Skip to main content

Accueil

Lettre ouverte au ministre de l’enseignement primaire, de l’alphabétisation, de la promotion des langues nationales et de l’éducation civique, Dr. Daouda Mamadou Marthé

L’analphabétisme, objet de ma correspondance, est un indicateur de pauvreté et retro-alimente le cercle vicieux de la pauvreté. Il est une des conséquences et l’élément représentatif de l’exclusion. Face au taux élevé d’analphabétisme, il est important de s’en référer à la source profonde de ce dernier et d’engager un « réel combat » contre ce fléau, avec des stratégies immédiates et à moyen terme, pratiques, adoptées à nos réalités socioculturelles et religieuses.
Paraphrasant Koïchiro Matsuura, l'alphabétisation est certainement le fondement de toute éducation, toute formation et tout apprentissage ultérieur. L'alphabétisation est indispensable au développement humain durable dans les sociétés d'aujourd'hui, qui sont complexes et changeantes. L'alphabétisation est une condition préalable d'une vraie participation sociale et un instrument d'autonomisation aux plans individuel et collectif.

Pour rappel, notre pays est signataire de plusieurs accords sur le thème d’alphabétisation des jeunes et d’adultes, ce qui dénote l’importance accordée à ce volet par les différents gouvernements qui se sont succédé à la tête de l'État. Cela a donc favorisé le développement des politiques nationales d’alphabétisation permettant des initiatives d’alphabétisation, tant au niveau gouvernemental qu’au niveau de la société civile. Cependant M. le Ministre plus de 59 ans après, le constat, vous conviendrez avec moi, est sans appel ! Cependant, on a du mal à apprécier la volonté et action politique de l’État pour avancer dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion ; pour améliorer la qualité de l’éducation de manière général et pour favoriser des stratégies d’alphabétisation soutenues.

Pour être au rendez-vous des Objectifs de Développement Durable (ODD) à l’horizon 2030, qui promeuvent l'accès de tous à une éducation de qualité, ainsi que des possibilités d'apprentissage tout au long de la vie, il conviendrait de prendre les dispositions idoines et revoir les stratégies : aperçu, objectif et propositions.

Du point de vue de « l’aperçu », pour affronter le problème de l’analphabétisme, il est fondamental d’être conscients qu’il n’est pas « que » conséquence du sous-développement. L’analphabétisme est à la fois cause et conséquence du sous-développement. Il est aggravé par les conséquences de pauvreté et de l’exclusion. Voilà pourquoi la lutte contre l’analphabétisme est multisectoriel. Elle va de pair avec la résolution de la problématique socioéconomique et plus d’investissement dans ce secteur vital. Du point de vue « objectif », il est important que l’alphabétisation ne s’arrête pas au seul objectif de « lecture et écriture ». Il est important de passer de cet objectif à celui de « développement de la personne », à la construction de son auto-estime et autonomisation. Car apprendre à lire, s’alphabétiser est avant tout apprendre à lire le monde, à comprendre son contexte, c’est une relation dynamique qui lie langage et réalité. Elle constitue une opportunité de générer le pouvoir depuis la base. De ce point de vue, il faut étudier le milieu, leur communauté, la réalité ou vivent les personnes participantes du groupe d’alphabétisation pour pouvoir déterminer le vocabulaire commun et les thèmes générateurs autours desquels on peut développer le processus de réflexion-alphabétisation.

Quant aux « propositions » gouvernementales, elles sont généralement temporaires et ne sont pas accompagnées d’une adéquate formation pédagogique et méthodologique des alphabétiseurs. Elles se limitent aux paquets de matériels et sans différences significatives avec pour unique but l’entrainement pour l’usage de ces matériels. De cette façon il est difficile de maintenir les processus d’alphabétisation : il n’existe pas un support économique et politique qui les soutienne. De façon générale il faut passer de propositions temporelles aux propositions permanentes.

Pour ce faire M. le ministre on peut s'inspirer des peuples amis, qui de plus, avec des moyens limités, ont pu remporter des victoires notables dans ce registre. C'est notamment à titre d’exemple les cas du Nicaragua et de Cuba.

Le Nicaragua, en 1980 a enclenché une véritable « Croisade Nationale d'alphabétisation », une campagne massive sans précédent dans cette nation de l'Amérique centrale. Cette héroïque campagne fut possible grâce à la participation de plus de 60.000 jeunes qui, durant cinq mois, ont vécu dans les zones rurales du pays pour alphabétiser à plus de la moitié de la population qui vivent principalement dans des zones extrêmement reculées. Cette expérience unique, participative et solidaire, en cinq mois a permis au pays de réduire le taux d'analphabétisme de 50 % à 12 %.

L'autre cas impressionnant est celui de l'Île cubaine avec un taux d'alphabétisation aujourd'hui de 99,8 %, l’accomplissement de l'éducation pour tous et gratuite est l'une des plus belles prouesses de la Révolution cubaine dans cette région profondément marquée par les inégalités sociales et économiques. À l'heure où l'école est une préoccupation majeure pour tous, l'exemple de Cuba, qui de surcroit un pays du tiers-monde, n'est pas sans intérêt pour nos pays en voie de développement. Le 26 septembre, 1960 Fidel Castro annonçait du haut de la tribune des Nations Unies une campagne d'alphabétisation du territoire. Campagne qui a mobilisé tout le peuple dans cette tache incommensurable. C'est donc logiquement que le pays devient une immense école à ciel ouvert ou près de 270.000 volontaires (étudiants et lycéens) et 34.000 professionnels vont parcourir le pays pour alphabétiser leurs concitoyens. Ce qui a permis 12 mois après, le pays déclare fièrement à la face du monde son territoire « libre d'analphabétisme ». Riche de cette expérience, l’île a dévoilé et perfectionné la technique d'apprentissage « Yo sí puedo » (Moi aussi je peux), qui a permis un tel exploit et a été adoptée par la suite dans plusieurs pays du monde avec des résultats assez satisfaisant. C'est donc possible M. le ministre nous aussi au Niger de vaincre l'analphabétisme et en temps record, malgré l'héritage d'un très faible taux d’alphabétisation estimé à 3 % au lendemain de l'indépendance comme le rappelais récemment le chef de l'État S. E Mahamadou Issifou. M. le ministre, convaincu du bien-fondé et importance de tous les investissements structurants réalisés, ou encore de la volonté affichée du président d’hisser notre nation dans le top 50 du classement Doing Business, nonobstant, la même priorité, sinon plus, doit être accordée à l’éducation de manière général et l’épineux problème d’analphabétisme que nous trainons comme un boulet depuis plus d’un demi-siècle. Parce que convaincu aussi et surtout qu’il n’y a pas d’âge pour enseigner non plus pour apprendre ; l’alphabétisation c’est plus que savoir lire et écrire c’est l’outil pour jeter définitivement les jalons d'une véritable justice sociale, de la renaissance culturelle prônée par le président et le gouvernement de la septième République « Acte 2 », des objectifs de l'Agenda 2063 ou ceux des ODD de l'Organisation des Nations Unies. L'éducation est la clé du progrès a-t-on coutume de dire, qui nous permettra à même de lutter contre le sous‐développement, la pauvreté chronique et ses tares et d’impliquer activement tout le peuple Nigérien dans l’édification de la patrie que nous voulons, afin d'affronter sereinement les défis actuels et assuré un futur radieux pour les futures générations.

Oumarou Issaka Ismaël, citoyen nigérien
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.