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Lettre au “président de la République” Monsieur le “Président”, « Il faut choisir, a dit feu Thomas Sankara, entre, offrir le champagne à quelques-uns et donner l’eau potable à tout le monde »

Malgré les immenses ressources, financières, minières et pétrolières dont vous avez bénéficié en avril 2011 et qui a conduit la Directrice générale du Fonds monétaire international (Fmi) à venir au Niger pour vous demander de faire attention à ne pas gaspiller les chances inouïes qu’a notre pays, vous êtes passé à côté. Personnellement, ça ne m’étonne pas, même si je n’aurai jamais imaginé un tel désastre. Après toutes ces années et toutes ces ressources, inestimables, parler de problème d’eau au Niger vaut certainement plus qu’un blâme. Un ami a d’ailleurs fait une malheureuse comparaison en prétendant que c’est comme ces élèves qui, même avec le corrigé d’une épreuve sous les yeux, n’arrivent pas à s’en sortir. Il exagère sans doute, mais je dois reconnaître que vous avez eu tant de facilités qu’un échec de votre part est intolérable.

Monsieur le “Président”

Regardez bien le tableau et vous comprendrez mieux ce dont je parle. La répétition, dit-on, est pédagogique. Sur le plan énergétique, c’est l’échec avec, en sus, un gâchis incroyable de ressources financières avec la centrale thermique de Gorou Banda que vous avez pourtant tant chantée. Malgré Gorou Banda et les 80 milliards de francs CFA qu’elle a avalés, il vous a fallu acquérir encore, à l’occasion des rencontres de l’Union africaine et de la Zleca de début juillet, des groupes électrogènes d’une valeur de plus de six milliards.

Sur le plan alimentaire, c’est l’échec, là aussi. En plus de l’insécurité alimentaire qui est le lot de milliers, voire de millions de Nigériens parfois, votre programme 3N n’a été qu’une caisse de propagande qui n’a mené nulle part. Si quelqu’un ose me dire qu’il a abbouti à un accroissement de la production agricole au Niger et que depuis lors, « sécheresse ne rime plus avec famine », la chanson fredonnée aux Occidentaux, je lui dirais que les producteurs exportent sans doute la totalité de leurs productions si que des pays comme le Maroc inondent notre marché de pommes de terre. Si tel est le cas, il va falloir que l’Etat veille à interdire, ou à limiter de façon drastique, ces exportations qui nuisent à la fois aux populations nigériennes, mais aussi au gouvernement dont l’image est sérieusement écornée.

Sur le plan des infrastructures, je m’étonne de voir des Nigériens vous applaudir là où vous n’avez pas pu reconstruire les routes les plus importantes pour le Niger. Je veux parler de la route Dosso-Gaya et de Tahoua-Arlit que d’autres, avant vous, ont mis de l’intelligence, de l’énergie et de la vision à faire. Or, ces routes se sont continuellement dégradées depuis neuf ans au point d’avoir totalement disparu sur des centaines de kilomètres. Ces routes sont pourtant vitales pour l’économie nigérienne. Neuf ans au pouvoir, avec d’immenses ressources financières qui ont fait de nombreux milliardaires au sommet de l’Etat, dit-on, mais qui n’ont pas permis de reconstruire les routes de la vie, au Niger. Par contre, des routes, avec éclairage, ont été construites quelque part, au Niger, pour relier des villages. Triste choix !

Sur le plan de l’éducation, l’école nigérienne a perdu, avec vous, ce qui lui reste encore à sauver. Depuis presque neuf ans, la crise est permanente, aggravé régulièrement par les tâtonnements d’une politique sans âme qui est essentiellement faite de saupoudrages, de par à coups et de rafistolages ; en somme, un pilotage à vue où les décisions d’hier sont remises en cause dès le lendemain. Du préscolaire au supérieur, l’école nigérienne, qui vous a propulsé de Dandadji, votre village natal, au palais présidentiel, est très malade pour être, aujourd’hui, pour les plus jeunes, ce bel ascenseur qu’il a été pour vous.

Sur le plan de l’hydraulique, des localités entières, et pas des moindres, y compris Niamey, la capitale, sont régulièrement confrontées à un problème d’eau potable. Des fois, les pénuries durent des jours et des jours et lorsque l’eau arrive finalement, elle est carrément insalubre, comme si elle vient directement d’égouts ou de fosses … Malgré les statistiques, manifestement fausses, vos compatriotes ont soif.

À propos de la santé, je dois reconnaître que si vous avez fait deux hôpitaux de référence, à Niamey et à Maradi, mais là où le bât blesse, c’est que, d’une part, ces hôpitaux manquent cruellement de plateaux techniques adéquats pour que les Nigériens arrêtent systématiquement d’aller voir ailleurs ; d’autre part, ils ont été construits à des coûts faramineux qui auraient pu permettre de les équiper convenablement. Vos compatriotes disent que ça sent la corruption à plein nez.

Monsieur le “Président”

Non seulement, vous avez considérablement appauvri les secteurs sociaux de base, mais les infrastructures dont il est question, soutiennent vos compatriotes, ont été abusivement surfacturées pour enrichir des individus, sans compter qu’elles ont été réalisées parfois dans le mépris des normes. C’est précisément le cas de vos rails qui ont inutilisables. Il faut dire que les coûts de ces infrastructures frisent la corruption. 21 milliards pour la voie express, c’est vraiment choquant, surtout à la réception des travaux. Partout, c’est le même constat. À Tahoua, à Zinder, à Maradi, à Agadez, etc.

Ce sont là quelques aspects réels de votre politique qui prouvent que vous avez préférez le champagne pour quelques uns au détriment de l’eau pour tous.

Monsieur le “Président”

Comme le Pnud qui classe injustement notre au dernier rang des pays qui n’avancent pas, j’ai découvert que la Banque mondiale aussi se met dans la danse. Comme pour vous doucher et vous dire que vous avez plutôt intérêt à écouter la voix de votre peuple qui réclame une prise en compte conséquente des secteurs sociaux de base. Elle vient de publier que, je cite : « Une population instruite et en bonne santé et bien nourrie rapporte davantage à l’économie que la seule construction de routes et de ponts ». Encore que, chez nous, les routes les plus utiles pour le Niger attendront sans doute un autre que vous pour être reconstruites. Investir dans l’humain est primordial et c’est exactement ce que vous n’avez pas fait.

Mallami Boucar

30 juillet 2019
Source : Le Monde d’Aujourd’hui