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Fatouma Soumana, créatrice de mode : « Mon dressing personnel est basé sur le style ‘’officier’’. C’est un style avec du caractère »

Parce que c’est parfaitement compatible, la styliste Alia Baré Maïnassara, en est un témoignage vivant. Les artistes ne devraient-ils pas vivre de leurs passions (sourire) ? En réalité cela découle de mon enfance ! Par ma grande sœur Aïssatou j’ai grandi dans un atelier de couture. De ce fait depuis l’école primaire je montais des machines à coudre. Dans la suite logique de mon parcours, j’ai manqué de temps. Je m’arrêtais aux croquis et je déléguais la confection. Toutefois dans mon appartement en France je suis restée en possession d’une machine à coudre qui me permet de m’évader entre mes missions professionnelles et les activités annexes. Et c’est d’ailleurs dans le contexte du confinement suite au covid19 que j’ai transformé cette activité récréative en une seconde activité professionnelle dans un cadre entrepreneurial. En somme, il s’agit d’une réelle opportunité suite au vide qu’à créer la pandémie du covid19. Par ailleurs j’ai gradué d’un certificat de mode et style du Conservatoire  National des Arts et Métiers de Paris sur la période. A mon sens, dans ce monde en perpétuelle transformation avoir plus d’une corde à son arc est un talent.

Comment peut-on définir la marque de vêtements que vous confectionnez ?

Depuis la création de mon entreprise et le déconfinement, il faut noter que j’ai dû déléguer la mise en œuvre. Mon travail se limite au design ou au prototypage.

Pour vous répondre, cette marque  ‘’mellesoumana’’ qui n’est autre que mon nom se définit comme une touche d’Afrique à Paris. Autrement dit c’est une vision de la mode d’une nigérienne à Paris. C’est la croisée de deux cultures, l’Afrique s’invite dans le style life parisien. C’est une promotion de l’Afrique dans une dimension qui touche les personnes actives. C’est un style business qui communique le sens de l’Afrique aux Leaders.

Selon vous c’est si facile de se faire un nom dans un milieu où les difficultés sont nombreuses notamment la concurrence, la disponibilité financière, les pesanteurs socio culturelles...?

Sourire…j’ai déjà un nom !  C’est pour cela que cette marque est mon nom. Pourquoi dire ? On ne se lance pas dans la mode pour se faire un nom, on se lance dans la mode pour s’exprimer. A ce titre, cette marque est solidaire. Elle est basée sur un concept inclusif des immigrés en France dans son premier volet opérationnel à ce jour. Un second lot est en projet. Sans le dévoilé, il se fera au Niger.

Mon expression est une interpellation quant à l’intégration de talents Africains par une proposition de produits africains style.  Hors le contexte de crise, l’industrie de la mode est une des plus puissantes au monde en particulier en France, le pays de la haute couture. Aujourd’hui à l’ère du digital même en pleine crise mondiale sans précédent, le monde consomme de la mode. Anifa Mvuemba l’a démontré le 22 mai 2020. Un défilé 3D et la collection est « sold out » en peu de temps. L’humanité est influencée par la mode.

Mon constat, le talent africain est sous exploité. Dans ma vision en France, ces talents doivent aussi jouer un rôle en proposant du classique avec une touche d’Afrique pour les actifs via l’art du patchwork.

Vos créations sortent parfois de l'ordinaire. Où puisiez-vous votre inspiration ? On remarque que vous êtes une adepte de pagnes notamment le wax, qu’est-ce que ce tissu représente pour vous ?

Mon enfance a été fortement impactée par une présence d’officiers et donc forcément marquée pour le style que marquent les tenues militaires. J’eusse été un homme, c’est sans doute que j’aurais intégré le prytanée militaire. C’est un univers affectif qui me rassure.  De plus j’aime le côté rigoureux, organisé et hiérarchisé de ce corps. C’est donc tout naturellement que je m’y inspire. Mon dressing personnel est basé sur le style ‘’officier’’. C’est un style avec du caractère.

Aussi ces derniers mois, des jeunes de ce corps sont tombés en grand nombre alors qu’ils assuraient la sécurité des biens et des personnes au Niger.  Des attaques de Boko Haram, des djihadistes qui ont endeuillé des familles nigériennes. J’ai été bouleversée et beaucoup attristée à l’instar de tous les nigériens.  C’est ainsi ma façon de rendre hommage à ces vaillants et braves fils de la nation.

J’ai grandi entre Gamkallé et Saga, Sonitextile ou Enitex fait partie de mes repères. Avec l’accessibilité du wax j’ai eu à confectionner mon premier « Yorbo Yorbo » avant mes 10 ans. Le wax me renvoie à mes racines, l’Afrique. Opérationnellement parlant, c’est une entrée en gamme dans mon projet global.

Enfin quel regard portez-vous sur la culture africaine surtout nigérienne ?

La culture africaine est infiniment riche et sous exploitée. Les artistes sont talentueux mais manquent de visibilité et de ressources. De mon recul, si les Etats Africains pouvaient dépolitiser ce volet et avoir une vision industrialisée de la culture pour amorcer la transition numérique dans ce domaine beaucoup de jeunes s’accompliraient et l’Afrique en serait boostée économiquement parlant. En effet à l’ère du numérique, je m’attends très bientôt à un éclatement de la consommation de la culture Africaine source de plusieurs générations d’inspiration dans le monde.

Au Niger, l’intégration de la dimension culturelle pourrait être plus importante au niveau de l’éducation nationale et cela dès le primaire. Si les programmes scolaires sont chargés, pendant les vacances au Niger la majorité des jeunes ne voyagent point. On peut en saisir une opportunité pour développer des activités sur la période et donner plus de perspectives aux nouvelles générations. Cela permettrait de rompre avec un modèle scolaire classique qui n’est point une garantie de réussite pour bon nombre de personnes.  Il faudrait en mon sens démystifier les nouvelles générations en rompant avec la vision du sous métier. En effet lorsque j’ai déployé mon blog personnel Mellesoumana sur Facebook pour présenter mes créations, le feedback d’un petit frère m’a bouleversée. Le sujet, aurais-je fait tant d’étude et faire de la couture ? Afin de répondre à ce petit frère ‘’égaré’’ je lui ai répondu « c’est tout naturellement que je me suis inscrite au Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris et j’ai créé mon entreprise dans le domaine. Sans la culture de l’humilité, pourrions-nous parler de notre identité ? ». Aujourd’hui si je peux promouvoir l’Afrique par le plus petit moyen de mon niveau alors je suis aussi une designer en mode et style.

Par Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)

07 août 2020
Source : http://www.lesahel.org/