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Invité : Le Secrétaire permanent de la Commission Nationale des Frontières : «L’aboutissement des deux saisines de la CIJ n’a pas d’incidence sur la superficie du Niger», déclare M. Hamadou Mounkaila

Où en est le bornage des frontières du Niger avec ses sept (7) voisins ?

Le bornage des frontières du Niger fait son petit bonhomme de chemin. Le Niger a mis sur pied avec chacun de ses voisins une commission mixte paritaire chargée de la matérialisation des frontières. A la date d’aujourd’hui, 2866 km des 5690 km de frontières sont bornés. Ce qui représente un peu plus de 50 %. Ce taux peut paraître faible, mais mis en perspective avec les autres pays africains, il est tout à fait appréciable car il place le Niger dans le peloton de tête.

Y a-t-il un quelconque problème en suspens ?

Le développement de l’insécurité le long de la plupart de nos frontières a affecté les activités de bornage avec plusieurs de nos voisins : Mali, Libye, Tchad, Nigeria. C’est une situation conjoncturelle qui a ralenti le rythme de progression des travaux de matérialisation des frontières. Nous avons bon espoir que la sécurité reviendra très bientôt dans les zones frontalières afin d’atteindre 100% de frontières bornées à l’horizon 2022, comme arrêté par la quatrième conférence des ministres africains chargés des questions de frontières tenue le 6 octobre 2016 à Addis Abéba.

Comme vous le savez aussi, la question des frontières se traite toujours en bilatéral. Ce qui implique une volonté commune des deux Etats et au même moment ; cela est souvent difficile. Mais avec l’engagement des premiers responsables en charge de la question des frontières, ces quelques difficultés sont réglées par les canaux diplomatiques et les équipes techniques mixtes arrivent à poursuivre les travaux.

Quelle est la pertinence de la journée africaine des frontières célébrée chaque année le 7 juin par les Etats membres de l’Union Africaine et ce, depuis 2010 quand on voit la résurgence de certains conflits comme dans les pays des Grands  Lacs ?

La pertinence de la Journée Africaine des Frontières réside dans le fait que l’Afrique a fait de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation un principe, et de leur délimitation et démarcation un objectif prioritaire. Cependant, ce choix ne signifie en rien une volonté de repli de chacun des pays du continent à l’intérieur de son propre territoire. Au contraire, il s’agit de poser la délimitation et la démarcation des frontières comme une condition de la réussite de l’intégration tant politique qu’économique du continent.

En un mot, « il faut connaître ses frontières, les accepter pour mieux les effacer ». C’est pour cela que la Journée Africaine des Frontières a été instituée par le Programme Frontière de l’Union Africaine (PFUA).

Quant au cas que vous évoquiez dans les pays des grands Lacs, de mon point de vue, il s’agit beaucoup plus de conflits à l’intérieur des frontières que de conflits de frontières.

D’aucuns se demandent pourquoi s’attacher à la délimitation des frontières héritées de la colonisation quand l’heure est justement à la promotion de l’Union Africaine ?

C’est la frontière qui confère à l’Etat son territoire. La délimitation et la démarcation des frontières leur ôtent « leurs  pouvoirs de nuisance ». Ce n’est qu’à partir de ce moment que les Etats peuvent se mettre ensemble pour faire leur unité. On peut illustrer cela par l’exemple que nous offre l’Union Européenne qui a d’abord résolu la question des frontières avant toute autre chose.

Est-il possible vraiment comme le prône l’Union Africaine de « délimiter les frontières sans que celles-ci ne soient des barrières mais plutôt des passerelles pour l’intégration africaine » ?

Comme je l’ai déjà dit, la délimitation/démarcation ôte à la frontière son potentiel de nuisance et permet aux Etats d’engager sainement la coopération transfrontalière. En adoptant le PFUA, basé sur la délimitation/démarcation des frontières, la coopération transfrontalière et le renforcement des capacités, les dirigeants africains ont clairement exprimé leur détermination à exploiter au mieux les aspects jonction et passerelle des frontières africaines et à veiller à ce qu’elles soient gérées de manière à contribuer à la réalisation de deux objectifs clés de l’Union

Africaine, à savoir la prévention structurelle des conflits et l’approfondissement du processus d’intégration en cours. La Journée Africaine des Frontières a été instituée pour aider à atteindre ces objectifs à travers la sensibilisation et l’éducation des populations africaines.

Avez-vous un exemple de succès en tête ?

Bien sûr, la gestion de la frontière nigéro-nigériane sous l’égide de la Commission Mixte Nigéro Nigériane de Coopération est un exemple qui est cité comme un cas réussi de gestion intégrée des frontières. Au-delà de la délimitation/démarcation de la frontière, la coopération

transfrontalière est très dynamique à travers les corridors Kano-Katsina-Maradi (K2M) et Zinder-Daura-Jigawa-Kano pour la promotion des échanges économiques entre les deux pays. Il y a aussi la sécurisation de la bande transfrontalière à travers des patrouilles mixtes dotées de moyens conséquents.

Le bornage des frontières exige beaucoup de moyens : nos Etats en disposent-ils ou est-ce encore un problème tributaire des bailleurs de fonds ? Et si oui, comment le résoudre à terme ?

Le bornage des frontières au Niger n’a jamais été tributaire des bailleurs de fonds. L’Etat s’est toujours investi pour la résolution pacifique des différends frontaliers et a investi et continue d’investir des sommes importantes dans les travaux de bornage. En effet, dès l’indépendance, une commission interministérielle des frontières a été mise en place. Elle a été érigée en 1975 en une commission nationale des frontières et qui fonctionne depuis sur les ressources propres de l’Etat.

C’est au vu des succès engrangés par le Niger dans le domaine de la délimitation et de la démarcation des frontières que plusieurs partenaires se présentent aujourd’hui pour nous appuyer. C’est l’occasion pour moi de remercier la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) qui était la première institution à nous apporter son appui en finançant le bornage de l’ensemble des frontières dans le Lac Tchad. Elle poursuit toujours cet effort par la mise en place d’un comité technique chargé de la réhabilitation des frontières dans le Lac Tchad.

Aujourd’hui, nous enregistrons l’accompagnement de la Coopération allemande à travers la GIZ qui appui le PFUA dans les domaines de la  délimitation/démarcation, la coopération transfrontalière et le renforcement des capacités. C’est le lieu de signaler le lancement dans les tous prochains mois au Niger, par la Coopération allemande, d’un projet d’appui dont l’une des composantes est dédiée à l’appui aux maires des communes frontalières, pour le développement des zones frontalières et  la promotion de la coopération transfrontalière.

La Coopération française n’est pas en reste à travers le projet ACTS (Appui à la Coopération Transfrontalière au Sahel) qui nous aide, quant à elle, dans l’élaboration d’un document de politique nationale de gestion des frontières et de son plan d’actions afin d’envisager la prise en compte des populations frontalières dans les stratégies nationales de développement dans une vision à long terme et selon une approche holistique. Toutes ces actions contribueront au dépassement des frontières-barrières et leur promotion en frontières-passerelles.

Réalisée par Sani Soulé Manzo

23 juin 2017 
Source : http://lesahel.org/