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L’Afrique veut accélérer sa croissance

Traverser le désert, puis la Méditerranée

De l’argent frais, mais à quel fin? «L’augmentation du capital – le montant n’est pas encore précisé – est urgente, a plaidé Charles Boamah. Nous devons par exemple donner une perspective aux jeunes si l’on veut éviter qu’ils prennent le risque de traverser le désert, puis la Méditerranée dans l’espoir de se retrouver en Europe.» Chaque année, 10 à 12 millions d’Africains arrivent sur le marché du travail. La BAD vise à augmenter leur employabilité en les formant dans tous les domaines, y compris dans les nouvelles technologies et la finance.

Pour Charles Boamah, la migration, aussi illégale que périlleuse qu’elle soit, n’est pourtant que le sommet de l’iceberg. «Il y va de la sécurité non seulement de l’Afrique, mais de toute la planète, a-t-il dit. A présent, sa démographie apparaît comme un atout. La population africaine passera de 1,8 milliard d’habitants en 2017 à 2,4 milliards en 2050. Si on ne fournit pas de perspectives aux jeunes, ce sera un désastre démographique.»

L’Afrique produit 75% du cacao mondial

Grâce aux nouveaux financements, la BAD entend accélérer l’industrialisation du continent. Notamment en investissant dans les infrastructures (transport, énergie, communication). La part de l’industrie dans le produit intérieur brut (PIB) africain atteint seulement 2%. «Cette situation est restée inchangée depuis des années», a reconnu Charles Boamah. Selon lui, l’Afrique doit renforcer sa part de valeur ajoutée dans la chaîne de production à partir de ses matières.

Lire également: Le marché mondial du cacao est déprimé

Par exemple, le continent, essentiellement la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Cameroun et le Nigeria, fournit 75% du cacao mondial. Mais il ne gagne qu’environ 800 millions sur 110 milliards de dollars générés par l’industrie chocolatière dans le monde. «Par-dessus tout, les producteurs ne sont pas à l’abri des fluctuations des prix sur lesquels ils n’ont aucune prise, a fait encore remarquer le vice-président de la BAD. L’idée n’est pas de constituer une sorte de l’OPEP du cacao, mais de fournir, autant que faire se peut, des produits finis ou semi-finis.»

Autre priorité: l’agriculture et la sécurité alimentaire. Au total, 65% des terres arables non cultivées dans le monde se trouvent en Afrique. Et pourtant, celle-ci importe des vivres pour 35 milliards de dollars par an. «Si rien ne change, la facture montera à 100 milliards en 2030», a poursuivi Charles Boamah qui, de nouveau, évoque le déficit d’infrastructures pour expliquer le désastre. En effet, entre 30 et 40% des récoltes sont perdues dans les champs ou mangées par des rats faute de transport et de capacité de stockage.

La Chine, nouvel acteur

En matière de nouveaux capitaux, la BAD salue l’apport de la Chine. Cet acteur finance des infrastructures ainsi que des projets industriels et agricoles depuis une vingtaine d’années. Mais pour son vice-président, «les Etats doivent négocier des contrats de qualité dans la transparence et veiller à ce qu’ils en bénéficient autant que les investisseurs chinois».

Enfin, l’Afrique peut-elle vraiment décoller sans s’engager dans une lutte ferme contre la corruption? «Non, a répondu Charles Boamah. La bonne gouvernance est une priorité. La BAD a pris de nombreuses initiatives pour assurer la transparence dans la gestion des affaires publiques.» Exemple: grâce à une refonte de l’office des impôts au Togo, les rentrées fiscales ont doublé d’une année à l’autre.


Contrats à la BAD: les entreprises suisses sont encore timides

Routes, rails, télécoms, électricité, eau, conseil, la Banque africaine de développement (BAD) finance de nombreux projets dans 54 pays d’Afrique. A hauteur de 2 milliards de dollars par année. Les contrats sont alloués à la suite des appels d’offres lancés dans tous ses pays membres, dont la Suisse.

La plupart des entreprises suisses ignorent toutefois cette manne. En 2016, elles ont décroché environ 2% de l’ensemble des contrats. C’est certes plus que le capital souscrit par la Confédération (1,51%), mais selon Catherine Cudré-Mauroux, directrice suisse à la BAD, le potentiel est beaucoup plus important. «Nous fournissons gratuitement des informations de première main et indispensables pour participer aux appels d’offres», encourage Charles Boamah, son vice-président.

En Suisse, le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) organise occasionnellement des réunions d’information sur la possibilité de faire des affaires avec toutes les banques de développement. Mais les investisseurs suisses, à l’exception des grandes, restent timides.

Entre 2012 et 2017, la BAD a alloué des contrats pour 12 milliards de dollars. Le Maroc en a été le premier destinataire. Les sociétés chinoises ont capté le plus de financement de la BAD, soit 20%.

28 mars 2018
Source :https://www.letemps.ch/