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Niger - Enseignement supérieur : Le mensonge des recteurs des universités publiques

Universite Abdou Moumouni Niger Pierre MartinotL'Université Abdou Moumouni, Niger © Pierre MartinotDu 22 au 24 juillet 2024, la Conférence des Recteurs des Universités Publiques s'était tenue à Tahoua pour examiner, comme elle le fait chaque année, la situation des Universités Publiques. Mais, avant d'y aller, tout le monde sait que les universités publiques font face à d'énormes difficultés dont justement la régularité des années académiques au nom desquelles les étudiants, depuis des années, parlaient d'années kilométriques, sinon élastiques, car un étudiant peut y passer trois ans pour se rendre compte qu'il n'a même pas fini sa première année. Ils n'ont(les recteurs) donc pas dit, parlant des années académiques, la vérité sur les Universités Publiques. Cette situation avait discrédité l'Université Abdou Moumouni qui a manqué d'infrastructures et d'enseignants suffisants au point où beaucoup de bacheliers étaient amenés à faire le choix de certaines universités de l'intérieur. Des efforts sont faits depuis des années mais, pour autant, peut-on dire, ainsi que la Conférence le note dans son communiqué de presse, que " Les années académiques sont normalisées dans toutes les Universités Publiques du Niger (UPN) [affirmant qu'] il n'existe plus de chevauchement d'années " ? Ce n'est pas vrai.

Déjà en partie, la suite du communiqué de presse vient faire douter de cette affirmation quand la Conférence précise : " En ce qui concerne l'année académique 2023-2024, tous les cours et évaluations seront terminés au plus tard le 30 septembre 2024, [ajoutant] que la rentrée pour les nouveaux bacheliers s'échelonnera, selon les universités, du 2 au 16 septembre 2024 ". Quand la conférence parle au futur, c'est que l'on n'est pas dans l'accompli, et donc que l'on est dans ce qui reste à accomplir. Quoique dira la Conférence, la normalisation des années scolaires reste un voeu vieux qui reste encore à chercher, demeurant un défi à relever ; toute chose impossible tant qu'on laissera certains enseignants faire ce qu'ils veulent, incapables de se mettre aux pas pour être dans la même dynamique afin de permettre que les universités atteignent cet objectif important.

Tout le monde sait que beaucoup d'étudiants, en licence 3, n'ont pas pu finir après plus d'un an, et jusque-là, pour un cursus qui est principe de neuf mois. Il suffit d'aller se renseigner à la faculté de droit et sans doute à la faculté des lettres pour avoir des exemples. Mais, voilà qu'ils sont nombreux à ne pas finir leurs cursus dans le temps imparti, sans compter de nombreux autres étudiants qui, inscrits en master ou en thèse, attendent depuis des années pour finir ou pour soutenir. Ces cas sont pourtant réels et vérifiables. Il suffirait que les doyens rendent compte de la situation par département et par inscription pour relever ces réalités qui donnent peu raison à la Conférence des Recteurs. Il faut peut-être adopter une nouvelle manière d'évaluer les enseignants pour que, sur cet aspect de la régularité des années, l'on puisse voir les changements espérés et pour que les universités retrouvent leur lustre d'antan. On est peut-être sur le chemin mais, à la vérité, l'on n'y est pas encore.

D'ailleurs, les problèmes des Universités Publiques ne sont pas qu'à ce niveau. Il y a en effet beaucoup d'autres problèmes. Si la Conférence remercie à juste titre les enseignants-chercheurs, les chercheurs, les enseignants technologues, les vacataires, le personnel administratif et technique et les étudiants qui paient tous l'explosion des effectifs au niveau des universités où les infrastructures n'ont toujours suivi, il reste à comprendre et à regretter que les hiérarchies universitaires n'ont que peu d'influence et d'autorité pour faire changer certains comportements, quand, dans certains cas, ainsi que notre journal l'avait relevé, les paiements des vacataires obligent les concernés à attendre longuement, souvent plus d'une année, s'ils n'ont pas la chance d'être omis par la comptabilité pour les soumettre à des aller-retour interminables entre les facs et le services-comptables des rectorats. La gestion des universités est donc à revoir, notamment dans le fonctionnement des hiérarchies instituées et la gestion des fonds qui leurs sont alloués. L'enseignement supérieur coûte cher. C'est pourquoi, en même temps que l'on condamnerait la gestion des universités, l'on peut regretter que l'Etat ne donne pas toujours les moyens qu'il faut pour que les universités fonctionnent mieux.

Il y a aussi la gestion des centres des oeuvres régionaux universitaires qui sont, ainsi que nous l'avions si souvent décrié, des espaces d'un affairisme qui ne peut permettre d'aider les enfants du peuple à vivre dans des conditions moins stressantes quand, pour aller aux cours, ils doivent se lever dès 5 heures quelquefois, afin de ne pas rater le bus. Ces allégations sont d'autant fondées que, la rentrée du 2 septembre s'était faite avec un mot d'ordre de suspension de toutes les activités académiques de 72 heures, remettant au goût de l'opinion, les malaises de l'Université Abdou Moumouni de Niamey, la plus grande et la plus vieille du pays. Si la question du transport est mise en avant, l'on sait que d'autres questions sont laissées en suspens, notamment la question des bourses, de l'aide sociale et autres problèmes académiques.

Ce que la Conférence des recteurs ne dit pas et qui est aussi important est la gouvernance des centres Régionaux des OEuvres Universitaires (CROU) qui sont, à la faveur de la démocratie et du choix partisan des hommes, des hauts lieux d'affairisme où des hommes, par des prestations de moindre qualité, s'engraissent sur le dos des enfants des pauvres. Pourtant, certains peuvent se rappeler qu'il y a quelques décennies la qualité de ce qu'on appelait alors CENOU offrait aux étudiants, leur faisant déjà envier la vie du fonctionnaire. On leur offrait jusqu'au rôti ! On n'est plus à cette époque. La démocratie venait tout gâter dans ce pays.

De la même façon que l'école publique cherche aujourd'hui ses marques, les Universités Publiques doivent faire le bilan de leur parcours pour voir les défis qui se posent à elles afin d'en faire des centres d'excellence orientés vers des secteurs modernes à même de servir le marché de l'emploi et le progrès du pays. Il y a, en effet, dans le cadre du LMD, des formations pointues vers lesquelles les Universités Publiques doivent tendre pour mieux attirer la jeunesse du pays pour des formations de qualité pour lesquelles l'on n'aura plus besoin d'aller à l'extérieur. Cela est aussi de l'ordre de la souveraineté. Mais, pour que cela soit, l'Etat doit consentir à donner les budgets qu'il faut. La recherche et l'enseignement supérieur coûtent cher, c'est une vérité. C'est aussi en ce moment que l'Etat peut être exigeant visà- vis des Universités pour leur demander, mieux, leur exiger des résultats tout en auditant la gestion des budgets alloués .

Mairiga (Le Courrier)