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Entretien avec le Directeur Général du Patrimoine Culturel, des Arts et de l’Economie Culturelle sur la question de biens culturels au Niger

 Entretien avec le Directeur Général du Patrimoine Culturel, des Arts et de l’Economie Culturelle sur la question de biens culturels au Niger

Depuis 2017, le processus de restitution des biens culturels africains se trouvant en France notamment, est en marche avec la volonté exprimée dans ce sens par le président français Emmanuel Macron. A ce sujet, un rapport publié en 2018, par l’universitaire sénégalais Felwine SARR et son homologue de la France Bénédicte SAVOY, fait état de dizaines de milliers d’objets d’art d’Afrique subsaharienne dans les collections publiques françaises. Statuettes, bijoux, masques, peintures et même 518 volumes à la Bibliothèque nationale. Ces biens culturels se sont retrouvés en France comme butins des conquêtes coloniales ; legs de "particuliers", héritages de familles des colons, suite à des missions ethnographiques  ou des achats pas toujours légaux sur le marché de l’art.

Le vote d’une loi par l'Assemblée nationale française le 6 octobre 2020, sur la restitution avec transfert de propriété de biens culturels au Sénégal et au Benin constitue un palier important dans la concrétisation de cette volonté exprimée de part et d’autre.

En ce qui concerne le Niger, cette question est abordée dans cet entretien avec le Directeur Général du Patrimoine Culturel, des Arts et de l’Economie Culturelle, M. Danladi Adamou. Sont évoqués, entre autres, la quantité des biens concernés, la démarche en vue de leur restitution; la question de la conservation des objets qui seront restitués et  en général du patrimoine matériel et immatériel du Niger. 

Le processus de restitution par l’Occident des biens culturels aux pays africains est en cours. Pour ce qui est du Niger quels sont, M. le Directeur Général, les biens qui constituent le patrimoine concerné par cette restitution ? Et dans quels pays occidentaux se trouvent ces objets ?

Le processus de restitution des biens culturels africains dans leurs pays d’origine a été véritablement déclenché depuis l’annonce le 28 novembre 2017 à Ouagadougou, du Président de la République française, Emmanuel Macron, de s’investir pour la restitution temporaire ou définitive du patrimoine africain gardé en France. Dans cette perspective, deux experts M. Felwine SARR, Professeur à l’époque à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal) et la française Mme Bénédicte SAVOY, Professeure d’histoire de l’art à la Technische Universität de Berlin (Allemagne) ont été commis pour évaluer les biens culturels africains gardés en France dont le rapport transmis le 23 novembre 2018 fait état de 66.980 biens culturels identifiés dans les institutions muséales françaises et particulièrement au Musée de Quai Branly. Dans ce rapport, le Niger compte 1.615 objets de divers types couvrant la période de 1884 à nos jours. Ces données concernent pour le moment les biens référés uniquement en France en attendant de poursuivre l’identification dans les autres pays occidentaux.


{xtypo_quote} «Le Ministère en charge de la Culture envisage la mise en place d’une commission spécialisée pour la communication et le travail technique et scientifique pour un retour réussi des biens culturels nigériens détenus en France et ailleurs», annonce M. Danladi Adamou{/xtypo_quote}


Est-ce que le Niger a manifesté la volonté de récupérer ses biens qui sont dans les pays occidentaux ?

La 54ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, tenue le 22 décembre 2018 à Abuja au Nigéria, a adopté une Déclaration de Politique sur le retour des biens culturels africains dans leurs pays d’origine. Cela prouve que le Niger est engagé et partie prenante dans cette dynamique africaine de restitution des biens culturels. Aussi, notre pays participe à tous les échanges sur la question en témoigne sa participation en 2019 à l’atelier des directeurs généraux du patrimoine et à la réunion des ministres de la Culture de l’espace CEDEAO en vue d’élaborer et adopter le plan stratégique à mettre en œuvre concernant le retour, la conservation et la valorisation des biens culturels qui seront restitués.

Quelles sont alors les démarches effectuées par les autorités nigériennes en vue du rapatriement du patrimoine en question ?

Le Niger respecte et contribue à la mise en œuvre des décisions prises au plan africain ou communautaire concernant le retour des biens culturels dans leurs pays d’origine. Il faut noter aussi, le renforcement du cadre juridique amorcé par notre pays à travers le processus engagé d’adhésion à la Convention d’UNIDROIT de 1995 concernant les biens culturels volés ou illicitement exportés. C’est un instrument normatif efficace qui facilite les cas de restitution de biens culturels. En outre, le Ministère en charge de la Culture envisage la mise en place d’une commission spécialisée pour la communication et le travail technique et scientifique pour un retour réussi des biens culturels nigériens détenus en France et ailleurs.

Est-ce que le Niger dispose d’un cadre adéquat pour conserver ses biens culturels qui se trouvent dans les musées et d’autres institutions des pays occidentaux ?

Le Niger est doté d’institutions de conservation et de recherche notamment les musées, les centres de documentation et d’autres structures de production et diffusion qui jouent un grand rôle dans la conservation du patrimoine culturel. Mais, pour disposer d’un cadre approprié devant accueillir, mieux conserver et gérer de manière durable les biens culturels qui seront restitués, des mesures doivent être prises pour renforcer les capacités techniques des institutions muséales ou assimilées et identifier à cet effet des ressources humaines.

Comment se fait actuellement la conservation et la valorisation du patrimoine matériel, immatériel  qui se trouve sur le territoire national ?

Au Niger, la conservation et la valorisation des biens matériels et immatériels se passent dans des conditions difficiles liées principalement à l’insuffisance des moyens et du personnel qualifié, mais aussi à l’absence de système performant de documentation des biens identifiés. Aujourd’hui, la priorité principale est de développer les inventaires systématiques du patrimoine culturel dans une approche participative et de créer une base de données afin d’assurer durablement la sauvegarde et faciliter l’exploitation des ressources patrimoniales matérielles et immatérielles à des fins de recherche, d’éducation et de production.

Entretien réalisé par Souley Moutari(onep)

19 mai 2021
Source : http://www.lesahel.org/