L’air du temps : Délit d’extravagance…
Depuis jeudi matin, une vidéo relative aux préparatifs d’un mariage dans un coin de Niamey est devenue virale sur les réseaux sociaux. Sur cette vidéo largement partagée et commentée, on voit un homme jouant le rôle de représentant du futur jeune marié sortant d’un sac des ‘’bottes’’ de billets de banque en coupures de 10.000 FCFA : « 2 millions pour le beau-père, 2 millions pour la belle-mère, 10 millions pour la future jeune mariée rien que pour acheter ses habits, ses bijoux et son maquillage et 500.000 F pour dédommager et consoler les grands-pères et grands-mères évincés », tel était le message du…messager ! Dire qu’il n’est même pas fait mention du pilier principal du mariage qu’est la dot…
A priori, tout cela ne regarde que les concernés, et tous ceux qui s’en émeuvent pourraient être soupçonnés d’aigreur et de jalousie morbide. Au demeurant, si l’extravagance n’est peut-être pas un délit au sens de la loi, elle l’est du point de vue de la morale culturelle et sociale.
Le problème avec la scène véhiculée par la vidéo en question, c’est que nous sommes au Niger, un pays indexé comme étant un des plus pauvres au monde. Et, en toute évidence, dans un pays où près de 80% des âmes qui vivent n’ont jamais eu l’honneur et le plaisir de ‘’palper’’, rubis sur ongle, la fameuse ‘’brique’’ du million, une telle exhibition de fortune, à coup (et pour coût !) de 14 millions de francs FCFA pour un mariage, ne saurait laisser l’opinion publique totalement indifférente.
Il est vrai que nul ne saurait dénier à un heureux et nanti prétendant le droit d’honorer sa belle-famille en lui octroyant des millions et de couvrir sa future épouse de tout l’or du monde mais, une fois de plus, nous sommes au Niger ! Aussi, il y a bien lieu de craindre que ces gestes ne déclenchent d’autres déluges de billets pour d’autres mariages, sachant à quel point les effets du mimétisme sont très forts dans notre société. Le danger, c’est que ce geste d’exhibition d’extrêmes largesses peut servir de prétexte à certaines ‘’Waïgna’’ gloutonnes aux gros orteils pour exiger de leur futur beau-fils l’équivalant d’une telle somme en échange de la main de leur fille qu’elles trouvent belle comme un astre.
Sur un tout autre plan, force est de constater que ces images ne collent pas avec le contexte et la vision du moment, sachant que ces dernières années, tout le monde est unanime à dire que les dépenses extravagantes, parce qu’elles sont trop ruineuses et participent à travestir le vrai sens de l’institution du mariage, doivent être bannies de nos pratiques. Surtout que cela permettra de donner plus de chance à nos jeunes filles et garçons de convoler en justes noces en toute modestie, au lieu de trainer dans les maquis et autres lieux de débauche. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’au niveau de plusieurs entités de notre pays, des initiatives sont prises par les autorités administratives et coutumières en vue de limiter au strict minimum le coût de la dot du mariage ainsi que des dépenses connexes. A défaut, ce sera, comme dirait l’autre, à chacun selon ses moyens…
Assane Soumana
07 janvier 2022
Source : http://www.lesahel.org/