Accéder au contenu principal

De la réforme monétaire dans l’AES : mémo contre les charlatans d’une monnaie commune. - Par Ali ZADA

de la reforme monetaire dans laesImage d'illustration1. « La monnaie, c’est tout ce que la monnaie sait faire » : la gouvernance monétaire et ses exigences de centralisation.

Selon qu’elle est bien ou mal gérée, la monnaie fait :

  • La richesse ou la pauvreté ;
  • Le développement ou le sous-développement ;
  • La cohésion ou les inégalités sociales ;
  • L’apaisement ou les troubles sociaux ;
  • La paix ou la guerre.

2. Les épouvantails à nègres contre la sortie du FCFA :

  • La création d’une monnaie n’a pas besoin de réserves d’or, de réserves de devises ou de garantie institutionnelle extérieure ;
  • C’est la monnaie qui crée l’agriculture et l’industrie et non l’inverse : « La monnaie précède la production », selon l’économiste camerounais Joseph Tchundjang Pouemi ;
  • Une monnaie n’a pas besoin d’être adossée à de l’or. Nos mines d’or ne comptent en rien dans la qualité d’une future monnaie. C’est plutôt la puissance économique nationale en général, notamment l’intégration des chaines de valeur minières, agricoles, industrielles et des service, qui soutient la monnaie et crée une demande soutenue pour elle. Comme toute denrée, la monnaie se fortifie par sa demande locale et en face des autres monnaies. Elle se déprécie sans demande.

3. Banque d’investissement et monnaie AES ?

  • La récente création d’une banque d’investissement des Etats de l’AES n’a rien à voir avec leur sortie du système FCFA. Une banque d’investissement n’est pas une banque centrale. Et il y a déjà beaucoup de banques d’investissement dans l’espace CEDEAO.

4. Des fausses idées pour promouvoir une monnaie AES :

  • La taille du marché compte peu dans l’efficacité de la monnaie : la RDC et le Nigeria sont des pays peuplés qui peinent à stabiliser leurs monnaies nationales ;
  • En revanche le Rwanda, Burundi, Gambie, Lesotho, Eswatini, Canada, Suisse, Corée du nord, Cuba, Îles Samoa (193 000 habitants) et Tuvalu (10 632 habitants) sont des pays peu peuplés qui ont leurs monnaies nationales et qui les gèrent dans la stabilité. Si une monnaie commune est viable, le Lesotho et l’Eswatini enclavés dans l’Afrique du sud sans façade maritime, eurent adopté le Rand sud-africain. Le Canada eut adopté le dollar USD si une union monétaire avait de la pertinence ;
  • Une monnaie commune ne développerait pas davantage les échanges dans l’espace AES, pour des pays ayant la même base d’exportation vers les mêmes marchés côtiers et internationaux, faite de denrées agricoles, de bétail sur pieds et d’or.

5. La monnaie sert les échanges internes d’un pays dans une perspective de création de richesse.

  • On ne crée pas une monnaie simplement dans le but d’échanger avec les voisins. Les monnaies de la Corée du nord, d’Erythrée et de Cuba en sont les parfaites illustrations. Ces pays vivent presque en autarcie, en dehors de quelques relations commerciales privilégiées avec la Russie et la Chine ;
  • Peu de monnaies sont convertibles à l’échelle mondiale (USD, EURO) et dans une moindre mesure le YEN et le YUAN. Tout le reste sert à des échanges internes et sont interdites de sortie par les gouvernements ;
  • Les BRICS mettent en place un système de paiement en monnaies nationales et un système interconnecté pour contourner le SWIFT.

6. Monnaie AES ou remix du FCFA : rappel de l’échec des unions monétaires.

  • Le monde a connu deux grandes unions monétaires qui ont toutes échoué : l’Euro et le FCFA.
  • Les unions monétaires promeuvent les affaires et non le financement du développement. Dans ces deux systèmes, l’impression de monnaie qui est le principal levier pour financer le développement, est aux mains de banques privées qui se sont arrogées le pouvoir de faire crédit aux Etats par la simple création monétaire ;
  • L’agriculture et l’industrie européennes sont ruinées par l’Euro commun. L’Europe est en train de devenir une région sous-développée, avec une pauvreté déjà rampante qui détruit les classes moyennes. Les grandes nations industrialisées comme l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et l’Italie ont cédé leurs privilèges monétaires nationaux à des banquiers privés pour s’en remettre à emprunter auprès d’eux ;
  • Aucun dessein de souveraineté des peuples et de soutien au développement ne fut à la base de ces deux unions monétaires. Que les esprits se décolonisent dans l’AES !

7. Six raisons pour lesquelles une monnaie commune AES n’a pas de pertinence :

  • Le financement du relèvement des zones accablées par le terrorisme demande de subventionner à grands frais ces zones dans tous les aspects de la vie économique et sociale. Cela est impossible à gérer à trois, chaque pays ayant ses besoins différents des autres ;
  • L’utilisation de la monnaie comme levier de politique commerciale, principalement la dévaluation pour appuyer la compétitivité à l’exportation, sera impossible à trois ;
  • La gestion du « chaos » post-réforme monétaire sera véritablement chaotique. Les premiers mois de la réforme seront difficiles et demanderont de la poigne de la part du pouvoir pour aligner les acteurs économiques aux objectifs. Trois pays ne pourraient pas sereinement gérer ce « chaos » ;
  • La maitrise de l’inflation est difficile à trois sans base industrielle et qui importent presque tout pour leurs besoins même les plus essentiels ;
  • La lutte contre la fausse monnaie doit être implacable. Les frontières les plus faibles mettront les trois pays en péril monétaire ;
  • Le crédit universel aux ménages et aux entreprises est ingérable à trois.

8. La sortie du FCFA ne semble pas être à l’ordre du jour dans les pays de l’AES : il n’y en a en tout cas pas de prémices

Les pouvoirs dans l’AES continuent à emprunter auprès du FMI et de la Banque Mondiale. Tout prêteur engage son argent dans la prévisibilité et la stabilité des revenus, même le boutiquier du quartier. Une réforme monétaire à court ou moyen terme ne serait pas pour les rassurer. Et ces institutions sont mieux informées sur nous que nous-mêmes ;

  • Une nouvelle monnaie affiche comme ambition la diversification de la base productive (agriculture et industrie). Les pays de l’AES n’ont pas montré de volonté particulière à sortir de la spécialisation économique mono-productrice imposée par le colon ;
  • Les pouvoirs dans l’AES ne semblent pas comprendre la fonction monétaire dans la création de richesse, ne voyant que l’aspect de support aux échanges ;
  • Les activités qui saignent nos pays de leurs devises ont toujours cours (PMU, salles de jeux, bouquets de chaines de télévision, billetterie d’avion et quasi-monopole des compagnies aériennes étrangères dans nos ciels, etc.) ;
  • Les peurs distillées par certains milieux néo-colonialistes semblent effrayer les pouvoirs dans l’AES déjà accablés par la crise sécuritaire et les défis de gestion d’Etats affaiblis par la rareté des ressources financières. Sauter à pieds joints dans un nouveau « chaos » semble être une option de « pragmatisme ».

9. La monnaie c’est le sang qui irrigue le corps :

  • Un même sang peut-il irriguer trois corps ? Non. L’AES en sa forme confédérale ne peut promouvoir une monnaie commune, au risque d’aller à un échec ;
  • Il faut sortir du FCFA et créer trois monnaies nationales. Le projet d’une monnaie commune AES sera légué à l’étape fédérale.

Ali ZADA
Expert en politiques publiques ;
Enseignant à Swiss Umef University de Niamey