Skip to main content

Accueil

Sommet Afrique-France : Faut-il croire à une mise en scène ?

Les relations avec la France se sont détériorées les cinq dernières années sur le continent où s’est développé un sentiment anti-français qui a gravement écorné l’image de la France sur le continent et surtout au Sahel où, depuis quelques années, la France s’est engagée militairement pour, dit-elle, combattre aux côtés des forces nationales contre le terrorisme. Et depuis quelques jours, au-delà des opinions nationales, c’est avec les autorités d’un pays – le Mali en l’occurrence – que la tension monte, les deux pays vivant la crise la plus grave de leurs relations, étalée au grand jour, avec des responsables qui, usant de médias interposés, se lancent des pics, dans le mépris souvent des convenances diplomatiques et des règles de la bienséance, notamment chez le partenaire français irrité de ce que sa ʺpupilleʺ devenue arrogante s’émancipe de son influence pour tenir à son égard un discours qui le défi, lui tenant des vérités qui fâchent. Pourtant, ces réactions à l’égard de la France ne sont que légitimes et normales quand, après plus de soixante années d’indépendance même donnée gentiment, la France est incapable de revoir l’état de son partenariat pour, face à des contextes nouveaux, refonder ces relations sur des bases qui cachent mieux la nature prédatrice de sa présence sur le continent.

Un sommet pour repenser les relations avec l’Afrique ?

Le 28ème sommet Afrique-France qui s’est tenu ce vendredi 08 octobre en France, à Montpellier, dans le format, est une nouveauté. Réunissant habituellement, autour du président français, les chefs d’Etat africains, ce sommet, pour une première fois, change la démarche, ignore les dirigeants africains, pour inviter à leur place les acteurs de la société civile africaine. Mais cela n’est pas sans poser des interrogations. En effet, s’interrogeant sur l’absence des chefs d’Etat africains à ce sommet, Nadot, un député français, se demande « si Emmanuel Macron se prend pour le président des Africains ». Comme quoi, l’opinion française même s’agace du comportement de leur France en Afrique, ne pouvant comprendre pourquoi la France veut-elle choisir pour les Africains comme si, frappés de malédiction, ils seraient incapables de choisir par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Cette infantilisation de l’Afrique et de leurs dirigeants de saurait continuer.
Officiellement, cette démarche novatrice vise à écouter mieux les peuples pour savoir ce que l’Afrique attend de la France et donc, conséquemment, le sommet vise à redéfinir ces relations avec le continent. Mais la France, on le sait, a plus d’une flèche à son arc et c’est pour cette raison que nombre d’acteurs doutent de cette intention d’Emmanuel Macron qui, sous son règne, a conduit ces relations, à un niveau exécrable qui répugne les peuples. Est-ce donc pour renverser la tendance que le président français a choisi cette rencontre avec la société civile quand on sait que depuis quelques années, c’est normalement cette société civile qui ne s’embarrasse pas de dire à la France des vérités qui gênent ?


