Exploitation de l'Uranium : Orano quitte définitivement le Niger ?
La France a commis l'erreur fatale de partir d'elle-même du Niger, sans qu'à l'époque le Niger ne le lui ait demandé expressément. Ainsi, l'un après l'autre, à la suite de dénonciations d'accords léonins entre les deux pays, la France finit par perdre tous ses intérêts dans le pays, alors qu'elle avait misé sur le retour de Bazoum pour reprendre sa place dans la sous-région. En décidant de fermer les frontières, tout en se servant de la CEDEAO, elle oubliait que l'uranium transite par une de ces frontières qu'elle demandait de fermer hermétiquement pour asphyxier le Niger dans l'espoir de faire fléchir les militaires au pouvoir. Mais, elle finit par se rendre compte que le mal, plus qu'au Niger, se fit pour elle-même. Parce que l'uranium nigérien ne pouvait plus sortir du Niger qui ne profite d'aucune lumière produite à partir de ce minerai, c'est plutôt elle qui en souffrira, elle dont les centrales nucléaires fonctionnent grâce à cette ressource. La transition savait qu'elle finira par prendre Emmanuel Macron dans son propre piège. C'est ainsi que l'on apprenait, à la suite d'un communiqué de la direction d'Orano, que le groupe accusait de grandes pertes du fait justement de l'impossibilité pour elle d'avoir accès à l'uranium du Niger bloqué à Arlit alors même qu'on nous faisait croire qu'il ne représente que peu dans ce qui fait le leadership de la France dans le domaine du nucléaire civil.
C'est donc sur ce dernier intérêt stratégique que la France joue depuis quelques jours son conflit avec le Niger, risquant de perdre complètement pied au Niger. Il y a quelques jours, un communiqué de presse de la coordination de la société civile d'Arlit, en juillet 2024, nous apprend que le gouvernement du Niger, à l'issue d'un Conseil de ministres, a procédé à la désignation et à la nomination d'un nouveau Président du Conseil d'Administration de la Cominak, en la personne de M. Almoustapha Alhassane, une nomination qu'Orano, visiblement, refuse de reconnaitre, ce après deux mois que l'acte ait été pris, justifiant une telle rébellion par quelques subterfuges. Pourtant, depuis cinquante années d'exploitation, la dizaine des Présidents du Conseil d'Administration qui se sont succédé avaient été tous des Nigériens désignés par les différents gouvernements Nigériens sans que, jamais, leur nomination soit contestée par le groupe ORANO. Mais, alors pourquoi maintenant ? La France semble n'avoir rien compris encore de la volonté du Niger d'assumer sa souveraineté et notamment sur ses ressources en jouant encore au dilatoire.
Aujourd'hui, selon la société civile locale, c'est quelques " 40 millions de tonnes de résidus radioactifs [qui ont] exposés à l'air libre, abandonnés par Orano dans cette région, mais aussi une mine de 600 km de galeries à termes noyées d'eaux radioactives, une nappe artificielle radiologiquement contaminée, un réaménagement du site qui s'effectue sur le produit de vente des poubelles ". Le groupe oubliait, ingratement, qu'elle a quand même vendu et profité de quelques 75 000 tonnes d'uranium pendant 50 ans d'exploitation. Et le Niger ne voit que du vent et de la pollution !
Menace de départ ?
Le journal, Le Monda Afrique, dans un article intitulé, " Au Niger, le français Orano suspend la production d'uranium de sa filiale ", revient sur le problème, les divergences qui risquent de sortir totalement la France du Niger. Installé depuis 1971, la multinationale se heurte à la junte nigérienne qui veut remettre en cause les contrats miniers, notamment avec le groupe français.
Relations houleuses
Les relations avec leNiger, plus qu'avec les deux autres pays de l'AES, se sont fortement dégradées au point de ne pas entrevoir d'issue possible de sortie de crise. En effet, note le journal français, à la suite de relations " fortement dégradée[s] ", la filiale au Niger du spécialiste français de l'uranium Orano va " suspendre " sa production à partir du 31 octobre, faute de pouvoir " continuer à travailler " dans ce pays dirigé par un régime militaire depuis quinze mois.</p<
Retour humiliant ?
