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Lettre au “président de la République” , Monsieur le “Président” Croyez-moi, vous avez créé déjà trop de problèmes à résoudre pour celui qui viendra après vous : Ne vous avisez pas d’en rajouter

Monsieur le ‘’Président’’
Bien que Mohamed Bazoum ait parlé comme s’il était déjà élu, il est apparu dans son discours quelque peur mal cernée, une sorte de phobie qui habite la plupart de vos compatriotes. Vous avez bien remarqué que la plupart des ténors de la classe politique nigérienne étaient absents à cette cérémonie. C’est la. preuve, pour moi, qu’ils savent que les choses sérieuses sont ailleurs. Bazoum est investi candidat à l’élection présidentielle pour le compte du PndsTarayya. Et après ? Après, il reste à imposer la tenue des élections à date. Tel est le défi qu’il lui reste à relever d’autant plus qu’il se voit déjà élu. Je vais être clair. Nombre de vos compatriotes vous soupçonnent d’être tenté par l’hypothèse Kabila. C’est vrai que dans votre position actuelle, avec des hommes de main à tous les niveaux et à la tête de toutes les institutions impliquées dans la conduite du processus électoral, il vous est loisible de mettre subtilement des bâtons dans les roues, de faire traîner les choses et de susciter, par personnes interposées des problèmes dont la résolution va inévitablement influer sur le calendrier électoral. Si ça coince, et ça va nécessairement coincer à l’allure actuelle des choses, vous n’aurez de toute façon qu’à dire clamer votre désolation de voir le processus électoral… , sur fond d’incompréhension et d’intolérance des acteurs politiques. Vous avez là une très belle carte à jouer.

Monsieur le ‘’Président’’
Je vous disais tantôt ma conviction que ça va nécessairement coincer, car je vois déjà pointer à l’horizon les signes avant-coureurs de ce piétinement à venir. Seïni Oumarou, le président du Mnsd Nassara, en a servi l’entrée lors du 9e congrès statutaire de son parti, à Tahoua. Je ne sais s’il l’a fait de concert avec vous et contre Bazoum, mais l’investiture de SeïniOumarou, avec à la clé les préoccupations qu’il a soulevées dans son discours d’ouverture, sont de nature à contribuer à cet enlisement à venir. D’une part, ceux qui s’accrochent à un code électoral consensuel, ce qui suppose que le code actuel soit débarrassé de toutes ses scories, et d’autre part, ceux qui estiment que le Niger, c’est eux et la loi, c’est ce qu’ils veulent. Dans ces tiraillements à venir, personne ne pourra vous accuser d’attiser le feu. L’on a beau vous soupçonner, l’on ne pourra faire que ça, avec la désolation de constater qu’on est dans le pétrin et qu’il est plus utile de chercher une issue de sortie que de se perdre dans des conjectures qui ne feront que nous enfoncer. La bataille du code électoral, qui va se faire, arrivera à un moment où le processus électoral est déjà plombé. S’il n’y a pas d’entente sur le code électoral, il ne peut y avoir d’élections. Le candidat que vous avez imposé au Pnds ne facilite pas les choses. Au contraire, plus on se rapproche des échéances électorales, plus la crise va s’amplifier. Sans compter que, je vois se profiler à l’horizon la crainte d’une multiplication des attaques terroristes un peu partout sur le territoire national. Bref, le climat social et politique sera si retourné, sens dessous dessus, que personne n’aura à l’esprit de parler de votre mandat qui s’étire indéfiniment dans le temps. Au grand plaisir, j’imagine, de tous ces caciques du Pnds qui ont farouchement combattu Mohamed Bazoum et qui trouveraient dans cette situation des motivations solides pour mettre de l’huile sur le feu.

Monsieur le ‘’Président’’
Aussi, par mesure d’anticipation et par devoir d’attirer votre attention sur les risques majeurs auxquels une telle tendance exposera notre pays, je voudrais vous dire que vos compatriotes ne vous pardonneraient jamais une telle tendance. J’ose espérer que malgré les tentations, très fortes, j’imagine, vous allez finir par vous faire une raison en ne tombant dans aucune manoeuvre dilatoire. J’ose l’espérer, malgré les faits, têtus, qui me disent de ne pas rêver. Un ami, très perspicace, m’a relevé à ce propos que vous avez facilement imposé un candidat au Pnds, mais vous n’avez pas pu le faire pour un code électoral consensuel parce que vous ne le voulez pas. Pour lui, il est clair que vous travaillez à des élections pareilles à celles qui vous ont valu le mandat actuel et qu’il n’y a rien à attendre de bon de votre part dans la conduite du processus électoral.

Monsieur le’’Président’’
Croyez-moi, vous avez créé déjà trop de problèmes à résoudre pour celui qui viendra après vous. Ne vous avisez pas d’en rajouter. Si, en plus de l’imbroglio de la fonction publique, le gouffre financier, les trafics de drogue et d’armes face auxquels vous restez impassible, il faut greffer une crise électorale, ce serait vraiment le comble. Dans cette voie périlleuse pour le Niger, vous pouvez être sûrs que très peu de Nigériens accepteraient de vous suivre. Seïni Oumarou et le Mnsd ont d’ores et déjà agité la menace et je sais que vous n’avez pas manqué de le percevoir clairement. Non seulement il a réclamé un code électoral consensuel et le respect scrupuleux du calendrier électoral, mais il n’a pas honoré de sa présence la cérémonie d’investiture de votre poulain (?). Il a préféré aller présenter ses condoléances à Ouallam pour la famille du défunt chef de canton. Un acte sans doute plein de sollicitude de la part du président du Mnsd, mais on ne peut manquer de noter qu’il pouvait le décaler de deux petites heures pour vous témoigner de son amitié et de son attachement à l’alliance qui vous lie.

Monsieur le ‘’Président’’
Si Seïni Oumarou n’a pas cru nécessaire de décaler son voyage de Ouallam de deux heures pour honorer l’investiture de Bazoum, c’est que, soit il a déjà un pied dehors, soit il l’a fait de connivence avec vous contre Bazoum. Dans les deux cas, il est probable que Seïni Oumarou et le Mnsd vous disent dans les jours ou semaines à venir, « Arrêtez, nous ne pouvons accepter ce que vous envisagez de faire ». En tout état de cause, je pronostique que les choses ne se passeront comme vous semblez les tracer sur une ligne droite, tout en rose.

Mallami Boucar

10 avril 2019
Publié le 03 avril 2019
Source : Le Monde d'Aujourd'hui