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Lettre au “président de la République” Monsieur le “Président”, Nous n’avons qu’un pays et notre devoir, à moins que nous soyons des apatrides, est de le protéger, soit au péril de nos vies

Monsieur le “Président”,

Ce qui s’est passé à Chinégodar est encore plus grave, en termes de bilans humains, que ce que nous avons subi à Inatès. Pourtant, les soldats tombés sur le champ de bataille ont été inhumés sans aucun honneur de la République. Pas de drapeau pour couvrir leurs corps, pas de clairon, pas de présence du moindre officiel. Ils ont été enterrés dans le plus grand mépris de la République et j’ai compris que l’absence des officiels à cette macabre cérémonie risquait de gâcher la rencontre de Pau. Je vous ai bien vu vous incliner, avant votre départ pour la France, sur les tombes de ces militaires qui, pour la plupart, étaient si jeunes. Mais, cela ne vous dédouane pas. Car, pour cinq soldats français morts par accident au Mali, Emmanuel Macron, votre hôte, n’arrête pas de multiplier les actes de reconnaissance et de gratitude de la République. C’est en votre compagnie qu’il est allé déposer une gerbe sur leurs tombes. Est-ce pour ne pas être sévèrement pris à partie par vos compatriotes que vous avez décidé de vous incliner sur les tombes des victimes de Chinégodar avant d’aller le faire, malgré vous, en France, pour des soldats français morts par accident ? Vos compatriotes le croient sans ambages.

Monsieur le “Président”,

Vous êtes, donc, allé en France, précisément à Pau, pour prendre part à la rencontre de clarification voulue et décidée par le président français, Emmanuel Macron. Ce n’est pas, soyez-en sûr, pour vous le reprocher. Je constate simplement qu’il y a eu un écart entre l’information véhiculée selon laquelle vous feriez juste un allerretour pour cause de deuil et le temps que vous y avez passé en fin de compte. Vous êtes rentré à Niamey, si je ne m’abuse, en début d’après-midi. Comme les Maliens, les Burkinabè, les Nigériens ont suivi le déroulement et les conclusions de ce sommet de Pau. Ne vous méprenez pas, vos compatriotes qui demandent plus de clarté dans la position et la politique française au Sahel ne sont pas des ennemis de la France. Mais ils ne peuvent pas aimer un autre pays plus que le leur. Nous n’avons qu’un pays et notre devoir, à moins que nous soyons des apatrides, est de le protéger, soit au péril de nos vies.

Monsieur le “Président”,

Je ne sais pas, mais ce qui se passe, il me semble, n’a pas encore trouvé les réactions énergiques adéquates au sommet de l’Etat. Le changement d’hommes que vous avez consenti ne peut suffire à changer les choses sur le terrain. Il faut également agir au plus vite à ramener ces avions envoyés en maintenance, doter rapidement les Forces de défense et de sécurité de moyens logistiques et militaires conséquents, redéployer ces milliers d’hommes qui sont au palais présidentiel, etc. Vous devez, en un mot, changer de fusil d’épaule et non vous contenter de saupoudrages. Il faut aller jusqu’au bout de la logique de changement en faisant payer ceux qui ont détourné ces 1700 milliards dont on parle et qui ont été destinés à l’armement et à l’équipement des Fds. Il faut également que vous laissiez une marge de manoeuvre conséquente à la nouvelle équipe, car sans possibilité d’innover et de décider, leur nomination ne servirait à rien. Placer les hommes qu’il faut à la place qu’il faut et leur donner les moyens de leur mission. Ce n’est pas si difficile. Croyezmoi, si l’armée nigérienne a pu bénéficier des 1700 milliards en armements et en équipements, vous n’auriez sans doute pas besoin de compter sur les enfants d’un autre pays pour défendre le Niger. La belle est toujours dans votre camp. Comme dit l’autre, c’est bien, mais ce n’est pas arrivé.

Mallami Boucar

25 janvier 2020
Publié le 15 janvier 2020
Source : Le Monde d'Aujourd'hui