En vérité, Orano ne tente pas un come-back au Niger parce que la France aurait compris ses erreurs pour tenter de normaliser ses relations avec le Niger mais, parce que la société française, du fait de ses problèmes avec le régime nigérien, vit une situation financière difficile. Selon le journal, " L'aggravation des difficultés financières de la Somaïr contraint cette société ", installée dans la région d'Arlit dans le nord du Niger, " à suspendre ses activités ", a annoncé mercredi 23 octobre, à l'Agence France-Presse (AFP), la porte-parole d'Orano à Paris ".
Les militaires au Niger veulent changer la règle du jeu, ce qui pourrait changer drastiquement les profits de la France dans le domaine.
Manoeuvres souterraines pour une normalisation avortée
On apprend, avec le journal, que malgré les tensions diplomatiques entre les deux pays, que les autorités françaises, du moins celles d'Orano, avaient tenté de renouer le fil du dialogue avec les autorités du Niger, mais qu'elles auraient buté contre un mur, du fait de l'intransigeance d'une " Junte " décidée à assumer la souveraineté du pays. On apprend dans l'article publié que " Malgré tous les efforts déployés " auprès du régime militaire " pour essayer de débloquer la situation " et obtenir des autorisations d'exportation, " toutes [les] propositions [selon la porte-parole du groupe, spécialiste français du combustible nucléaire] sont restées sans réponse ".
C'est la France qui avait certainement souhaité et voulu que la frontière avec le Benin soit fermée ; elle doit s'assumer et accepter de souffrir avec le Niger qui, lui, a trouvé le moyen de contourner l'isolement qu'on lui voulait. On apprend même " que d'autres propositions pour exporter par la voie aérienne via la Namibie aient été également " restées sans suite ". Et résigné de ne pas trouver une solution à son problème, le groupe dit qu' " Au-delà du 31 octobre, " la maintenance se poursuivra, mais il n'y aura plus de production ". Le Niger qui n'y voit aucun problème pour lui-même, n'a pas jugé utile de réagir à ces menaces à peines voilés de la France.
Complications pour la France…
C'est depuis le mois de juin que le Niger retirait, selon Le Monde Afrique," à Orano le permis d'exploitation d'un des plus grands gisements au monde, celui d'Imouraren, avec des réserves estimées à 200 000 tonnes ". Pire, pour elle, et on comprend ses inquiétudes légitimes, " le 19 septembre, le conseil des ministres du Niger a adopté un projet de décret portant création d'une société d'Etat dénommée Timersoi National Uranium Company (TNUC) " qui pourrait reprendre en main l'exploitation du minerai dans le pays et se séparer définitivement du groupe français.
Est-ce possible de renégocier un nouveau contrat ?
Personne ne saurait le dire quand on sait à quel niveau de détérioration sont portées les relations entre les deux pays ce même si, acculée, la société française, pourrait être disposée à aller à un nouveau partenariat. Selon l'acteur de la société civile, très engagé dans le domaine de l'exploitation minière, Ali Idrissa : " Le Niger et Orano doivent mettre cette situation à profit pour renégocier une nouvelle convention qui permettrait à chaque partie de se retrouver dans l'exploitation de l'uranium ".
Par les bêtises de son gouvernement, le groupe français s'est affaibli, risquant la banqueroute. Ainsi note Le Monde Afrique, " Le groupe a déjà fini le premier semestre 2024 dans le rouge avec une perte de 133 millions d'euros, plombé par les difficultés de ses activités minières au Niger ".
Mais, pourquoi la France continue à faire croire qu'elle dispose d'autres sources d'approvisionnement pour se plaindre de manquer du minerai nigérien qui ne représenterait rien dans ce qui fait son leadership dans le domaine au niveau européen ? Au Niger, on a tout compris.
Mairiga (Le Courrier)