Skip to main content

Accueil

Judiciarisation politique ou Politisation judiciaire ? Par Ismaël Oumarou Issaka


Le juriste américain Karl Llewelyn, un des pères du réalisme juridique, une doctrine qui a le vent en poupe me diriez-vous, disait que les normes juridiques ne passaient pas d’être, pour les juges, des simples « instruments de jeux important ». Le juge ou la justice, pour le réalisme, ne décide pas conformément au droit, sinon selon ses convictions politiques et morales personnelles. Selon ses intérêts ou sympathies. Après qu’il prend la décision qu’il confère à celle-ci une apparence légale !
L’ampleur grandissante de la judiciarisation du cadre politique, la transformation du droit ainsi que ses institutions comme un « moyen » utile de parvenir à des fins politiques, l’instrumentalisation sans cesse des investigations judiciaires pour prendre des décisions à caractère nettement politique et discriminatoire doit nous interpeller tous, au-delà de notre appartenance politique, idéologique, religieuse ou sociale.
Actualité oblige. Avant les élections présidentielles sénégalaises, le cas de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall ou de Karim Wade, candidat officiel du Parti Démocratique du Sénégal (PDS), tous deux « éliminés » de la course au fauteuil présidentiel après un feuilleton judiciaire digne des novelas brésiliennes. Le pouvoir politique par le biais de la justice a réussi à écarter deux concurrents redoutables. Alea jacta est !
Le cas très commenté au Bénin est celui de Sébastien Adjavon, ex-allié du président Patrice Tallon. La CRIET (Cours de Répression des Infractions Économiques et de Terrorisme créée en 2017) le condamne à 20 ans de prison pour le même « crime » que le Tribunal de Première Instance de Cotonou avait ordonné, en 2016, sa relaxe pure et simple au bénéfice du doute et manque de preuve. La Cours Africaine des Droits de l’homme condamne l’État béninois dans le même feuilleton judiciaire. Aujourd’hui, Patrice Talon refuse d’exécuter la décision d’une Cours régionale, le même Patrice Talon qui en 2015 exigeait à Boni Yayi le respect de la décision d’une Cours Régionale, l’OHADA, qui obligeait l’État béninois à faciliter la reprise des affaires de Mr Talon ou une compensation d’environ 200 milliards. Ainsi le Benin à côté du Sénégal, modèles démocratiques, rejoint le banc des pays violateurs de décisions des Cours Panafricaines.

Un cas récent et d’actualité mérite une attention particulière. Il s’agit de l’imbroglio politico-judiciaire qui a opposé Moise Katumbi a l’ancien régime Congolais. Condamné à 3 ans de prison et poussé à l’exil sous Kabila, Mr Katumbi vient d’être acquitté pour la même affaire judiciaire sous Felix Tshisekedi.
Ces exemples typiques, que ça soit au Brésil, en Afrique ou en Asie qu’elle se produise doivent nous indigner, nous appeler à la mobilisation générale et à l’action citoyenne pour sauvegarder le cadre démocratique et l’expression pleine des libertés à nos concitoyens et pour que enfin de tels actes aussi anachroniques ne puissent se reproduire dans la terre de nos ancêtres. Comme disait le Che Guevara, je ne crois pas que nous soyons des parents très proches, mais si vous êtes capable de trembler d’indignation chaque fois qu’une injustice se commette dans le monde, nous somme des camarades et nous partageons le même combat, ce qui est plus important.
En Afrique, pour s’émanciper véritablement, pour l’édification d’une paix durable aussi dans nos villes que dans nos campagnes, pour la matérialisation de l’agenda 2063 de l’Union Africaine et enfin comme le Che, pour la création d’un homme nouveau, d’un africain nouveau, nous devons converger tous vers la construction salutaire d’une justice libre et indépendante; des institutions fortes (et non seulement des dirigeants forts), républicaines et démocratiques capable de protéger chaque citoyenne et citoyen dans ses droits civique et constitutionnel. Rendre effectif la séparation des pouvoirs et permettre une participation active de toutes les composantes de la société dans la marche de la nation vers la construction de l’Afrique que nous voulons, dans la paix, la justice et le développement.

Hasta la victoria siempre!

OUMAROU ISSAKA ISMAËL