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Lettre au “président de la République” Monsieur le “Président”, La grogne sociale va bientôt reprendre et ce n’est pas une bonne chose à la veille d’élections de fin de mandat

 Image d'illustration (Marche et meeting de la société civile et de l’opposition politique à Niamey le 11 novembre 2018)Image d'illustration (Marche et meeting de la société civile et de l’opposition politique à Niamey le 11 novembre 2018)J’ai suivi l’information sur votre agenda officiel et me suis rendu compte que vous allez encore repartir à l’étranger, comme toujours depuis près de huit ans que cela dure. Le 6 décembre, vous serez en principe à Nouakchott, en Mauritanie, pour la conférence de coordination des partenaires et bailleurs de fonds du G5 Sahel. En votre qualité de président en exercice de cette institution et au regard de tout ce que vous avez fait comme discours sur l’insécurité et la lutte contre le terrorisme, je présume que vous ne pouvez pas ne pas être dans la capitale mauritanienne. Dès le 8 décembre suivant, il y a le forum de l’Afrique à Charm el Cheikh, en Egypte. De Nouakchott, j’imagine que vous allez faire le pont pour honorer de votre présence ce forum auquel vous avez sans doute promis de participer. Enfin, j’ose l’espérer, le 10 décembre, vous atterrirez à Marrakech, au Maroc, pour le sommet pour la migration. Une belle tournée de plus d’une semaine en dehors du pays, soit dit des multiples problèmes qui vous assaillent. D’aucuns racontent d’ailleurs que le motif essentiel de vos déplacements à l’étranger réside dans le fait que vous ne vous sentirez mieux que lorsque vous quittez le territoire national. Il y a de quoi le croire, votre tendance à voyager à l’extérieur du Niger frisant la légende. En tout cas, dans l’histoire politique du Niger, aucun président ou chef d’Etat n’a montré autant de goût pour les voyages à l’extérieur. Un de mes amis, un brin critique, m’a dit que vous cherchez à construire à l’extérieur ce que vous n’avez pas pu acquérir chez vous, au pays. Mais le problème, c’est que le pays vous rattrape toujours. Les problèmes économiques que vous avez provoqués et entretenus par une mauvaise gouvernance, une corruption endémique, des détournements massifs des deniers et biens publics, les trafics de devises, de drogue et d’armes, etc., ne vont pas se dissiper, du jour au lendemain, parce que vous les aurez laissés derrière vous pour d’autres réalités. Les problèmes sociaux, notamment le manque d’eau potable pour de nombreuses populations, l’insécurité alimentaire, la pauvreté ambiante, la santé hypothéquée, l’école démantelée, etc., ne trouveront pas non plus de solutions dans vos déplacements incessants à l’étranger. Quant aux problèmes politiques que vous avez résolument forgés pour disposer des suffrages de vos compatriotes selon votre volonté et vos attentes, il est bon de savoir que refuser d’écouter les appels à la raison, c’est choisir délibérément de mettre son pays sur la voie de périls graves.

Monsieur le ‘’Président’’,

J’ai appris, sur ce dernier sujet, que vous auriez enfin décidé de trancher en faveur de la candidature de Mohamed Bazoum pour défendre les couleurs du Pndsà l’élection présidentielle prochaine. Personnellement, si tel est le cas, je crois que vous n’avez pas mieux à faire. Mohamed Bazoum va désormais ravaler ses ressentiments éventuels et le général SalouDjibo restera définitivement tranquille. SalouDjibo, tout comme tous ces petits agitateurs qui, au sein du Pnds, veulent constituer un barrage solide pour la réalisation des ambitions de Mohamed Bazoum. Il suffit que vous souteniez le président du Pnds pour que tous rentrent dans les rangs et se fassent petits. Mohamed Bazoum le sait et tous les Nigériens le savent. S’il y a le moindre opposant à sa candidature, c’est que votre ombre est derrière. C’est pourquoi, lorsqu’on m’a rapporté que c’est un certain MassoudouHassoumi qui voudrait mettre du sable dans l’attiéké de Mohamed Bazoum, je me suis dit que vous n’êtes pas bien loin. Je crains de commencer à voir les prémices d’un plan que je redoute. Un plan machiavélique que certains de vos compatriotes vous soupçonnent de planifier et qui viserait à susciter plusieurs ambitions dans les rangs du Pnds, histoire de diviser pour mieux régner. Si, donc, HassoumiMassoudou a des prétentions, c’est qu’il faut s’attendre à ce que d’autres hurluberlus fassent connaître leurs prétentions. Je crois sincèrement que vous avez d’abord intérêt à éteindre les feux qui couvent au sin du Pnds. Le reste, c’est une affaire qui vous opposera aux citoyens nigériens et là, c’est une autre paire de manches. Monsieur le ‘’Président’’

