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Amères vérités : Au Niger, à tous points de vue, le vase est déjà plein. Attention, alors, à la goutte d’eau qui fera déborder le vase et qui mettra le feu aux poudres

Voilà, tout est dit et tout est clair. Le Président Issoufou a été bref sur la question, mais il a dit tout ce qu’il faut pour le comprendre. Par ce propos sans ambiguïté, il s’affiche comme le plus fervent supporteur du processus électoral tel qu’il est conduit et sur la base d’un code électoral contesté. Mahamadou Issoufou souffle le chaud et le froid et malgré son extrême virtuosité, il ne peut dissimuler, même pour ceux qui sont aveugles et sourds, le rôle véritable qu’il joue, loin des yeux et des oreilles indiscrets.

Pour les toubabs auxquels il a toujours parlé, histoire de faire dans la forme, le Président Issoufou a sans doute fait un énorme effort sur luimême pour s’empêcher de dire que le processus électoral se fera, avec ou sans l’opposition, que la commission électorale, entièrement acquise, restera intacte et que le code électoral ne subira pas la moindre modification.

Comme nombre d’observateurs nigériens et étrangers, ils sont nombreux à avoir vu venir Mahamadou Issoufou. Son invite aux différentes parties pour renouer le dialogue et s’entendre sur un code électoral consensuel pour des élections inclusives n’est qu’une feinte, d’ailleurs grossière. Pourquoi a-t-il attendu …mois après l’échec des pourparlers pour demander que les négociations se poursuivent ? Etpuis, entre nous, peut-on donner tort à ceux qui parlent de mauvaise foi de la part du Président Issoufou lorsqu’il prétend que les premiers résultats issus de leurs discussions sur le Code électoral et le fonctionnement du CNDP sont encourageants ? La vérité, entre autres, est que le Président Issoufou va peser de son poids et de ses prérogatives pour divertir le peuple nigérien, mener en bateau les partenaires extérieurs qui militent pour des élections démocratiques inclusives et transparentes ainsi que ses partisans qui, s’ils ont la même compréhension de ce que doit être le code électoral, la commission électorale et l’usage des moyens de l’Etat, ne partagent pas toutefois la finalité. Le premier, je veux dire le peuple, il ne l’ignore pas, est massivement résolu, dans les villes comme dans les campagnes, à se battre pour son départ et un changement de la gouvernance qu’il incarne et que n’incarnent pas moins un Bazoum Mohamed ou l’homme de l’uraniumlgate.

Le second groupe, composé des partenaires extérieurs, pas ceux qui louvoient et qui trouvent dans la volonté du Président Issoufou un créneau pour se faire un peu d’argent gagné «sans rien faire» que de laisser faire, mais ceux qui militent sincèrement pour la primauté de la démocratie, dans tous ses principes, peut toujours se satisfaire du minimum. De toute façon, les partenaires extérieurs ne peuvent pas aller au-delà du constat et de la condamnation. Mahamadou Issoufou et ses potes ont bien survécu au hold-up électoral de 2016, il n’y a pas de raison qu’ils ne survivent pas à un autre, surtout lorsqu’il est raffiné par l’intrusion d’un fichier biométrique. Quant à ses partisans qui partagent avec lui les procédés et les méthodes pour conserver le pouvoir d’Etat, ils s’attendent toutefois que les manipulations grossières du code électoral, le choix calculé des membres de la commission électorale ainsi que les manœuvres liées à la réalisation d’un fichier biométrique que tous connaissent les contours, les contenus et les subtilités, bref, que la combine leur profite nécessairement. Si le camarade Mahamadou s’avise de les rouler dans la farine, il les trouvera sur son chemin, bien droits dans leurs bottes. Et croyez-moi, ils ne manquent pas de ressorts suffisamment persuasifs pour se faire entendre.

En définitive, le propos de Mahamadou Issoufou dans son discours du 18 décembre 2018 annonce, en cette année 2019, de graves turbulences au Niger. Outre que le Président Issoufou n’a pas encore pris la mesure de la gravité des risques d’instabilité auxquels il expose son pays en prenant, dès à présent, le taureau par les cornes. J’admets que lorsqu’on a fait un hold-up électoral comme celui de 2016 et que le peuple, bien que profondément blessé par l’usurpation de ses suffrages, n’ait pas manifesté la moindre résistance à cet acte de mépris, l’on peut être tenté de récidiver. Il continue, donc, à négliger, voire à mépriser, les prémisses de graves confrontations entre Nigériens. Des confrontations dont notre pays n’a pas besoin et qui risquent de nous précipiter dans un tourbillon d’évènements à la fois tragiques et incontrôlables.

Est-il sage d’attendre de voir comment les choses vont se passer pour chercher les solutions que nous avons à notre portée et que nous offre le dialogue politique ?

Est-il responsable, en tant que gouvernant, de continuer à persister dans les fraudes et de penser que le pire, vécu ailleurs, n’arrive qu’aux autres ?

Est-il raisonnable d’attendre que l’irréparable se produise pour se tenir le menton et se confondre dans de vains regrets ?

Ce n’est pas du tout jouer aux oiseaux de mauvais augure, mais il est bon de dire la vérité, aussi amère soit-elle. En Tunisie, pour ne citer que cet exemple, c’est un vendeur ambulant de fruits qui a mis fin à sa vie en s’immolant pour protester contre des abus qu’il a subis de la part de… Au Niger, à tous points de vue, le vase est déjà plein. Attention, alors, à la goutte d’eau qui fera déborder le vase et qui mettra le feu aux poudres.
BONKANO

05 janvier 2019
Source : Le Canard en Furie