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Un enjeu pour l’Afrique : ne pas devenir « la poubelle du monde » des déchets plastiques

L’Afrique, qui réceptionne déjà des produits toxiques au rebut venus d’ailleurs, deviendra-t-elle en plus « la poubelle du monde » des déchets plastiques ? A l’assemblée de l’ONU pour l’environnement qui s’ouvre lundi 28 février à Nairobi, les pays du continent tenteront de s’unir pour l’éviter.

D’Antananarivo à Dakar, en passant par Nairobi ou Conakry, les capitales africaines sont souillées par d’immenses décharges à ciel ouvert où les déchets plastiques se comptent par milliers de tonnes, dégageant des odeurs pestilentielles, des fumées et particules toxiques : au péril de leur vie, hommes, femmes et enfants parmi les plus pauvres viennent y chercher de quoi survivre au quotidien.

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Les déchets plastiques polluent aussi les océans et les zones rurales, y menaçant la faune, la flore et les hommes. « Ces sachets [en plastique] sont de vrais assassins, remarque Hama Abdoulaye, un berger nigérien vivant près de Niamey. Ils tuent nos animaux à petit feu lorsqu’ils broutent l’herbe mêlée aux plastiques. »

En raison d’une collecte des déchets déficiente et du manque d’usines de recyclage, « les déchets plastiques augmentent en Afrique », note un récent rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), ce qui constitue « une menace significative pour l’environnement et les économies du continent ».

« Les déchets des pays industrialisés »

Quelque 300 millions de tonnes de déchets plastiques sont produites chaque année dans le monde, dont 11 millions finissent dans les océans mais, selon l’ONU, « le manque de statistiques » concernant l’Afrique « est un obstacle majeur ». « Il n’y a pas de doute, si rien n’est fait dans quelques années, l’Afrique va être une véritable poubelle des sacs et déchets plastiques », estime Ousmane Danbadji, dirigeant de l’ONG Réseau nigérien pour l’eau et l’assainissement.

La décision en 2018 de la Chine d’interdire l’importation des déchets plastiques, suivie par d’autres pays asiatiques comme les Philippines et la Malaisie, fait craindre que les pays riches ne se tournent vers le continent africain pour s’en débarrasser.

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Ils le font déjà pour d’autres produits et matériaux dangereux tels que les batteries ou les composants électriques et électroniques usagés, en particulier au Ghana et au Nigeria. « Le risque est grand de voir tous les déchets des pays industrialisés déversés ici chez nous en Afrique », craint Yves Ikobo, président de l’ONG congolaise Planète verte RDC.

A Nairobi, les pays africains essaieront de parvenir à une position commune sur l’interdiction d’importer des déchets plastiques sur le continent, en vue de pourparlers pour un accord international contre la pollution du plastique.

Manque d’engagement des Etats

La plupart des Etats d’Afrique subsaharienne se sont progressivement dotés depuis le début des années 2000 de législations interdisant « la production, l’importation, la commercialisation, l’utilisation et le stockage des sachets et des emballages en plastique » qui ne sont le plus souvent pas ou mal appliquées.

« Soucieuse de concilier la poursuite des activités économiques avec la protection de l’environnement », une note de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) adressée à l’AFP précise qu’elle est « en train de finaliser un projet de règlement portant sur l’harmonisation des règles » nationales. Cependant, les Etats membres « n’ont pas encore convenu (…) d’une échéance pour l’importation des plastiques ».

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« Il y a un manque d’engagement de nombreux Etats en Afrique », affirme John Gakwavu, responsable d’une ONG rwandaise de défense de l’environnement, sentiment partagé par Ousmane Danbadji : « Nous ne pouvons rien faire contre la prolifération [des déchets plastiques], car les politiques ne s’engagent pas véritablement dans la lutte. »

Un manque d’engagement en partie lié à l’impact économique et social du secteur du plastique qui crée de l’emploi dans plusieurs pays, dont l’Afrique du Sud, puissance du continent, où il fait travailler quelque 65 000 personnes. Barbara Creecy, ministre sud-africaine de l’environnement, a récemment déclaré que tout accord international doit prendre en compte « les responsabilités différenciées et les capacités respectives » de chacun « à la lumière des circonstances nationales ».

Difficulté de faire bloc

« Je ne pense pas que les pays africains prendront une position exactement commune » à Nairobi, estime Nhlanhla Sibisi de Greenpeace Afrique, basé à Johannesburg. « Des pays comme l’Afrique du Sud qui a déjà une industrie du plastique bien en place » mettront en avant « la création d’emploi », mais aussi sa contribution « au fisc ». Un argument de poids dans un pays où 65 % des jeunes sont au chômage.

« Il sera très difficile que nos pays fassent bloc pour interdire l’entrée des déchets », estime Yves Ikobo, car « c’est aussi, pour eux, l’entrée de fonds, de capitaux. D’où l’importance pour nous de continuer à faire pression pour qu’on ne sacrifie pas l’avenir du continent ».

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Richard Kainika, secrétaire général de l’Association des recycleurs de déchets du Kenya, assure de son côté « ne pas avoir de problème » avec l’importation en Afrique de déchets plastiques initialement « bien triés et classés », car « le recyclage participe à la création d’emplois et protège l’environnement ».

Pour pallier les déficiences des pouvoirs publics et dans l’attente d’un accord international qui prendra du temps, des citoyens africains se mobilisent avec leurs faibles moyens pour essayer de rendre plus propres leurs villes, campagnes et plages, en y ramassant régulièrement les plastiques qui les submergent, notamment à Libreville et Abidjan. Dans cette ville, en collaboration avec l’Unesco et une entreprise privée colombienne, une usine de recyclage du plastique en briques a ouvert ses portes en 2020 pour construire des centaines d’écoles en Côte d’Ivoire.

Le Monde avec AFP