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Tribune - NIGER : non au musèlement des voix critiques !

Moussa Tchangari TribuneMoussa Tchangari, intellectuel nigérien, Secrétaire général de l’association Alternative Espaces Citoyens et militant de longue date des droits humains, a été enlevé par quatre hommes non identifiés à Niamey le 3 décembre 2024, au retour d’un voyage à Abidjan, en Côte d’Ivoire, et Abuja, au Nigeria. Il a été détenu 48 heures au secret après son enlèvement, avant d’être finalement localisé au « Service Central de Lutte contre le Terrorisme et la Criminalité Transnationale Organisée » où il a pu rencontrer son avocat.

Très rapidement, les charges pesant contre lui ont été communiquées, avec un air de déjà vu au Sahel : « apologie du terrorisme, atteinte à la sûreté de l’État et association de malfaiteurs en relation avec le terrorisme ».

Depuis le coup d’Etat militaire du 26 juillet 2023, qui a renversé le président Mohamed Bazoum et mis fin à l’ordre constitutionnel du Niger, les libertés individuelles et collectives ont été de plus en plus bâillonnées par le régime en place avec toujours la même stratégie : s’appuyer sur la désinformation et user d’une rhétorique virulente sur les réseaux sociaux contre quiconque émet la moindre réserve sur les choix politiques et diplomatiques du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). Nous constatons avec la plus grande inquiétude que, depuis un an et demi, l’espace civique se rétrécit comme une peau de chagrin au Niger. Avec l’arrestation de plusieurs journalistes ou bloggeurs, il s’est ainsi installé progressivement un climat pesant d’autocensure, que l’on retrouve aussi malheureusement dans plusieurs pays de la sous-région aux mains des régimes autoritaires.

Moussa Tchangari, lui, est resté constant dans sa posture de voix critique qu’il a toujours été, y compris contre le régime renversé par les militaires. Il a d’abord publié plusieurs textes dans les semaines qui ont suivi le coup d’Etat, dont cette analyse d’une implacable lucidité sur le danger militariste au Sahel. Il twittait aussi régulièrement en mettant le doigt, avec la verve qui le caractérise, sur les petites et grandes misères de la gouvernance des pays sahéliens, sans oublier les errements de la politique française en Afrique.

Moussa Tchangari est un esprit libre, d’une grande exigence intellectuelle, et ses convictions progressistes et anti-impérialistes n’ont jamais varié. Cela lui a valu, non seulement des ennuis judiciaires sous plusieurs gouvernements (et l’ostracisme de diplomates français en poste dans son pays), mais aussi et surtout pléthore d’invitations, en Afrique et en Europe notamment, pour participer à des réflexions de haut niveau sur la démocratie, la crise sécuritaire au Sahel, ou encore les droits humains à l’épreuve des régimes d’exception.

Il y a comme une ironie désespérante à ce qu’un homme d’une telle intégrité soit arrêté et accusé avec des charges aussi graves, alors même qu’il pourrait, avec d’autres compatriotes de sa trempe, contribuer pleinement à une concertation nationale sur la définition d’un nouveau contrat social au Niger, étape indispensable pour un pays plongé dans une crise multidimensionnelle d’une extrême gravité.

Nous avons la ferme conviction que l’arrestation de Moussa Tchangari est déraisonnable et abusive : elle ne vise qu’à réduire au silence les voix critiques. Nous, les soussignés, estimons qu’il y va de la crédibilité de la justice nigérienne de faire libérer sans délai Moussa Tchangari afin de lui permettre de continuer à assumer son rôle, essentiel, de citoyen-militant éclairé et vigilant.

Soutien à Moussa Tchangari : liste des signataires de la tribune

  1. Gus Massiah - Économiste (France)
  2. Yvan Guichaoua - Chercheur indépendant (France)
  3. Marc-Antoine de Montclos - Directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (France)
  4. Jean-Pierre Olivier de Sardan - Directeur de recherche émérite au CNRS (France), chercheur au LASDEL (Niger) (France-Niger)
  5. Seidik ABBA - Journaliste-écrivain (Niger)
  6. Ornella MODERAN - Chercheuse (France-Togo)
  7. Ronald Cameron - Responsable de la rédaction au Journal des Alternatives (Canada)
  8. François Polet - Chargé d'études au CETRI (Belgique)
  9. Amadou MBOW - Réseau ROA-PRODMAC (Sénégal)
  10. Mamadou DIOUF-Mignane - Forum Social sénégalais (Sénégal)
  11. Alioune TINE - Président et fondateur d'Afrikajom Center (Sénégal)
  12. Alexandre Gubert Lette - Président de Tournons La Page Sénégal (Sénégal)
  13. Philippe Nanga - Coordinateur de l'association Un Monde Avenir (Cameroun)
  14. Lamin Ould Salem - Journaliste-écrivain (Mauritanie)
  15. Élias M. F. BEHANZIN - Coordinateur Pays de Tournons La Page Bénin (Bénin)
  16. Alseny Farinta CAMARA - Coordinateur Pays de Tournons La Page Guinée (Guinée)
  17. Ibrahima Diallo - Juriste et co-fondateur du FNDC (Guinée)
  18. Kaourou Magassa - Journaliste (Mali)
  19. Félicité Doubangar - Communicante (France-Tchad)
  20. Venance Konan - Écrivain (Côte d'Ivoire).