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Productions agricoles à Tahoua : Quand l’arachide redevient une culture de rente

Mil, maïs, sorgho, niébé, riz, oignon et divers produits maraichers, sont entre autres les cultures les plus répandues dans les zones agricoles de la région de Tahoua, notamment au niveau de la basse vallée de la Tarka, la Maggia et la vallée de la Tadis. Les activités agricoles s’y pratiquent en hivernage et sur toute l’année (à travers l’irrigation). Cependant, ces dernières années, la diversité culturale s’ouvre sur la rente de l’arachide qui intéresse certains paysans. En effet, la saison hivernale qui s’achève témoigne, à plus d’un titre, de l’ampleur de cette tendance. A Tahoua il est aisé de constater que les paysans producteurs, qui prennent dès l’aube le chemin de champs, qui à bord des charriots-motos-tricycles ou de véhicule, ramènent pour la plupart des bottes d’arachide fraiches et bien mûres. 

C’est le cas d’un certain Abdourahamane Mahamane venant de Garin Sarki, un village d’à côté, en route pour la ville de Tahoua. A bord de sa moto un sac d’arachides fraichements recoltées avec feuilles vertes et coques qu’il travaillera à la maison. Nous sommes dans les bas-fonds de la Tadis, à l’ouest de la ville, à quelque 2 à 3 kms du quartier Guebin Zogui. L’homme au turban ralentit et s’arrête à notre sollicitation. « De Garin Sarki, où je viens l’arachide a bien donné cette saison, vraiment nous ne pouvons que remercier Dieu », affirme Abdourahamane.

A l’aide de sa famille, il a cultivé un hectare dont une portion pour l’arachide. Quant au moringa, sur l’autre partie, il n’a pas « donné » du fait des insectes ennemis de cultures. Il se rejouit de pouvoir mettre sur le marché au moins 12 sacs d’arachides graines. « une chance, car les autres cultures à savoir le mil, le maïs et le moringa ont subi les ravages des criquets. Mais, l’arachide à moins souffert parce qu’elle a ses gousses sous terre», témoigne le producteur. Selon lui, le sac de l’arachide se vend actuellement à 13.000 voire 14.000 FCFA, celui de ses résidus notamment les feuilles utilisées comme fourrage se vendent aussi cher sur le marché. Dans peu de temps, ces prix grimperont de 13.000FCFA à 18.000FCFA pour l’arachide, et de 1.000FCFA à 2.000FCFA ou un peu plus pour la paille.
« L’arachide est produite assez facilement par rapport aux autres cultures, et ne demande pas de l’engrais chimique », précise notre interlocuteur.

Sur un lopin de 0,3 hectare, un autre producteur sarcle, soigneusement, daba entre les mains, les plants d’arachide. « Elle a presque muri, dans quelques jours je l’enlèverais pour me consacrer à mon moringa », indique Ousseini Abarchi. Alors qu’elle ne constituait pas sa priorité, le jeune producteur de 32 ans dit pouvoir bientôt la mettre sur le marché et, avec les fonds, préparer la campagne des cultures de contre-saison. 

Un sol favorable et un accès à des semences de qualité et adaptées

Si les services techniques ne s’étonnent pas de ce choix des producteurs, ni de l’aptitude favorable des bassins de l’Ader à la culture, encore moins de l’ampleur qu’elle prend, l’arachide ne figure pas pour autant sur les fiches de suivi des productions de la région.

De par sa situation géographique, entre la partie saharienne et la bande nord soudanienne de notre pays, Tahoua, région semi-aride, typiquement sahélienne, est une zone aux potentialités agricoles multiples et multiformes. « Pour l’arachide, d’abord il faut noter que nous avons un sol favorable, notamment dans le département de Madaoua, le département d’Illéla, dans la zone de Tahoua, dans le département de Keita et une partie de Bouza. Nous avons ensuite des producteurs qui connaissent la technique de production de l’arachide et nous avons la possibilité d’avoir des semences de qualité avec l’antenne régionale de l’INRAN », explique M. Harouna Abdou Zogui, directeur régional de l’agriculture.

« Les conditions sont les mêmes du point de vue général. Notre agriculture est jusqu’aujourd’hui rudimentaire, avec des moyens traditionnels. Néanmoins, à Tahoua nous avons évolué, des semences traditionnelles aux semences améliorées. Les producteurs utilisent de plus en plus ces semences adaptées qui leur permettent non seulement de faire face aux effets du changement climatique qui se traduisent notamment par l’irrégularité des pluies, mais aussi pour améliorer la productivité », ajoute le directeur de l’agriculture de la région de Tahoua.    

Avec les partenaires qui interviennent dans le cadre de la sécurité alimentaire, les services techniques aménagent des parcelles de démonstration pour voir la possibilité de produire telle ou telle spéculation dans la zone. « Une fois les démonstrations conclues, nous passons à la vulgarisation. Les producteurs essaient, et nous faisons la mise à échelle de production, avec l’appui de l’Etat et de ses partenaires », indique M. Harouna Abdou Zogui.   

Le directeur régional de l’agriculture soutient qu’effectivement,
« certains producteurs, en fonction de l’année, produisent de l’arachide. Au-delà du chef-lieu de la région, c’est le cas également dans le sud du département de Madaoua ». C’est dire, qu’ici, les sols sont variés en termes de fertilité. Selon les techniciens, le maraichage, qui fait utiliser beaucoup d’engrais, contribue à la fertilité des sols pendant l’hivernage. Mais, au niveau des plateaux rocailleux, les sols aussi propices soient-ils, ont un problème de perméabilité ce qui limite dans certaines zones la production.  