Faut-il croire à une mise en scène ?
Pour certains observateurs, ce n’est qu’une diversion cette mise en scène orchestrée à Montpellier avec des jeunes dont beaucoup peuvent enfin, sans emprunter les voies de la clandestinité, aller en France dans le confort, car si tant est que la France a besoin de changer, elle n’a pas besoin de ce détail qui ne veut absolument rien dire tant qu’elle peut continuer à copiner avec des dirigeants impopulaires, mal élus, corrompus. On est d’autant plus sceptique que ceux qui ont eu le privilège du voyage de Montpellier, ne sont pas représentatifs des sociétés civiles pour porter devant le chef d’Etat français les véritables préoccupations des peuples du continent. Les visages que l’on a vus-là n’ont pas rassuré l’opinion africaine. Comment ne pas se poser cette question quand par exemple pour le cas du Mali où, même avec une activiste qui, sans complexe, a bousculé le président Macron par son intervention trop agressive, l’on découvre sur les réseaux sociaux un communiqué du CNJ relatif à la présence de la jeunesse au compte du Mali au sommet Afrique-France à Montpellier. Qui a pu donc choisir dans les pays ceux qui doivent partir ? Est-ce les gouvernements des pays invités ? Si c’est le cas, sans doute qu’il aurait fallu mieux inviter les chefs d’Etat eux-mêmes car les dirigeants ne peuvent pas pousser les acteurs qui leur sont hostiles et qui peuvent dire tout le mal de leur gouvernance décriée. Cela semble malheureusement être vrai pour le cas du Niger où c’est un « jeune » issu d’une certaine bureaucratie associative vivant dans les antichambres du pouvoir et de ses conforts qui a été envoyé, presque sans avoir un message à porter devant Macron, se contentant de faire des selfies ainsi que l’en accablent les réseaux sociaux irrités de le voir faire des photos à partager sans doute pour dire autour de lui qu’il est en France, au grand sommet de Macron. Mais encore, ceux qui sont partis, est-ce le choix des sociétés civiles elles-mêmes ? Il n’est que difficile de le croire quand on peut voir la qualité de ceux qui sont envoyés et dont certains, se contentant du tourisme dont ils ont l’avantage par un tel voyage, ne peuvent avoir une voix pour se faire entendre et faire entendre les préoccupations de leurs peuples. Pourquoi ne peut-on pas voir là Maikoul Zodi, Ali Idrisa, Bana Ibrahim, Samira Sabou, Tchangari, Nouhou Arzika, Kaocen Maiga (qui se trouverait même en France) et tant d’autres ? Mais est-ce encore le choix des ambassades de France dans les pays invités ? Celles-ci qui n’agissent qu’en concertation avec les autorités des pays dans lesquels elles sont accréditées et qui connaissent pourtant bien les grandes voix de la société civile dans nos pays, pourraient, pour ne pas offusquer leurs interlocuteurs dans le pays, faire le choix qui leur convient. Pour autant, il faut reconnaitre que l’initiative est tout à fait louable et espérer que demain, on en tiendra compte pour opérer des choix qui conduisent en France de vrais acteurs de la société civile qui peuvent dire, tout ce qui ne va pas dans les pays, d’un point de vue de la gestion démocratique, de la gouvernance économique, de l’état des droits des humains entre autres.


Des débats houleux et francs…
Il faut quand même saluer ce courage chez le président français qui, après Ouagadougou, peut aujourd’hui, dans une ville française, rencontrer une certaine jeunesse africaine pour avoir un échange direct avec elle, presque sans tabou, sachant tous les risques d’une telle initiative quand aujourd’hui, cette jeunesse qui en marre d’une certaine politique française sur le continent, pourrait sortir de la courtoisie des traditions pour tenir à son endroit un discours décomplexé, vexatoire. Ainsi qu’on peut le prévoir ou le craindre, les débats avaient été houleux, passionnés et l’on peut au moins reconnaitre le sang-froid du président français à contenir tant de reproches faites à l’endroit de la France et de sa façon de gérer ses relations avec le continent. Il a alors été question du soutien de la France à des autocrates, à des dictateurs et surtout son immixtion dans les élections africaines pour imposer des dirigeants qui, comme ceux issus d’un coup d’Etat qu’il dénonce, pourraient ne pas avoir de légitimité, mais couverts d’une légalité fragile que leur donnent des élections bancales, contestables. Emmanuel Macron a eu une certaine écoute pour ceux qui lui dit ces vérités que l’on peut entendre partout sur le continent. Peut-être a-t-il tiré les leçons de ce parcours avec le continent pour comprendre enfin qu’il y a à revoir ces relations, à les repenser pour qu’elles répondent mieux aux attentes des deux peuples. C’est du moins ce que l’on peut penser quand on considère les réactions du président français notamment lorsqu’il parle, pour répondre à ses interlocuteurs, d’« investissement solidaire » et « d’accompagnement », non d’aide. De ce point de vue, la rencontre est sans doute à saluer et à perpétuer. La meilleure de la France, est d’aider les Africains à s’approprier leur démocratie pour que leurs dirigeants ne leur imposent pas la démocratie de leur choix.