Nous sommes à un mois du début de l’année électorale et vous semblez complètement insouciant par rapport aux risques de périls qui pèsent sur la quiétude sociale et la stabilité du Niger du fait d’un processus électoral boiteux. Dans un mois, les questions électorales vont prendre le pas sur toute autre préoccupation. Les élections locales étant prévues pour le 20 janvier 2020, je ne vois pas comment, avec toutes les difficultés et les problématiques jusqu’ici sans solutions, les perspectives s’annoncent sombres pour notre pays. Ce n’est pas pour faire les oiseaux de mauvais augure, mais pour attirer, encore une fois, votre attention, sur les risques majeurs que vous feriez peser sur la stabilité du pays en continuant à faire la sourde oreille. Je m’inquiète vivement du moment où selon des informations dignes de foi, vous êtes réputé pour ne pas écouter les conseils. Vous n’en feriez qu’à votre tête et pour un chef d’Etat, c’est un bien fâcheux caractère. Un chef d’Etat doit savoir écouter, se surpasser et se remettre en cause. L’arrogance, le mépris et l’ignorance des préoccupations populaires sont à bannir lorsqu’on gère les affaires publiques. Vous suivez probablement ce qui se passe en France pour comprendre qu’il faut toujours savoir reculer à temps, apporter des solutions aux problèmes en temps opportun et éviter d’en arriver à certaines situations ingérables. Il n’y a pas, vous le savez, de peuple qui ne connaisse jamais la colère.

Monsieur le ‘’Président’’, Les feux sont au rouge au Niger, mais je comprends qu’ayant fait un hold-up électoral qui est passé comme lettre à la poste, vous ne puissiez pas mesurer les risques réels liés à une volonté de disposer des suffrages de vos compatriotes comme vous voudriez. En 2019, les évènements risquent de se précipiter. J’ignore ce qui va se passer exactement et comment, mais je reste particulièrement convaincu que les Nigériens n’accepteront pas, une seconde fois, de subir sans réagir à une confiscation de leurs suffrages. Un ami membre des Forces de défense et de sécurité m’a informé des mesures qui seraient en cours pour faire face à toute contestation de ce qui se prépare. Il m’a expliqué que des recrutements massifs de policiers, de gardes nationaux et de gendarmes sont en cours. Il y a, m’a-t-il dit, 1500 policiers, 1500 gardes nationaux et 1000 gendarmes en cours de recrutement et que ces recrutements s’inscrivent dans la perspective des évènements à venir. Ces informations, si elles sont confirmées, constituent un motif réel d’inquiétude. En connaisseur, il m’a expliqué que même l’armée n’a jamais recruté autant et j’ai compris la démarche. Pendant qu’on amenuise les capacités de l’armée régulière, on massifie les effectifs des gardes nationaux, de la police et de la gendarmerie pour les dresser contre les populations qu’il faut nécessairement empêcher de contester et de revendiquer leurs droits.

Monsieur le ‘’Président’’,

Si tel est le projet dans lequel vous vous êtes inscrit, il serait sage de l’abandonner et de chercher rapidement les voies et recours nécessaires pour apaiser les esprits et rassurer les Nigériens. Dans ce schéma, vous ne pourriez pas sortir grandi comme vous pensez le faire. Sachez que vous n’avez pas beaucoup de temps pour le faire, car à partir de janvier 2019, le climat politique va pourrir davantage et Dieu seul sait comme les choses vont se passer. La grogne sociale va bientôt reprendre et ce n’est pas une bonne chose à la veille d’élections de fin de mandat.

Mallami Boucar

08 décembre 2018
Source : Le Monde d’Aujourd’hui