Vidéo - Le Dr Ibrahim Assane Mayaki du Niger décrypte les enjeux des ressources stratégiques et de la souveraineté économique en Afrique
Lors d’un entretien captivant accordé à l’émission « Surface de Vérité », diffusée par BF1 TV, le Dr Ibrahim Assane Mayaki, ancien Premier ministre du Niger et ancien Secrétaire exécutif du NEPAD, a livré avec aisance et conviction une analyse approfondie sur les défis majeurs liés aux ressources stratégiques en Afrique, tout en abordant avec perspicacité les enjeux de gouvernance, de souveraineté économique et de vision à long terme pour le continent.
D’emblée, le Dr Mayaki a tenu à redéfinir ce que signifie une ressource stratégique : elle ne l’est que si elle s’insère dans une vision claire, un objectif structuré, un plan de développement précis. « Une ressource n’est stratégique que si elle sert une stratégie », a-t-il souligné avec fermeté. Or, l’Afrique, trop longtemps piégée dans une logique d’extraction héritée de la colonisation, peine encore à transformer ses richesses naturelles au service d’un développement inclusif et souverain.
L’intégration régionale, antidote à la fragmentation coloniale
Le Dr Mayaki a ensuite mis en lumière les séquelles de la fragmentation post-coloniale, véritable obstacle au progrès continental. Il appelle à refonder les politiques régionales et à renforcer la coopération interétatique, notamment à travers des initiatives comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). « Aucun État africain, pris isolément, ne peut réellement s’en sortir », a-t-il insisté, en plaidant pour une stratégie de mutualisation des ressources, des infrastructures et des ambitions.
Une guerre économique autour des ressources : l’Afrique en ligne de mire
Dans un monde où les minerais critiques deviennent les nerfs d’une nouvelle guerre froide géoéconomique, le continent africain, riche en terres rares et autres ressources convoitées, doit se doter d’une stratégie offensive. Le Dr Mayaki en appelle à une montée en puissance de l’intelligence stratégique, qui seule permettra à l’Afrique de passer du statut de pourvoyeuse de matières premières à celui d’actrice souveraine des chaînes de valeur.
Transparence, redevabilité, justice : les piliers d’une gouvernance nouvelle
Abordant la question de la gouvernance, il déplore la corruption et l’opacité des contrats miniers qui grèvent le potentiel de croissance des pays africains. Pour lui, la transparence contractuelle est une exigence démocratique, et la redevabilité un impératif de performance publique. « La justice perçue est le socle de toute gouvernance légitime », affirme-t-il.
« Faut-il démocratiser l’Afrique ou africaniser la démocratie ? »
Industrialisation et souveraineté alimentaire : l’urgence d’un virage politique
Prenant l’exemple édifiant des noix de cajou ivoiriennes transformées au Vietnam, Dr Mayaki rappelle que le problème africain n’est pas technique, mais politique. Il plaide pour une révolution industrielle locale, adossée à une politique agricole volontariste, capable d’assurer la souveraineté alimentaire et de créer des millions d’emplois durables. Pour cela, il prône un soutien massif aux petits producteurs, qu’il considère comme les véritables piliers des économies nationales.
Science, éducation et capital humain : l’Afrique doit parier sur sa jeunesse
Face à une population jeune et dynamique, le Dr Mayaki estime qu’il est vital d’investir massivement dans l’éducation scientifique et l’innovation technologique. L’Afrique, dit-il, « doit former beaucoup plus d’ingénieurs que de sociologues » si elle veut rattraper son retard en matière d’industrialisation et de transformation numérique. La souveraineté numérique, au même titre que la souveraineté énergétique, est pour lui un pilier fondamental du développement africain.
Rompre avec la dépendance à l’aide internationale
Enfin, l’ancien secrétaire du NEPAD a livré un regard critique sur le rôle de l’aide au développement : inefficace, souvent conditionnée, parfois toxique. Il appelle à mobiliser les ressources fiscales internes et à repenser les mécanismes de financement du développement. « Aucun pays ne s’est développé grâce à l’aide », tranche-t-il, soulignant l’importance de construire une Union africaine souveraine, financée par ses propres États membres.
« Africaniser la démocratie » et faire émerger un leadership de rupture
En clôture de cet entretien dense et lucide, le Dr Mayaki cite le Pr Carlos Lopes : « Faut-il démocratiser l’Afrique ou africaniser la démocratie ? » Une interrogation fondamentale, qui résume à elle seule l’impératif de repenser les modèles institutionnels africains à l’aune des réalités locales.
Pour découvrir l’intégralité de cette interview exceptionnelle, visionnez la vidéo complète ci-dessous.
Boubacar Guédé (Nigerdiaspora)