Rêver d’un nouveau départ dans la relation France-Afrique ?
Peut-on espérer un changement de paradigme dans les relations France-Afrique par la tenue de ce sommet Afrique-France qui rompt avec les traditions pour choisir, au lieu des dirigeants, les acteurs sociaux ? C’est la forme qui a changé, peut-être pas le contenu et il y a de bonnes raisons de douter. Des intellectuels français, doutent aussi. C’est le cas de Sébastien NADOT, Député de la République française qui a réagi à la tenue du sommet de Montpellier. Comme nous l’écrivions plus haut, doutant de la représentativité de ceux qui sont invités en France, il s’interroge ; « Où est la jeunesse africaine qui combat pour la liberté et la démocratie ? Où sont les représentants des diasporas soucieux de démocratie pour leurs pays d’origine ? ». On ne les voit pas. Peut-être ont-ils été à dessein soigneusement écartés de la grande messe pour ne pas entendre d’autres vérités plus blessantes. Et le Député poursuit en se disant que : Ceux qui ont à coeur la démocratie pour leurs pays et attendent de la France une aide sincère en la matière n’ont pas été invités par Emmanuel Macron, car trop bruyants, pas assez dociles pour lui à n’en pas douter ». On comprend qu’on ne puisse voir là que ceux qui partent pour le selfie des balades et des foules. Enfin, pour les nôtres.


Les débats, peuvent relever tous les observateurs, avaient été francs et riches, mais en tenir compte demain, dans la gestion des relations décriées, reste le pari difficile à gagner, demeure tout le problème car, ils sont nombreux à ne pas croire que la France puisse être capable d’opérer des changements dans ce domaine, déterminée à garder une « Afrique utile » dans son giron afin de sauvegarder les intérêts que l’on sait. C’est, du reste, pourquoi certains croient à une mise en scène, à un certain folklore dont la France est coutumière pour endormir les consciences et faire croire qu’elle serait prête à changer, comme c’en est le cas pour le franc CFA qu’elle ne peut toujours pas libérer malgré ses professions de foi.
Ce sommet, n’est qu’un bluff, dès lors qu’on n’a pas vu, la vraie société civile qu’on aurait aimé voir là. C’est en cela peut-être, comme le pense le député français, qu’il faut voir en cette rencontre mise en scène une volonté d’entrer en campagne pour soigner son image auprès des opinions françaises et africaines surtout quand on sait que c’est sous son mandat que le sentiment anti-français s’est davantage développé sur le continent. Ainsi, dira Nadot, « Il est vrai qu’à moins d’un an des élections présidentielles françaises, il aurait été inconfortable pour Emmanuel Macron de s’afficher aux côtés de dictateurs africains, qui bénéficient pourtant du soutien complaisant et intéressé de la diplomatie française ». Certains visages de chefs d’Etat devenus encombrants, s’ils venaient à faire du selfie avec lui pourraient, au regard de leur réputation, lui ruinée son image et ce à quelques pas de la présidentielle qui risque d’être âprement disputée malgré les divisions qui affaiblissent tant la Droite que la Gauche, incapables toutes de rassemblement et de consensus autour d’un candidat fédérateur.


Les Africains ont donc raison de douter. Le sommet de Montpellier est une parodie. C’est pourquoi, la société civile ne doit pas se laisser corrompre par les conforts des voyages en France pour croire à la lutte, le seul moyen de se battre pour la dignité des peuples qui doivent comprendre la responsabilité qu’ils ont à se prendre en charge.


On ne peut plus jouer avec la conscience des peuples qui aspirent à la dignité et à la responsabilité, à la liberté et à la grandeur.


WAZ zA