L’arachide est, ainsi, de plus en plus cultivée en période hivernale, tout comme en culture irriguée de saison sèche dans la région de Tahoua. Dans la vallée de Tadis, elle prend place au milieu des cultures maraichères, le plus souvent entre les lignes de moringa. Cet engouement pour l’arachide trouve ses raisons sur sa valeur marchande, d’autant plus que rien ne se perd, les feuilles et graines. 

Entre l’huile, la patte, le tourteau, les feuilles : rien ne se perd, tout a de la valeur

Mme Samy Mariama Attahir, résidente du quartier Guebin Zogui, connue sous le nom de Ayam Attahir, travaille l’arachide, de la production à la commercialisation en passant par la transformation. La cinquantaine révolue, elle est propriétaire d’un jardin de 4 hectares où elle cultive du maïs, du moringa, de la tomate, du chou, du poivron, et bien évidemment de l’arachide. Sa dernière récolte remonte à un mois. « Je travaille l’arachide, parce qu’en plus de sa culture en quantité, j’en fais de l’huile, de la pâte, du tourteau et de la farine pour enfants malnutris. La dernière récolte j’ai eu 10 grands sacs d’arachide sans compter la paille », confie Mme Ayam. Dans son magasin qu’elle a bien voulu nous faire visiter, il ne reste plus qu’un sac. Au bout d’un mois, la productrice a presque tout transformé et écoulé. En attendant sa prochaine production (en irrigation) Ayam s’approvisionnera, au besoin, au marché ou auprès de la coopérative dont elle est membre.

« La teneur en huile de l’arachide est question de chance. Un sac peut donner 7 à 10 litres. Le litre est à 1.500FCFA en cette période. Ensuite, le résidu du pressage sert à faire du tourteau et sur un sac on peut avoir pour 15.000FCFA. On ne peut dire qu’Alhamdoulillah, Dieu merci ! », dit-elle.

En période de soudure, le sac de l’arachide se payait à 26.000FCFA sur le marché. Ce qui a fait systématiquement monter les enchères chez les transformatrices qui ont vendu le litre d’huile à 2.500FCFA. « Quant au tourteau, il nous arrive de ne pas le travailler. Les bouchers, qui l’utilisent comme ingrédient pour faire le ‘’kilichi’’ à base de viande séchée, nous l’achètent tel quel».    

« Depuis longtemps, enchaine notre interlocutrice, on a toujours cultivé de l’arachide à Tahoua. Mais les gens préféraient beaucoup plus les céréales mil-maïs-sorgho. Nous avons compris maintenant le profit plus avantageux qui réside dans la culture de l’arachide. Puisque avec celle-ci on ne perd jamais. Même si les graines n’ont pas donné, on peut s’en sortir avec la partie feuilles très recherchées comme fourrage. Et c’est très important pour celui qui fait parallèlement de l’élevage. Le sac de la paille d’arachide vaut actuellement sur le marché 1.000FCFA. Dans quelques mois, il sera autour de 2.000FCFA à 2.500FCFA. Et pour chaque sac d’arachides graines recolté, vous avez au moins une dizaine de sacs de paille », affirme Mme Samy Ayam. Aujourd’hui, selon elle, un peu plus loin dans la Tadis, certains producteurs consacrent des hectares pour la culture exclusive de l’arachide. « Nous la cultivons beaucoup, parce que nous avons compris qu’elle est une valeur sûre », a-t-elle dit. 

Cependant, la productrice-transformatrice nous apprend que lorsqu’on veut de l’arachide à forte teneur en huile et autres dérivés, l’engrais chimique n’est pas le choix idéal. « Personnellement je fais de l’arachide bio. Je n’utilise que de l’engrais naturel. Et nous avons la chance que sur notre site, le sol n’est pas épuisé et c’est un sol sablonneux propice pour l’arachide », souligne-t-elle.

Mme Samy Ayam est par ailleurs présidente de l’Union des coopératives des groupements des femmes productrices et transformatrices de la vallée de Tadis.
« Nous nous réunissons quand nous devons travailler en association, et parallèlement chacune est libre d’exercer chez elle. L’avantage de l’association, c’est les facilités avec les matériels plus adéquats et surtout la formation et l’entraide. L’union a commencé ses activités par un fonds constitué de nos propres cotisations. Aujourd’hui ce fonds est fructifié et nous profite toutes », affirme la présidente de l’Union.

Entre autres facilités qu’offre l’association à ses membres, il y a notamment l’accès aux appuis dans le secteur. Récemment, d’après la présidente, elles ont bénéficié de semences maraichères améliorées et résilientes de la part de l’initiative 3N et de la mairie. « Les autorités nous ont apporté aussi des motopompes pour l’irrigation. Il y’a également des ONG qui nous accompagnent parmi lesquels World Vision qui nous a fait un forage, en plus de doter nos membres en kits de petits ruminants pour l’élevage. L’année dernière, l’organisation internationale pour les migrations (OIM) nous a aussi apporté des motopompes avec tuyauterie. Il y’a beaucoup d’autres partenaires qui nous accompagnent nous ne pouvons que rendre grâce à Dieu, Alhamdoulillah », a-t-elle conclu.

Par Ismaël Chékaré(onep)

Source : http://www.lesahel.org