et encourager les investissements dans les énergies renouvelables. Le Royaume-Uni a été le premier pays à prendre l'engagement juridiquement contraignant de parvenir à un " net zero" national d'ici à 2050. 

Le deuxième objectif est de soutenir les mesures d'adaptation au changement climatique afin de protéger les communautés et les habitats naturels.  Lors de la COP26, tous les pays doivent travailler ensemble pour permettre et encourager les pays touchés par le changement climatique, comme le Niger, à protéger et restaurer les écosystèmes, à construire des défenses, des systèmes d'alerte et des infrastructures et une agriculture résiliente afin d'éviter la perte d’habitats, de moyens de subsistance et de vies.

Troisièmement, l'objectif est de mobiliser auprès des pays développés 100 milliards de dollars de financement climatique par an par le biais des gouvernements et du secteur privé.  Cette somme sera essentielle pour atteindre les deux premiers objectifs, et notamment pour aider les pays les moins développés et les plus vulnérables à s'adapter au changement climatique. 

Enfin, le quatrième objectif consiste à renforcer la collaboration entre les gouvernements, les entreprises et la société civile afin d'accélérer les actions visant à lutter contre la crise climatique. Sur ce point, nous visons à finaliser le "Paris Rulebook" - les règles détaillées qui rendront opérationnel l'Accord de Paris, de la COP21 de 2015 à Paris.

Du point de vue organisationnel, quelles sont les attentes en termes de participation ?

Plus de 130 chefs d'État ou de gouvernement sont attendus à Glasgow pour le sommet des dirigeants mondiaux, au début de la COP26, dont le président Bazoum du Niger.  Ce sera la plus grande conférence mondiale que le Royaume-Uni ait jamais accueillie et les défis logistiques sont immenses. La pandémie de la COVID19 a davantage compliqué la logistique, car des mesures strictes ont été mises en place pour tous les participants, y compris les dirigeants mondiaux.  La COP26 était initialement prévue pour 2020 mais a été retardée d'un an en raison de la pandémie de COVID.

Le gouvernement britannique a choisi d'accueillir la COP26 en Écosse, l'une des quatre nations du Royaume-Uni (Angleterre, Écosse, Pays de Galles, Irlande du Nord), afin de s'assurer que les possibilités sont réparties plus équitablement dans notre pays et notre économie. 

Quelles sont les opportunités qui s’offrent à un pays comme le Niger, qui fait face à des multiples défis dont celui du changement climatique, dans un contexte sécuritaire tendu ?

En tant que l'un des pays les plus vulnérables du monde, le Niger doit clairement souligner l'impact du changement climatique, notamment en tant que facteur d'exacerbation des conflits et des migrations irrégulières.  Lors de la COP26, le Niger doit exiger que les plus grands émetteurs mondiaux prennent des mesures urgentes pour réduire les émissions et contribuent à limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5 degré. 

Le Niger peut s'associer à l'appel en faveur d'un financement climatique accru et plus accessible, tant pour l'atténuation des émissions que pour l'adaptation au changement climatique.  Le Niger devrait rechercher des financements climatiques pour développer davantage son important potentiel solaire et améliorer la capacité du réseau à absorber les énergies renouvelables variables. Cela permettrait d'améliorer l'accès de la population à l'électricité et de réduire la nécessité de brûler du charbon, le combustible fossile le plus polluant. Le financement climatique devrait également être disponible pour soutenir les mesures d'adaptation, notamment l'amélioration des méthodes agricoles et de l'utilisation des terres et le soutien à la reforestation. 

L’une des questions qui revient lors de toutes les conférences qui se sont succédée, c’est le financement des projets et programmes dans les pays qui subissent les conséquences du réchauffement de la planète. La COP26 va-t-elle poursuivre ce plaidoyer ? 

L'un des quatre objectifs de la COP26 est de susciter des engagements en faveur de l'objectif de 100 milliards de dollars par an pour le financement du climat.  Le Royaume-Uni s'est déjà engagé à verser 11,6 milliards de livres pour la période 2021-2025.  Mais nous savons aussi que l'accès à ces financements est complexe et souvent hors de portée des pays les moins avancés.  C'est pourquoi la Journée des finances du 3 novembre mettra l'accent sur l'accès au financement. Il s'agira notamment de la ‘’Task Force on Access to Finance’’ sur l'accès au financement par laquelle six pays vulnérables pilotent une initiative visant à améliorer l'accès au financement, et dont nous espérons que le Niger bénéficiera à l'avenir.

Que fait le Royaume-Uni pour améliorer l'accès au financement climatique et soutenir les pays les plus vulnérables?

En tant que président de la COP26, nous tenons à ce que les voix des pays les plus vulnérables au climat soient entendues à la COP26. L'Afrique étant le continent le plus vulnérable aux effets du changement climatique, le Royaume-Uni fera pression pour que de nouveaux engagements soient pris afin d'aider les communautés à risque des pays africains à s'adapter à l'impact des conditions météorologiques extrêmes et des chocs climatiques. Au Sahel, nous travaillons avec l'Office météorologique britannique pour améliorer notre compréhension collective des dernières modélisations et impacts du changement climatique afin de mieux informer les nouveaux programmes. Entre 2014 et 2020, le Royaume-Uni a contribué à hauteur de 50 millions de livres sterling pour aider les gouvernements sahéliens à répondre aux chocs climatiques en utilisant des transferts d'argent et des données météorologiques améliorées, et nous avons dépensé 140 millions de livres sterling pour piloter des mesures de renforcement de la résilience et de l'adaptation à travers le Sahel entre 2014 et 2019.

Quel est votre message final à la délégation nigérienne qui participe à la COP26 ?

Cette COP26 est un moment important pour le Niger pour se faire entendre en tant que pays vulnérable au climat, d'appeler à un plus grand soutien, et de rejoindre de nouvelles initiatives notamment sur l'énergie solaire.  Mais le vrai travail viendra après la COP26, en maintenant la dynamique de changement réel et en intégrant la réponse au changement climatique dans toutes les politiques nigériennes.  Le Royaume-Uni et l'Italie, en tant que coprésidents de la COP pour l'année à venir, travailleront en étroite collaboration avec le gouvernement et d'autres partenaires internationaux pour y parvenir. 

Propos recueillis par Ali Maman

1er novembre 2021
Source : http://www.lesahel.org/