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Lettre au “président de la République” Monsieur le “Président”, Non, la gouvernance n’est pas que discours, elle est même loin d’être du discours, je dirais...

Monsieur le “Président”,

C’est dire que je regrette, mais je ne crois guère à cette promesse de fin de mandat qui jure d’avec tout ce que vous avez fait depuis des années. Si, pour se faire un bilan, il suffit de faire des discours, la gouvernance serait tellement facile que les griots et maîtres de la parole, du moins dans nos contrées, seraient sans doute les premiers sur la scène politique et raviraient immanquablement le leadership à vous autres, politiciens. Non, la gouvernance n’est pas que discours, elle est même loin d’être du discours, je dirais. La gouvernance, c’est selon moi l’art d’écouter son peuple dans ses cris de détresse et ses appels, afin d’apporter, le mieux possible, des réponses appropriées à ses aspirations et ses attentes. Or, vous avez régulièrement fait tout autre chose. Vous n’avez pas gouverné, vous avez dirigé. Si c’est seulement maintenant que vous percevez l’impératif de se focaliser sur l’essentiel et non le superflu, vous donnez l’impression de voir les pyramides à l’envers. Je ne crois pas du tout en votre propos, car vous n’avez pas donné, en neuf ans, la moindre preuve. On ne peut même pas vous créditer du bénéfice du doute dans la mesure où vous avez trouvé un pays en pleine croissance, avec des réserves financières considérables, une dette extérieure et intérieure quasiment nulle et de nouvelles ressources fournies par le pétrole. Vous avez tout eu pour réussir, mais hélas !

Monsieur le “Président”,

On ne fait, je vais me répéter, un bilan avec des discours, tout comme on ne se fait pas soi-même un bilan. Le jour viendra où votre bilan, le vrai, sera connu de vos compatriotes. J’espère que ceux qui le dresseront le feront de façon objective, en faisant la part des choses entre ce qui a été réussi et ce qui a été un échec. J’espère, donc, qu’il ne sera ni fantaisiste, ni un reflet de la théorie selon laquelle plus la ficelle est grosse, plus elle a une chance d’être acceptée. Un ami, avec qui j’ai échangé sur ces statistiques dont la fausseté saute à l’oeil dès qu’on y pose le regard, m’a affirmé que dans l’administration publique, ils ont deux types de statistiques : les vraies qu’ils gardent pour des usages internes et les fausses que l’on brandit aux partenaires. J’ai trouvé ça trop méchant. Ce n’est pas les partenaires que l’on trompe – on ne peut les tromper d’ailleurs puisqu’ils sont sur place et connaissent les réalités que cachent les fausses statistiques – ce sont les Nigériens que l’on trompe. Nous ne pouvons, sur ce plan, abuser des partenaires qui se voient délaisser souvent un rôle de leaders là où ils doivent plutôt être des accompagnants. Or, à l’est du pays, combien d’organisations non gouvernementales ont dû se résoudre, devant l’absence et la quasi-insouciance de votre gouvernement, à parer au plus pressé en créant des écoles pour les déplacés de leurs terroirs d’origine du fait de l’insécurité.

Monsieur le “Président”,

On a coutume de dire qu’il n’est jamais tard pour bien faire. Or, en certaines circonstances, ça ne se vérifie guère. C’est le cas lorsqu’on est limité dans son action par le temps. Vous avez moins de deux ans à la tête de l’Etat et l’article …indique que « en aucun cas, nul ne peut faire plus de deux mandats à la tête de l’Etat ». Vous imaginez, en aucun cas ! De toute façon, je suis de ceux qui pensent que vous ne tenterez pas le diable. Je le crois fermement, même si le processus électoral m’inquiète sérieusement.

Monsieur le “Président”,

Je voudrais terminer cette lettre avec cette histoire de trafic de drogue qui revient au devant de la scène. Pourquoi ne parlez – vous jamais du trafic de drogue alors qu’il est à la base de nos soucis d’insécurité ? Pour quelles raisons ce fléau n’a pas, jusqu’ici la place qu’il mérite dans vos discours – je ne parle pas d’actes – alors qu’il a gangrené gravement de grands services de l’Etat ? La Dgdse, je le rappelle, est un service rattaché à la présidence de la République. Or, elle est abondamment citée à travers certains de ses membres qui ont été épinglés dans ce trafic de drogue. Un conseiller au président de l’Assemblée nationale a été arrêté avec 800 kilos de cocaïne en Guinée Bissau, un député est cité dans une autre affaire de trafic de drogue, mais son immunité parlementaire, dont il a été question, à un moment, n’a jamais été levée. D’autres, cités dans d’autres affaires sont demeurés conseillers à la présidence de la République et au Cabinet du Premier ministre. Pourquoi laissez-vous à vos compatriotes l’impression que vous êtes totalement impuissant face au trafic de drogue au Niger ?

Monsieur le Président, il fait nuit et je voudrais me reposer pour être apte à faire face au problème d’eau qui nous empoisonne la vie depuis des jours d’affilée. Et ce n’est ni à N’guiguimi, ni à Zinder. C’est à Niamey.

Mallami Boucar

14 août 2019
Publié le 07 août 2019
Source : Le Monde d’Aujourd’hui