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CEDEAO Vs TRANSITIONS / Mali : la victoire de la persévérance

Le dernier sommet de la CEDEAO tenu à Accra en fin de semaine dernière pour statuer sur les cas des trois transitions en cours à savoir celles du Mali, de la Guinée et du Burkina, a conduit l’Institution régionale à se dédire, à s’humilier quand, parlant de durée de transition, les autorités maliennes, peuvent ne pas revenir sur leurs vieilles décisions que récusaient les Chefs d’Etat et la France. Combien de fois, les Chefs d’Etat de l’espace s’étaient-ils réunis pour discuter de la situation de ces pays depuis que des militaires s’étaient emparés du pouvoir, justifiant leur irruption sur le champ politique ici par la mal gouvernance, notamment démocratique, là par une insécurité qui prend des allures inquiétantes ? Et les peuples, las, pouvaient comprendre et soutenir la libération de leurs démocraties par les armes !

Mais de toutes les transitions, c’est celle du Mali qui a le plus fait couler de l’encre et de la salive ; la France s’en était d’autant irritée qu’elle a usé et abusé de tous les moyens pour mettre les bâtons dans les roues de la transition malienne, exprimant une aversion irrationnelle contre les nouvelles autorités du pays de Soundjata Keita. Personne ne pouvait comprendre pourquoi la France pouvait faire cette fixation sur le seul cas malien : quand même prétextant la durée inadmissible de la transition proposée, avec les autres cas et avec le cas du Tchad notamment, alors que l’on ne peut avoir aucune clarté sur la durée des transitions qui se mènent, elle se fait compréhensible et indulgente vis à vis des autres pays. Mais pourquoi le Mali seul gêne ?

La CEDEAO, pour retrouver sa crédibilité, a intérêt à défendre désormais des valeurs, notamment dans la gouvernance, la justice et dans la tenue d’élections propres. Si elle ne le fait pas, elle n’évoluera qu’à contre-courant de son époque et souffrira toujours de ne pas être comprise des peuples et sans doute aussi de mourir de sa bonne mort.

Un concurrent dans la maison…

En vérité, dans l’esprit des dirigeants français, leur Afrique, malgré une indépendance que la France pouvait distribuer en 1960 comme des cacahuètes, ne pouvait pas être libre, et pour cela ils peuvent croire qu’ils aient un droit indéfini de maternage sur cette Afrique pour la malmener à leur guise ad vitam aeternam. Jean Yves Le Drian pouvait même s’inquiéter que sur le continent, certains de leurs « concurrents – c’est son mot – se soient déjà installés sur le continent, leur ravissant leur place et leur influence. Mais à cette préoccupation française, la diabolisation de Wagner et de la Russie, les tentatives vaines d’opposer Goïta à Choguel Maiga afin de fragiliser leur tandem, ne firent rien et les responsables maliennes restèrent, droits, dans leurs bottes, décidées à aller au bout de leurs choix, quoi qu’il en coûte. Mais Emmanuel Macron, dans ses manœuvres peut se servir de ce qu’une presse appelle ses valets locaux pour malmener les autorités maliennes et le peuple malien contre lesquels, sous injonction de la France-tutrice, la CEDEAO-marionnette pouvait prononcer, malgré le tollé et l’indignation que soulèvent ses méchantes décisions télécommandées au sein des peuples de l’espace, décidée à asphyxier le peuple malien qui cherche enfin la voie de sa libération. Mais, face à l’incompréhension de leurs frères africains égarés sur les voies de la Françafrique, les Maliens et leurs autorités résistèrent, tenant jusqu’au bout, ne laissant paraitre aucun impact de l’isolement assassin d’une CEDEAO qui peut alors oublier ses peuples pour faire plaisir au colonisateur. Et le Mali, vaillant, avançait. Fier de mener sa nouvelle épopée.

Mise au ban de la communauté africaine, depuis qu’Emmanuel Macron, pour avoir conduit une politique intérieure et extérieure désastreuse, s’embourba dans les élections françaises, pour ne plus savoir, quel discours tenir face à la dégradation des relations avec le Mali et la montée du sentiment anti-français sur le continent, la CEDEAO, égarée dans ses choix-bidons, cherchait l’occasion et le prétexte de sortir la tête de l’eau. Alors que certains dirigeants qui n’ont pourtant pas de raisons de lui faire la leçon pouvaient incarner l’aile dure du maintien des sanctions – le Nigérien et le Bissau-guinéen – l’on apprenait que certains autres présidents de l’espace, mesurant le tort causé à ce pays frère, commençaient à se désolidariser d’une posture qui mettait en marge Bazoum Mohamed et Sissoco Embalό au point de donner à leurs peuples un problème de conscience.

Le dernier sommet n’eut d’autres choix que d’adopter une nouvelle posture vis-à-vis du Mali pour lequel, presque la queue entre les pattes, l’organisation régionale, annonce, humiliée, comme pour se racheter, la suspension des mesures de rétorsion prises contre le Mali depuis de longs mois, consacrant ainsi la victoire de la souveraineté et de la responsabilité sur la servilité et le cynisme politique d’une CEDEAO qui ne sait plus agir pour les peuples pour ne servir que de syndicat dans lequel les dirigeants en exercice s’imposent une solidarité dans les épreuves du pouvoir.

La CEDEAO finit par faire ce qu’elle aurait dû faire depuis longtemps quand, face à son attitude, les Africains exprimaient leur incompréhension. Mais revenant à la raison, avec ce virage pour lequel, certains présidents, notamment le Togolais et même peut-être la nouvelle France issue des dernières législatives doivent avoir pesé de tout leur poids pour changer de stratégie vis-à-vis du Mali, la communauté économique de l’Afrique a compris qu’elle rame à contre-courant de l’Histoire.

En vérité, tous les peuples rêvent de suivre la voie de la dignité que trace le Mali et c’est sans doute cela qui fait trop peur à une France qui, lorgnant les potentialités du continent, ne regarde l’Afrique que comme une réserve pouvant lui permettre de maintenir sa puissance et son influence dans la géopolitique mondiale.

Une nouvelle ère s’ouvre au continent africain : irréversible. Si la France sait en tenir compte pour prendre le train alors qu’il est temps, elle pourra marcher encore avec des peuples avec lesquels son histoire est faite d’amour et de désamour. Si elle reste garrotée à ses vieux préjugés, la prochaine histoire belle de ce continent se fera sans elle.

L’heure est venue de respecter les peuples africains. 

Tawèye Kio